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Morsang sur Orge

Dissertation : Morsang sur Orge. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  15 Février 2016  •  Dissertation  •  3 056 Mots (13 Pages)  •  1 348 Vues

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TD ADMINISTRATIF N°1
LISE PETITJEAN – GR 1 DROIT ADMNISTRATIF

        Dans le célèbre arrêt d’Assemblée « Commune de Morsang-sur-Orge » du 27 octobre 1995, le Conseil d’Etat reconnaît pour la première fois le principe du respect à la dignité humaine comme composante de l’ordre public.

Le maire de la commune de Morsang-sur-Orge, en usant de ses pouvoirs de police administrative, avait interdit les spectacles de « lancers de nains » qui devaient se dérouler dans des discothèques de la ville. Celui s’était fondé sur les pouvoirs de police générale que lui confiaient les dispositions de l’article L.131-2 du code des communes.

La personne qui faisait l’objet du lancer de nain et la société qui l’embauchait, Fun production, demandent d’annuler l’arrêté pris par le maire et l’allocation de dommages intérêts en réparation du préjudice causé par l’arrêté municipal interdisant ce type d’activité. Le Tribunal Administratif de Versailles, le 25 février 1992, fait droit à leur demande. La commune de Morsang sur Orge saisit alors le Conseil d’Etat en lui  demandant d’annuler le jugement dudit Tribunal ainsi que l’allocation de dommages intérêts de la société Fun production à son profit, en alléguant que même si le nain était consentant à l’activité qu’il exerçait, et même en l’absence de dispositions locales particulières, le respect de la dignité humaine est une des composantes de l’ordre public, et qu’ainsi, l’autorité investie du pouvoir de police pouvait interdire une attraction qui y portait atteinte.

Dès lors, la question qui se pose est de savoir si l’autorité municipale, en usant de ses pouvoirs de police administrative, est en mesure de prendre un acte prévenant un trouble à l’ordre public sur le fondement du respect de la dignité humaine, alors même que de cet acte pourrait résulter une atteinte au respect des libertés individuelles.

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt du 27 octobre 1995, décide que le maire, étant en charge des pouvoirs de police municipale, ayant pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité, et la salubrité publique, était donc en droit d’entreprendre des mesures afin de prévenir un quelconque trouble à l’ordre public.  

I/ Le dépassement de l’ordre public matériel vers un ordre public immatériel

A/ La trilogie traditionnelle de l’ordre public : un cantonnement de l’ordre public à un ordre principalement « matériel et extérieur » 

        Traditionnellement, l’ordre public se définit à partir d’une trilogie, « devenue une trinité presque sainte » (B. Delaunay) à savoir la sécurité, la salubrité, et la tranquillité. Maurice Hauriou utilisait la formule suivante : « L’ordre public, au sens de la police, est l’expression d’un ordre matériel et extérieur »

L’ordre public se définit depuis des lois révolutionnaires dont la rédaction est reprise plus tard dans la loi municipale du 5 avril 1884, et désormais codifiée dans le Code général des communes à l’article L.131-2 qui dispose que « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ».

Le bon ordre a été remplacé par la tranquillité publique, qui elle même renvoie à deux choses : Tout d’abord, le maintien de la paix publique dans les lieux publics : Cette aspiration au maintien de la paix publique incite les autorités administratives à prendre toute une série de mesures visant à neutraliser les troubles, en ce sens elles règlementent les comportements pour prévenir les débordements dans les situations de regroupement collectifs. Et ensuite, elle a vocation à lutter contre tout type de perturbation contre le bruit, le maintien du silence constitue l’un des éléments qui assure la prévention des troubles à l’ordre public.

En ce qui concerne la sécurité publique, cela renvoie de manière générale à la protection contre les atteintes aux personnes et aux biens. Ainsi l’administration doit par exemple préserver cette sécurité publique sur les routes en édictant des règles (Code de la route) et en procédant à des contrôles. Cette protection de la sécurité publique se retrouve même en aval, dans le cadre de la mise en jeu de la responsabilité de l’État pour risque : (CE, 28 mars 1919 Regnault-Desroziers).

Et enfin, la salubrité publique permet de sauvegarder l’hygiène et la santé publique. Pour assurer cette lutte pour la salubrité publique, il faut noter qu’ont été créées plusieurs agences telles l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) ou encore l’Institut de veille sanitaire (IVS)        

Ce cantonnement de l’ordre public à un ordre principalement matériel et extérieur est totalement voulu par le juge administratif. En effet, le Conseil d’Etat a refusé de consacrer diverses valeurs en tant que composantes autonomes de l’ordre public général : tel est le cas concernant la préoccupation esthétique, même si celui ci avait été, dans un premier temps, accueilli par le juge administratif (CE, section, 23 octobre 1936, Union parisienne des syndicats de l’imprimerie), mais a ensuite été exclu des buts légaux de la police administrative générale en 1972. Le Conseil d’Etat a également refusé de consacrer l’ordre public économique dans les éléments autonomes de l’ordre public général : En effet, s’il a admis dans un arrêt (CE, 25 juillet 1975, Chaigneau) la légalité d’un règlement limitant la circulation sur les routes et autoroutes qui avait pour but de réaliser une économie de carburant, ce n’est que parce que cette économie était liée au principe de sécurité, à travers la lutte contre les accidents. Ainsi donc, des buts accessoires étrangers à l’ordre public peuvent légalement être combinés avec un des éléments de la trilogie traditionnelle.          

Ainsi, l’ordre public protégé par la police administrative reste principalement « un ordre matériel et extérieur ». Cependant, les juridictions administratives ont admis de dépasser ce caractère.


B/ Une reconnaissance jurisprudentielle du respect à la dignité humaine : la création purement prétorienne d’une nouvelle composante à l’ordre public 

Dans une décision importante, celle du 27 juillet 1994 dans le cadre de son contrôle de constitutionnalité des lois bioéthiques, le Conseil constitutionnel a dégagé un nouveau principe : principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine.

        Le Conseil constitutionnel va s’inspirer du préambule de la Constitution de 46 pour dégager son principe à travers deux mots, deux interdictions : Interdiction d’asservir la personne humaine et Interdiction de dégrader la personne humaine. Le Conseil crée un principe de toute pièce, c’est la première fois qu’il va s’arroger de la prérogative de dégager un principe nouveau. Il le rattache au préambule pour éviter la critique du gouvernement des juges.

        Dans cet arrêt du 27 octobre 1995, le Conseil d’Etat affirme expressément qu’il « appartient à l’autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l’ordre public, que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public »

Le Conseil d’Etat a donc intégré la protection de la dignité de la personne humaine dans la notion d’ordre public en tant que composante autonome. En effet, en confirmant la légalité des arrêtés municipaux interdisant le lancer de nains car portant atteinte à l’ordre public, le Conseil d’Etat en a créé une nouvelle composante, alors que celui était jusque là cantonné comme nous l’avons vu à la tranquillité, la sécurité, et la salubrité publique.

Cependant, une telle extension est dangereuse, car elle ne s’est jamais accompagné d’une réelle définition de la « dignité », même si le principe constitue aussi un principe à valeur Constitutionnelle (Conseil Constitutionnel, 27 juillet 1994).

        Même s’il est vrai que cet arrêt marque une avancée dans la jurisprudence administrative puisqu’il place la dignité humaine au rang de principe composant l’ordre public, il n’est pas en fait, si novateur qu’il en paraît. En effet, la dignité humaine avait déjà été reconnue. En effet, le Pacte international sur les droits civils et politique du 16 décembre 1966 reconnaît que « ces droits découlent de la dignité inhérente à la personne humaine ». Par ailleurs, le CE avait déjà, lui même, souligné la nécessité de préserver la « dignité… de la personne » (CE, 11 juillet 1990).

Cependant, si ce n’est pas tant le principe de la dignité humaine qui est une avancée, la nouveauté tient surtout aux circonstances à propos desquelles elle est ici émise. Jusqu’à présent, ce sont les atteintes aux personnes par les pouvoirs, publics ou privés, qui avaient surtout été visées. Dans cet arrêt, elles résultent du comportement de simples particuliers avec le consentement de l’intéressé : les organisateurs du spectacle n’exerçaient aucune contrainte sur celui qui fait l’objet du lancer, il y consent pleinement et y trouve par ailleurs une source de revenu substantielle, en effet, lui même contestait les arrêtés municipaux qui, interdisant l’une, le privaient de l’autre.  Cependant, ces considérations ne semblent pas, pour le Conseil d’Etat suffisante pour autoriser ce type de pratique, ceci tenant particulièrement au fait que cette activité suscitait curiosité voire perversité sur une personne handicapée, malgré qu’elle y trouve un intérêt, il paraît difficile d’accepter qu’on consente à sa propre dégradation. Le Conseil d’Etat a donc considéré que « l’attraction du ‘lancer de nain’ consistant à faire lancer un nain par des spectateurs conduit à utiliser comme projectile une personne affectée d’un handicap physique, et présentée comme telle ; que, par son objet même, une telle attraction porte atteinte à la dignité humaine »
Le respect de la dignité humaine a connu d’autres concrétisations jurisprudentielles par la suite (CE 9 octobre 1996 Association « Ici et Maintenant » ;CE 30 août 2006 Association Free Dom)

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