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Le Suspensu Et Le Congedie

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n de perte aura été suffisante à ses patrons pour se convaincre de le remercier. Trouver un compromis? Prendre une décision plus humaine qui aurait tenu compte de ses services rendus? Prendre en considération le fric qu’il a fait entrer dans les poches du PDG pendant toutes ces années? Tenir compte qu’il est nouveau papa d’un petit garçon de un an, que décembre arrive à grands pas, qu’il ne pourra se trouver un nouvel emploi avant des mois? L’employeur ne pense pas comme ça. Ce serait lui prêter des sentiments humains dont il est totalement dépourvu. La logique du capitalisme n’a rien à voir avec celle du christianisme ou de l’humanisme. Sa seule règle est d’écraser et de dominer son prochain de toutes les manières possibles. Dans cette société de droits, le seul endroit où tu peux encore humilier sans pitié un être humain, où tu peux le violenter en lui retirant toute possibilité de faire vivre sa famille, où tu peux encore le détruire psychologiquement et physiquement sans qu’aucune police ne vienne cogner à ta porte, c’est au travail. Le marché de l’emploi est le dernier fil qui nous relie encore avec l’esclavage. Son principe est le même : l’exploitation de l’homme par l’homme. Bien sûr, il ne faut pas comparer notre situation avec celle qui prévalait aux siècles derniers. Mais la base (la raison du plus fort) est toujours là. Un employé de dépanneur n’a pas beaucoup de recours contre un employeur qui l’insulte et qui l’humilie. Une mère monoparentale et sans éducation soudée du matin jusqu’au soir à sa machine à coudre dans une usine de textile de la rue Chabanel doit penser à ses enfants avant d’engueuler son patron qui vient de lui mettre la main au cul. Bien sûr, il existe des lois. Mais vas-y donc poursuivre ton patron toi qui travailles dans une usine non syndiquée de Parc-Extension avec ton petit salaire de crève-faim.

L’exploitation de l’homme par l’homme je disais et je n’en démords pas. C’est comme ça que le système fonctionne et on a les deux pieds dedans. Raymond vient de subir une variante de cette exploitation. Employé apprécié hier quand il remplissait ses commandes de ventes, résidu de sous-merde sans intérêt maintenant que le même calepin de vente accumule les lignes blanches entre chaque vente. Une entreprise est un monstre sans esprit et sans émotion dirigée par des cadres exécutants apeurés pour leur propre poste. «Mieux vaut sacrifier lui que moi.» Et quelque part, c’est triste, mais on les comprend même si c’est difficile de leur pardonner. Car malgré leur salaire et la qualité de leur emploi, ils sont interchangeables eux aussi. Ils contrôlent une partie de cette machine qui pourra très bien les broyer à leur tour demain matin. Mais eux, ils acceptent pour la plupart leur condition d’esclave et c’est pour ça qu’on ne pleure pas trop quand l’un des leurs disparaît dans la brume pour aller relever de nouveaux défis.

Tu vas faire quoi maintenant?

Je ne sais pas.

Un silence sacré suit ces derniers mots. Je dis bien «sacré» parce que la douleur et l’inquiétude d’un homme que l’on vient de congédier ne sont rien de moins que ça. Respect à celui que l’on vient de congédier. Il porte sur ses épaules un lourd fardeau qui se compare à un rejet de ce que l’on est. Un congédiement, c’est une petite exécution sommaire, une miette d’assassinat. Des gens sont payés pour faire ça, congédier. Et ce qui est triste pour le genre humain, c’est qu’ils le font en se donnant bonne conscience, sans soucis du fait qu’ils soient l’instrument de souffrance de leur

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