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La littérature en GRH et de nombreuses manifestations professionnelles nous ont familiarisés, depuis quelques années, aux particularités de la génération Y.

Dans un premier temps, nous tenterons de cerner, par le biais d’une analyse de la littérature disponible, les contours de cette génération et d’en systématiser les principales caractéristiques: nous serons d’ailleurs amenés à constater un relatif manque de convergence entre les auteurs sur les délimitations et les traits supposés de cette génération. Nous aborderons également les recommandations fournies par la littérature en GRH sur les politiques à mettre en œuvre pour faire face aux particularités de la génération Y.

Dans un deuxième temps, nous livrerons les résultats d’une étude menée en Belgique auprès d’un échantillon de 851 personnes, âgées de 20 à 59 ans, dont un tiers environ correspondent à la classe d’âge habituellement associée à la génération Y. Nous examinerons ainsi dans

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quelle mesure les valeurs et attitudes au travail de cette génération diffèrent significativement de celles des autres générations.

Dans un troisième et dernier temps, nous discuterons les résultats obtenus. Ceux-ci tendent à montrer que les particularités supposées de la génération Y sont minces, du moins en ce qui concerne les attitudes et valeurs au travail de ses membres. Il nous semble dès lors possible d’en conclure, à l’opposé des tonalités dominantes de la littérature contemporaine en gestion, que la nécessité d’adopter des politiques de GRH spécifiques à la génération Y ne semble guère fondée. Ces dernières peuvent même s‘avérer génératrices d’effets pervers pour le bon fonctionnement des organisations. En revanche, les résultats de l’enquête nous rappellent que les fondamentaux de la GRH (sens au travail, équilibre vie privée/vie professionnelle, reconnaissance, etc.) continuent à rester des préoccupations partagées par l’ensemble des générations…

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I : UNE GENERATION AUX EXIGENCES SPECIFIQUES

I.1 : Génération Y : les contours d’un mythe…

Tout d’abord, il convient sans doute de s’entendre sur la notion même de génération. Dans une tentative de clarification conceptuelle, Markert (2004) propose de distinguer génération et cohorte : le premier terme couvrirait des périodes d’une vingtaine d’années, correspondant à la durée habituelle du cycle de formation et de maturation sociale, dans les sociétés modernes, préalable à l’entrée dans la vie active tandis que le second constituerait une subdivision plus courte, permettant de repérer des différences intra-générationnelles.

Il n’en reste pas moins que les délimitations de la génération Y présentées par la littérature sont loin d’être uniformes, ce qui nous montre la fragilité des bases méthodologiques sur lesquelles cette littérature se développe. Ainsi, selon Josiam et al. (2009), il s’agirait essentiellement des jeunes nés entre 1979 et 1989. Eisner (2005) parle plus simplement de ceux et celles qui sont nés après 1980. Selon Sullivan & Heitmeyer (2008) et Yeaton (2008), le terme désignerait plutôt la génération des jeunes nés entre 1979 et 1994. Cette dernière définition est actuellement la plus répandue et nous l’utiliserons dans la partie empirique de notre travail.

Quelles seraient les spécificités de cette génération ? A nouveau, les bases méthodologiques sur lesquelles s’appuient les études disponibles nous paraissent peu fiables: dans de nombreux cas (Peltron & True, 2004 ; Eisner, 2005 ; Laizé & Pougnet, 2007 ; Sullivan & Heitmeyer, 2008 ; Reddick & Coggburn, 2008 ; Josiam et al., 2009), il s’agit d’étudiants universitaires, généralement attachés à l’institution d’origine de l’auteur de la recherche. On devine aisément

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le biais que présente ce type d’échantillon, survalorisant le capital économique, social et culturel des jeunes étudiés. Certains n’hésitent pas à étayer leurs propos en recourant à des anecdotes personnelles —Yeaton (2008) évoque ainsi le cas de son fils !— tandis que d’autres (Erikson, 2009) en viennent à imaginer un cas fictionnel à partir duquel ils recueillent les réactions et conseils de divers managers et consultants… De nombreux auteurs présentent leurs considérations sur la génération Y sans aucune base empirique sérieuse, en n’hésitant pas à recourir à des métaphores de type journalistique: génération « zapping » ou encore génération « me » (Twenge, 2006), composée d’individus de « l’instant» (Aubert, 2007), « surfant » sur la vague Internet, etc.

On ne s’étonnera donc pas qu’un tel manque de rigueur méthodologique conduise à des résultats peu stabilisés. Ainsi Eisner (2005, p. 9) rappelle-t-elle que selon une enquête Work & Education menée par Gallup Organization, la génération Y est caractérisée par un sens aigu du loyalisme organisationnel, tout comme les générations précédentes. Mais elle mentionne également une autre étude (What You Need to Know) qui souligne une tendance plus affirmée de cette génération à délaisser l’entreprise en quête d’un travail meilleur. Ces deux tendances ne sont-elles pas parfaitement contradictoires ? Toujours selon Eisner (2005) mais aussi selon Yeaton (2008), la génération Y serait plus sensible que la génération qui la précède à la problématique de l’équilibre vie privée-vie professionnelle. D’autres auteurs soulignent au contraire que cette question ne revêt pas plus d’importance pour la génération Y que pour les générations précédentes… Des exemples de ce type abondent.

Toutefois, avec la multiplication des discours plus ou moins prophétiques sur l’avènement de la génération Y, il devient possible de rassembler en un tableau « pur » les tendances

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exprimées par cette littérature normative et professionnelle, à la manière d’un type-idéal wébérien, —en les extrapolant jusqu’à l’extrême limite de leur cohérence—, afin de disposer d’un étalon de mesure lors de notre approche empirique des valeurs de la jeune génération. Nous avons tenté de regrouper ces tendances dans le tableau 1 par catégories conceptuelles, en renvoyant aux différentes références utilisées.

Tableau 1 : Vers un type idéal de la génération Y

CATEGORIES Recherche de sens au travail CARACTERISTIQUES Sens moral et civique, besoin d’un travail avec signification REFERENCES Eisner (2005) Yeaton (2008) Eisner (2005) Erickson (2009) Josiam et al. (2009) Laizé & Pougnet (2007) Yeaton (2008) Recherche de feedback Besoin de gratification rapide en termes Eisner (2005) Erickson (2009) Josiam et al. (2009) l’engagement professionnel Yeaton (2008) Intégration vie privée/ vie professionnelle Indifférenciation temps de travail/ temps de loisir, forte importance accordée au loisir, au Eisner (2005) Erickson (2009) Josiam et al. (2009) du plaisir et de l’épanouissement au travail, capacité d’être multitâche Laizé & Pougnet (2007)

Besoin d’accomplissement

Intérêt pour le travail et les défis proposés, attentes en matière d’éducation continuée, attitude positive à l’égard du travail

monétaires ou de promotion, une fois les objectifs atteints, recherche de feedback par rapport à

divertissement, aux amis, à la famille, recherche

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Yeaton (2008) Opportunisme Poursuite d’un agenda personnel, opportunisme, agissements de freelancers, individualisme, Erickson (2009) Josiam et al. (2009) Laizé & Pougnet (2007) Yeaton (2008) Esprit de groupe Intérêt pour le travail en équipe et les Josiam et al. (2009) Sullivan (2008) Yeaton (2008) Faible institutionnel loyalisme Peu de sentiment d’appartenance à l’entreprise, méfiance envers l’autorité et les institutions, Laizé & Pougnet (2007) Yeaton (2008) Erickson (2009) Laizé & Pougnet (2007) Pelton & True (2004) Sullivan (2008) Technophilie Haut degré de familiarisation aux technologies de l’information Eisner (2005) Sullivan (2008) & Heitmeyer & Heitmeyer & Heitmeyer

estime de soi, besoin de s’affirmer

collaborations

Difficulté à se projeter dans le long terme

Incertitude sur l’avenir, difficulté à se projeter dans le futur, difficulté à s’engager et à faire des choix, primat de l’instantané

Les dimensions constitutives de ce type idéal ne sont pas sans rapport avec certains développements théoriques importants du champ de la gestion des ressources humaines. Plusieurs d’entre elles (recherche de sens au travail, besoin d’accomplissement, intégration vie privée/vie professionnelle, etc.) renvoient en effet clairement à la théorie des ancres de carrière de Schein (1978 ; 1990). On pense en particulier à l’ancre “autonomie /

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indépendance” (désir d’être son propre maître et de

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