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La Metropolisation En France

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dopte un double point de vue : celui du narrateur et celui du personnage. Ce « double registre », selon l’expression de Jean Rousset, est l’effet de la narration postérieure. Adolphe est aussi le narrateur du roman. Par conséquent, il colore son récit de toute sa subjectivité : tout ce que nous savons de lui, c’est lui-même qui le dit. Il en va de même s’agissant des autres personnages, dont l’image est rendue presque exclusivement de son point de vue. Adolphe est souvent considéré à tort comme un héros romantique. Il faut reconnaître que la « lâcheté » qui le paralyse peut passer pour une manifestation du « vague des passions » ou du « mal du siècle » dont on parle à propos des personnages romantiques. Toutefois, alors que le héros romantique typique est entier, Adolphe est moins découragé qu’en proie à une « dualité d’intentions ». Ce n’est pas qu’il manque d’énergie. C’est seulement qu’il est pris dans une sorte de fatalité. Il est parfaitement lucide quant à sa situation mais ne parvient pas à s’en libérer. Cette psychologie est finalement très proche de celle des héros raciniens.

Ellénore[modifier]

Ellénore est amoureuse d’Adolphe. C’est une des plus belles figures féminines de la littérature. Elle est de noble extraction, d’origine polonaise. La critique constantienne a pu retrouver en elle la transposition littéraire d’Anna Lindsay, une belle anglaise avec laquelle Constant a eu un courte aventure. Nul doute que Madame de Staël a également inspiré la composition du personnage. On peut voir en Ellénore le personnage romantique d’une victime de la passion. On peut en faire une autre interprétation et la regarder comme l’une des allégories de la fatalité qui pèse sur Adolphe. Certes, l’héroïne est elle-même victime de la fatalité (fatalité de la passion, fatalité sociale, fatalité des circonstances) mais elle apparaît bien plus comme une « élue du destin » pour porter malheur à Adolphe. A cet égard, un trait frappant chez l’héroïne est son évolution. « Elle [Ellénore] était douce, elle devient impérieuse et violente. » En effet, de victime de la société, elle devient geôlière de son amant et va exercer sur lui une violente tyrannie. Un passage significatif de cette emprise se trouve au chapitre IV, lorsqu’elle annonce à Adolphe son intention de rompre avec le comte de P*** :

« (...) si je romps avec le comte, refuserez-vous de me voir ? Le refuserez-vous ? Reprit-elle en saisissant mon bras avec une violence qui me fit frémir. (…) »

Et lorsque le jeune homme tente d’émettre une objection :

« Tout est considéré, interrompit-elle. ( ) Retirez-vous maintenant, ne revenez plus ici. »

En vérité, Ellénore n’a pas besoin d’être si impérieuse. Adolphe est un jeune homme sans expérience qui ne sait pas ce qu’il attend d’une amante conquise inconséquemment. Il n’imaginait pas l’« avidité » de cette femme de trente ans qui voit sa dernière chance de connaître la passion. Ellénore a bien vu que son amant ne pouvait pas supporter de la voir souffrir. Elle tire de ses protestations de douleur tout l’empire qu’elle exerce sur lui. Voici un exemple de l’effet produit sur Adolphe par ce spectacle de la douleur d’Ellénore:

« En parlant ainsi, je vis son visage couvert tout à coup de pleurs : je m’arrêtai, je revins sur mes pas, je désavouai, j’expliquai. »

On ne peut manquer de noter que l’extériorisation de cette douleur (teint pâle, visage qui se défait, larmes) revient comme un leitmotiv dans le roman. Enfin, la mort même de l’héroïne est tyrannique : elle laisse à Adolphe toute l’amertume de la culpabilité. Elle lui enlève sa dernière chance de retrouver une dignité dans la rupture à laquelle il s’était enfin résolu. On ne peut pas faire le procès d’une morte. Adolphe se retrouve donc accablé de tous les reproches. Il n’a plus qu’à errer sans but. Ellénore n’a pas seulement tyrannisé son amant dans la vie. Elle se l’est éternellement attaché dans la mort.

Subtilement impliquée par une narration focalisée, cette interprétation du personnage d’Ellénore est préparée afin de contribuer à la stratégie d’autodisculpation du héros-narrateur.

M. de T***[modifier]

M. de T*** est un personnage secondaire mais qui mérite une certaine attention pour le rôle décisif qu’il joue dans l’intrigue. On ne sait pas grand chose de lui, aussi bien sur le plan physique que psychique. C’est un homme de morale et en tant qu’ami du père d’Adolphe, il est chargé de réorienter le fils sur le bon chemin. Il intervient à la fin du récit comme le seul en mesure de faire évoluer l’intrigue. Cette intervention révèle que les deux personnages d’Adolphe et d’Ellénore se sont enfermés dans une situation tellement inextricable qu’il faut introduire dans ce huis-clos un élément extérieur pour dénouer l’intrigue.

Thèmes[modifier]

Adolphe pose la question fondamentale de la responsabilité en matière amoureuse. L’une des phrases les plus connues du roman claque comme une sentence sans appel : La grande question dans la vie, c’est la douleur que l’on cause, et la métaphysique la plus ingénieuse ne justifie pas l’homme qui a déchiré le coeur qui l’aimait[réf. nécessaire] (Réponse). Mais tout le récit est orienté du point de vue d’Adolphe et résonne comme un long plaidoyer. La question de savoir si Adolphe est coupable ou non de la mort d’Ellénore est ouverte et c’est au lecteur de trancher. Ainsi Michel Charles a-t-il pu parler de la « place faite au lecteur » dans l’analyse qu’il a faite du roman.

Autre question posée par le roman, c’est celle de l’identification possible entre Adolphe et Constant lui-même. Le personnage ressemble en effet beaucoup à son créateur. L’étude de la genèse du roman fait apparaître une correspondance évidente entre l’intrigue et les vicissitudes de la relation amoureuse qu’entretenait Constant avec Madame de Staël. La présence du « je » narratif nous conduit à privilégier la seconde piste. Ainsi a-t-on parlé d’Adolphe comme du « parapluie de Benjamin Constant », allusion aux orages de sa relation avec la talentueuse et rugueuse fille de Neker. Toutefois, comme le souligne T. Todorov, l’hypothèse selon laquelle le bref roman Adolphe (...) a été « longtemps considéré comme une autobiographie à peine déguisée » est une interprétation « devenue aujourd’hui intenable ».

Le roman apporte également un regard critique sur la société de son époque. Le début du roman décrit une vie mondaine qui consiste essentiellement dans un mordant persiflage. L’existence de chacun se retrouve exposée aux yeux de tous. (Cette question de la porosité de la frontière entre la sphère publique et la sphère privée, limite que Constant appelait du mot consédérable de « liberté », était comme l’on sait l’une de ses préoccupations majeures). Le statut de « maîtresse » est vivement contesté par exemple. Mais cette réprobation morale en matière sexuelle s’exerce exclusivement à l’égard des femmes. Les hommes peuvent à bon droit s’égayer sur celles-ci comme le chasseur sur sa proie. A travers le regard ironique d’Adolphe, à travers aussi le malaise éprouvé par lui devant que d’entrer dans ce « monde », la petite société décrite surtout au début du récit est vivement critiquée. De ce point de vue, le ton du roman est plus voltairien que « romantique ». Aussi bien cherche-t-on en vain la moinde affection entre le père et son fils. Leurs rapports sont distants et, du côté du père, uniquement placés sous le signe du conformisme : ce père ne se montre exigeant que sur le respect des formes qui permettent de faire « carrière dans le monde ».

Le thème de la fatalité est un thème fondamental du roman. On peut voir dans les différentes peintures qui sont faites de la société, des personnages, des circonstances, autant d’allégories de la fatalité. Il en va ainsi jusque dans la structure profonde du roman dont on a pu observer qu’elle suivait le schéma d’une tragédie. La fin catastrophique du récit est véritablement un dénouement de tragédie : Ellénore meurt de douleur amoureuse en héroïne racinienne plus qu’en martyre romantique

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