Marivaux

émotion) » (Ligne 9), « (émue) » (Ligne 11) et « (toujours émue) » (Ligne 13). On peut également remarquer avec l'utilisation de points de suspensions aux lignes 11, 15 et 17 , qu'elle est distraite, qu'elle est ailleurs et qu'elle est pleine d'incertitudes. Elle ne sait pas vraiment de quoi lui parle Dorante. En clair, Araminte est perdue, incertaine et en plein doute. Elle est donc réellement face à un dilemme : lui avouer ou le perdre ?

L'atmosphère de la scène est assez étrange, complexe.

Dès le début de la scène on sent que l'atmosphère est tendue. L'approche d'Araminte est assez froide : « Approchez, Dorante » (Ligne 1). Et l'on remarque que les deux personnages sont très réticents. Dorante paraît vraiment apeuré : « Je n'ose presque paraître devant vous » (Ligne 2). D'une part on a des répliques courtes (Lignes 11,12,13,14,15,32,33,34) qui donne un certain dynamisme et une certaine vitesse à cette scène. Mais d'une autre part Dorante introduit un sujet (L'épisode du fermier) qui n'a absolument rien à faire dans cette discution et cela ralentit la scène. Dorante fait également tout pour repousser l'échéance en lui demandant de lui apporter l'argent du fermier : « Ne serait-il pas temps de vous l'apporter ce soir ou demain, Madame ? » (Lignes 19-21). Cela ralentit la scène et donne encore plus de suspense. Le silence marqué par Araminte après la révélation de Dorante est insupportable pour Dorante comme pour les spectateurs. L'atmosphère est extrêmement tendue autant sur scène que dans le public. Le suspense est tellement intense que cela peut exciter les spectateurs, car ils peuvent se mettre à la place de Dorante.

Dorante n'est pas dans la meilleur des positions face à Araminte celle qu'il aime. Et il en souffre.

Dès le début de la scène, on remarque que Dorante est en très mauvaise posture, il est apeuré : « Je n'ose presque paraître devant vous ». Effectivement il est en position de faiblesse, car Araminte est sur le point de lui donner son congé. Il paraît perturbé, il tremble, il n'est pas bien tant physiquement que psychologiquement : « […]je suis si interdit, si tremblant que je ne saurais parler » (Ligne 7-8). Il souffre et est émue, des didascalies sont là pour nous le démontrer : « (ému) » (Ligne 10) et « (ému) » (Ligne 14). Ils utilisent du vocabulaire appartenant au champ lexicale de la souffrance : « plaindre » (Ligne 31), « chagrins » (Ligne 32) et « douleur » (Ligne 40). L'expression, « J'ai tout perdu! » est une hyperbole. Dans une de ces répliques, la didascalie ainsi que ses paroles sont explicites : « (plaintivement) De tout le temps de ma vie que je vais passer loin de vous , je n'aurais plus que ce seul jour qui m'en serait précieux » (Lignes 23 à 25). La réplique précédente montre qu'il cherche à être plaint par Araminte, et cela montre aussi qu'il ne veut pas la quitter. Tous ces procédés accentuent cette idée de souffrance que peut ressentir Dorante.

Toute cette tension doit finir par tomber, tous ces doutes doivent finir par disparaître. Il faut pour cela un changement et certaines choses doivent être dites.

Cette scène est avant tout une scène d'aveux et de révélations.

Araminte se lance difficilement, mais finit par faire une révélation importante.

Durant cette scène Araminte fait comprendre qu'elle ne veut pas être séparée de Dorante, mais elle doit le renvoyer. Et si elle ne veut pas le quitter, elle doit lui avouer son amour et aller à l'encontre des préjugés sociaux de l'époque. Elle est face à un dilemme. On a déjà parlé du doute d'Araminte, ce doute va se transformer en révélation et en aveu. On sait que la réplique suivante : « Il n'y a pas moyen, Dorante; il faut se quitter. On sait que vous m'aimez, et l'on croirait que je n'en suis pas fâchée » (Ligne 28 à 30) exprime le doute d'Araminte. Mais cela va également amener l'aveu à Dorante sur l'amour qu'elle lui porte. « Vous donnez mon portrait ! Songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ? » (Ligne 41 et 42) est la dernière réplique avant son aveu quelque peu plus explicite. Tout cela est amené d'une façon implicite avec des litotes, car Araminte reste une femme extrêmement fière et orgueilleuse. Et à l'époque, pour une maîtresse de maison, il est impensable qu'elle puisse être « tombée amoureuse » (Expression créée par Marivaux) de son intendant. Contre toutes attentes, elle va lui avouer plus explicitement mais toujours de façon indirecte : « (d'un ton vif et naïf) Et voilà pourtant ce qui m'arrive. » (Ligne 47). Elle lui avoue son amour mais toujours sans lui dire réellement : je vous aime. La didascalie de cette réplique prouve encore qu'elle est extrêmement orgueilleuse. Et la réaction de Dorante (« Je me meurs ! » Ligne 46) la met extrêmement mal à l'aise et elle lui demande de se relever : « Je ne sais où je suis. Modérez votre joie : levez-vous, Dorante. ». Araminte est fière.

L'aveu d'Araminte est suivi de celui de Dorante. Et cela risque de tout bouleverser...

Une fois l'aveu d'Araminte effectué, Dorante paraît être au paradis, il est extrêmement heureux : « (se jetant à ses genoux) Je me meurs ! » (Ligne 46). Pourtant, finalement il va prendre un risque énorme et inutile en lui révélant (« (se lève, et dit tendrement)[...] Vous aller me l'ôter, mais n'importe, il faut que vous soyez instruite » Ligne 50-51) la supercherie qu'il a monté avec l'aide de Dubois son « fidèle serviteur ». C'est un coup de théâtre, un total retournement de situation. Si les deux personnages Dorante et Dubois s'étaient tus, Araminte n'en aurait jamais rien su. Mais il va le faire et va lui avouer explicitement, contrairement à Araminte, ce coup monté en l'arrangeant dans une longue tirade , soit son avant dernière réplique. Il va en mettre beaucoup sur le dos Dubois : « Tous les incidents qui sont arrivés partent de l'industrie d'un domestique qui savait mon amour. » (Lignes 55-56). En faisant cela il passe auprès du public et d'Araminte pour un honnête Homme. Il fait cela également pour soulager sa conscience et évacuer sa culpabilité !

Araminte doit donc répondre à cela et elle est