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L'Asie Centrale Et Le Caucase : Aire De Toutes Les Attentions

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glosaxonne de la maîtrise des mers n’ait cessé d’inspirer les Américains dans leur conception du monde depuis le début du XIXe siècle. Trois géopoliticiens marquent principalement ce courant : les Américains Alfred Thayer Mahan (1840-1914) et Nicholas Spykman (1893-1943) et l’Anglais Halford J. Mackinder (1861-1947). La pensée de Mahan peut se résumer à la phrase du navigateur W. Raleigh, à la fin du XVIe siècle : « Qui tient la mer tient le commerce du monde, tient la richesse du monde : qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même » 2 . Mahan plaidera par conséquent pour que les États-Unis maîtrisent de manière stratégique les océans. Afin d’atteindre cet objectif, il convient selon lui non seulement de s’assurer de points d’appui dans les détroits et le long des routes maritimes, mais également de construire une flotte qui puisse être visible sur toutes les mers et capable de se déplacer rapidement vers les points stratégiques. Étant donné que d’un continent à un autre, la projection stratégique est quasi toujours indirecte, il faut posséder ou conquérir les îles qui encerclent le continent sur lequel on veut se projeter. La thèse défendue par Mackinder est celle du principe de « pivot ». C’est autour du pivot, du cœur du monde (Heartland) que s’articulent toutes les dynamiques géopolitiques de la planète. En pratique le cœur du monde correspond à l’Eurasie, notamment la Russie, la Sibérie, le Caucase et la partie de l’Europe Orientale. Autour de cet épicentre s’étend le croissant intérieur (Inner Crescent), composé de la Sibérie, de la chaîne de l’Himalaya, des déserts de Gobi, du Tibet et de l’Iran. A la périphérie de ce croissant il y a les Coastlands, à savoir l’Europe de l’Ouest, le Moyen-Orient, l’Asie Centrale et l’Asie du Sud-Est. Au-delà de ces derniers, des systèmes insulaires (Outer Crescent) viennent compléter l’encadrement du Heartland (GrandeBretagne, Japon). Enfin, l’ultime demi-cercle (Insular Crescent) est composé des États-Unis, de

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Ossétie du Sud, Abkhazie, Haut-Karabagh, Vallée du Ferghana, etc. Moreau -Defarges, Ph., Introduction à la géopolitique, Paris, Seuil, 1994, p.49.

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[CAUCASE ET ASIE CENTRALE : LA GUERRE POUR LE CONTRÔLE Géopolitique DU RIMLAND]

l’Afrique et de l’Australie3. Dès lors, pour Mackinder : « Celui qui domine l’Europe de l’Est commande le Heartland. Celui qui domine le Heartland commande l’Ile-Monde. Celui qui domine l’Ile-Monde commande le Monde ». La crainte nourrie par Mackinder est dans ces conditions d’assister à l’émergence d’une puissance continentale qui se développerait jusqu'à accéder aux mers. Aussi, les puissances insulaires n’ont-elles d’autre choix que de mettre en place une alliance pour contrer toute ambition hégémonique d’une puissance eurasienne. Contrairement à l’approche de Mackinder, Spykman considère toutefois la zone pivot, le Rimland, c’est-à-dire la région intermédiaire entre le Heartland et les mers riveraines. C’est dans cette zone du Rimland que se joue le vrai rapport de forces entre la puissance continentale et la puissance maritime. Il faut, par conséquent, à tout prix éviter l’union du Rimland et du Heartland, car pour Spykman : « Celui qui domine le Rimland domine l’Eurasie ; celui qui domine l’Eurasie tient le destin du monde entre ses mains »4. Spykman était persuadé que si la puissance maritime était en mesure d’organiser et de soutenir les peuples du Rimland pour qu’ils bloquent la marche vers les mers de la puissance continentale, la conquête du monde par la puissance du Heartland demeurerait impossible. La politique d’endiguement découle d’ailleurs de la pensée de Spykman. Le contrôle du Rimland et des mers par une puissance maritime n’est cependant pas synonyme de contrôle du Heartland, mais signifie l’impossibilité d’une domination du monde par le Heartland.5 Z. Brzezinski, ancien Conseiller pour la sécurité nationale du Président Carter, est probablement celui qui, ces dernières années a le mieux résumé cette importance de la géopolitique. Il considère que l’Eurasie demeure l’échiquier sur lequel se déroule le combat pour la primauté globale. Afin de préserver son statut, l’Amérique doit en conséquence s’assurer qu’aucune puissance unique ne prenne le contrôle de ce grand échiquier sur lequel se joue la puissance mondiale6.

La percée américaine

Le retour de la stratégie de l’endiguement Depuis la fin de la guerre froide, les Etats-Unis ont à plusieurs reprises tenté de pénétrer cette région, pendant long temps une chasse gardée soviétique. Malgré une certaine influence dans la région durant les années 90, les Etats-Unis commençaient à perdre leur ascendant dans certaines parties de l’Asie centrale au début de ce siècle. A preuve, successivement, la signature en avril 2001 d’un accord entre la Russie et le Tadjikistan sur la création d’une base aérienne, la vente d’armes russes à l’Ouzbékistan, la consolidation du rôle du Shanghai Five 7 (devenu le Shanghai Cooperation Organization depuis l’adhésion de l’Ouzbékistan en juin 2001), la signature du traité sino-russe

3

Chauprade, A., Introduction à l’analyse géopolitique, Paris, Ellipses, 1999, p.31; Moreau-Defarges, Ph., Introduction à la géopolitique, Paris, Seuil, 1994, p.51.

4

Chauprade, A., op.cit, p.35. Gray, C., The Geopolitics of the Nuclear Era, New York, Crane, Russak & Co, 1977, p.15. Lire à ce sujet, Brzezinski, Z., The Grand Chessboard, New York, Basic Books, 1997. Cf. infra

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Les Cahiers du RMES, volume IV, numéro 1, été 2007

[CAUCASE ET ASIE CENTRALE : LA GUERRE POUR LE CONTRÔLE DU RIMLAND] Géopolitique

(Treaty on Good-Neighborly Relations Friendship and Cooperation), le rapprochement entre le Kazakhstan et la Russie pour l’exploitation des réserves pétrolières, etc. Les Etats-Unis essaieront bien de leur côté, de renforcer leurs rapports avec les républiques de l’Asie centrale et du Caucase par le biais du partenariat pour la paix de l’OTAN, mais sans grand succès. La situation dans la région semblait dès lors évoluer dans le sens d’une domination sino-russe (et iranienne) en Asie centrale. Le 11 septembre, et la riposte qui suit change toutefois la donne. Depuis, il s’avère que Washington ait fait un retour remarqué dans les régions de l’Asie centrale et du Caucase. La déroute des Taliban et l’engagement militaire et politique américain dans la région ont fait voler en éclat la stratégie de nombreux pays (Russie, Iran, Pakistan, Arabie Saoudite,… mais également Al Qaeda8). L’équation apparaît s’inverser donc après Enduring Freedom, les Etats-Unis ayant à présent l’occasion de restructurer la région s’étendant du Golfe au Pakistan et aux confins de la Russie. Washington va avant tout clairement renforcer sa position dans la région du Caucase et cela de manière aussi bien bilatérale que multilatérale. L’Azerbaïdjan offre un intérêt stratégique particulier à Washington en raison de son voisinage avec l’Iran, sa fenêtre sur l’Asie centrale, sans parler de la question des ressources énergétiques9. Les restrictions imposées depuis 1992 par le Congrès américain à l’égard du pays ont été levées par le président Bush le 25 janvier 2002. Désormais, l’Azerbaïdjan bénéficie d’une aide militaire de Washington au titre des financements militaires étrangers (FMF, Foreign Military Financing) et des programmes de formation militaire (IMET, International Military Eduction and Training). Les EtatsUnis ont aussi fait des études approfondies des pistes d’atterrissage de plusieurs aéroports (Kyurdamir, Nasosny et Gala) et ont commencé l’installation de radars mobiles à Sanchagal. Washington a également nommé, en avril 2004 10 , l’ambassadeur Steven Mann au poste de négociateur spécial pour le Haut-Karabagh et les conflits eurasiens11, signalant ainsi la volonté à réactiver les pourparlers dans la région12. La résolution du conflit du Haut-Karabakh et d’autres dans

Selon les informations recueillies par le journaliste A. Khokhlov, l’assassinat de Massoud quelques jours précédents les attentats du 11 septembre, avait un objectif bien précis. L’objectif après la mort de Massoud était de prendre le Nord de l’Afghanistan en quelques semaines et ensuite progresser vers l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan en s’appuyant sur les extrémistes de ces pays. L’alliance du Nord décapitée de son chef aurait été incapable de résister et la riposte américaine aurait été rendue bien plus complexe. Ce dessein a échoué car les deux kamikazes ont tardé à pouvoir s’approcher de Massoud. (Khokhlov, A., « Le 11 septembre le plan de ben Laden avait déjà échoué », in Courrier International, n° 574, 31 octobre au 7 novembre 2001, pp.11-12.)

9 8

Cf. infra

10

Luft, G., « Baku-Tbilisi-Ceyhan pipeline: not yet finished and already threatened », Institute for the Analysis of Global Security, November 4, 2004.

11

Une

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