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Nil, l’Afrique du Nord (le Maghreb et l’Egypte) d’une part, et l’Afrique dite noire, sub-saharienne de l’autre, relèvent de registres de réflexions distinctes et la mythologie actuelle s’intéressera seulement à cette dernière.

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Plusieurs registres multiplient les mythologies du continent noir : les traits inventés de passés mal connus, les images schématiques des traites et des colonisations, les illusions inlassablement répétées des sorties du ‘sous-développement’ et des ‘crises’, les quiproquos ventriloques entre les multiples Afriques de l’Ouest, de l’Est, du Centre, du Sud. Jean Copans se consacrera presqu’exclusivement ici à la mythologie francophone et française. Sur près d’un siècle, de décennie en décennie, des titres d’ouvrages, notamment en langue française, scandent le difficile apprivoisement des fameuses ‘ténèbres’ repérées par Joseph Conrad en 1899 (Au cœur des ténèbres), L’Ame nègre (Maurice Delafosse, 1922) Terre d’ébène (Albert Londres, 1929)…

La défense de l’Afrique passe par la réinvention de ses passés riches et nombreux, par la valorisation de traits culturels mythiques comme l’oralité, la solidarité et l’authenticité, la beauté esthétique des objets et des arts, de la musique ou … des femmes puis, de manière plus trouble par l’éloge de la débrouillardise des ‘petits boulots’ de l’informel, de l’inventivité des migrants ou même des nouveaux messages religieux, voire de la littérature très originale bien que rédigée dans d’anciennes langues coloniales. Le slogan de la Renaissance africaine, lancé par le président sud-africain Thabo MBecki en 1997, lorsqu’il succéda à Nelson Mandela, et caricaturée aujourd’hui par la statue coréenne néo-stalinienne de cinquante-trois mètres de haut du même nom, érigé à la pointe de Dakar, face à l’Atlantique, pour la commémoration des indépendances de 1960, par le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, n’a malheureusement pas réussi à changer les mentalités ou les politiques.

Un itinéraire en trois chapitres (et un post-scriptum) devrait permettre aux lecteurs d’y voir plus clair : une première approche, d’ordre historique, s’efforce de démêler les dynamiques externes d’avec les dynamiques internes et de mettre en lumière l’usage schizophrénique, y compris savant, de tous les passés de l’Afrique. Ce rappel permet d’appréhender ensuite, dans un deuxième chapitre, le présent anthropologique, sociologique et politique des dernières décennies, qui a dessiné la mythologie africaine qui illusionne si fortement aujourd’hui. Pourtant le désir de jours meilleurs, objet du troisième chapitre, constitue l’un des slogans africains des plus anciens mais aussi l’un des plus permanents. Au moins trois mythologies africaines se pressent dans cette Afrique du futur : celle de l’époque coloniale, celle des différentes phases des indépendances et, bien entendu, celle des avenirs proches en chantier. Dans ce tourbillon de mythologies, le rôle des élites, et tout singulièrement celui des élites culturelles et intellectuelles, est tout à fait fondamental. Car si l’Afrique est malade de ses mythologies, c’est bien parce que celles qui doivent indiquer, ou aider à indiquer, le chemin ne doivent plus venir de l’étranger ou d’un passé remémoré sans évaluation critique. Les sédiments déposés par les mythes, les mythologies et les mythologiques doivent être l’objet de fouilles rigoureuses.

La mythologie culturelle et politique d’un passé imaginaire, à la fois lointain et contemporain (jusqu’aux indépendances, pour aller vite), est d’autant plus frappante qu’elle est le fait de catégories sociales élitistes très restreintes, africaines ou afro-américaines, qui se servent de ces mythologies pour dissoudre les racines pré-coloniales et coloniales des inégalités de genres et de classe.

Les Mythologies des Origines

J. Copans prend le fil rouge des origines puisque la quête de l’autochtonie est de plus en plus d’actualité (Politique africaine, 2008). Pour le fondateur, devenu quelque peu mythique lui-même, de l’historiographie africaine, le Sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986), les civilisations africaines descendent de la civilisation égyptienne (sur le modèle de l’Europe, fille de la Grèce antique) et celle-ci de la Nubie, fondée et gouvernée par des pharaons noirs (1960). Cette origine ‘nègre’ et héroïque n’explique pourtant en rien les modalités précises et concrètes des mouvements millénaires de migration qui auraient fini par peupler l’ensemble du continent. Cette revendication culturelle, initialement formulée au début des années 1950, est devenue aujourd’hui un dogme afro-centré, très populaire dans certaines élites intellectuelles et populaires africaines et surtout afro-américaines. Une variante, appuyée par de brillantes réflexions plus récentes, conclut même que, la Grèce étant la fille de la civilisation égyptienne, l’Europe tiendrait finalement aussi de l’Afrique ! Certains des partisans les plus zélés de cette conception du monde en ont d’ailleurs conclu, comme le Guyanais Ivan Va Sertima en 1976, que ce sont les Africains qui ont découvert les premiers l’Amérique, avant Christophe Colomb !

Les colons britanniques, et même les historiens professionnels, ont pendant longtemps dénié toute africanité aux ruines du Great Zimbabwe, impressionnantes murailles de pierres sèches d’une hauteur de plus de onze mètres, les rattachant à la pénétration arabe, ou même portugaise, des 15e-18e siècles dans cette région. De nombreuses recherches archéologiques ont rectifié depuis cette mythologie coloniale (et raciste).

Ce sont bien les manipulations des origines et des identités des populations tutsi et hutu du Rwanda, par l’administration et les chercheurs coloniaux belges, puis par les élites hutu au pouvoir après l’indépendance, qui expliquent en grande partie les idéologies de valorisation ou au contraire de stigmatisation ethnique qui ont conduit au génocide de 1994.

La connaissance de l’Afrique, les études africaines ou l’africanisme, remontent à l’époque coloniale de la fin du 19e siècle. Les premiers administrateurs ont été de temps à autre des savants : pour la gloire de la science, mais aussi surtout pour la bonne administration des populations. Ainsi Maurice Delafosse publie en 1912 (à l’époque il est commandant de cercle en Côte d’Ivoire) un ouvrage que certains considèrent comme l’une des premières sommes ethnohistoriques coloniales, Haut-Sénégal Niger. Mais ce sont les Britanniques qui théorisent, au cours de l’entre-deux guerres, le recrutement d’’anthropologues du gouvernement’ et le recours à une anthropologie appliquée, sous l’influence du théoricien du gouvernement indirect, Lord Frederik Lugard, ancien gouverneur du Nigeria (1914-1919) et de l’anthropologue Bronislaw Malinowski.

La mythologie du retard

L’auteur se penche sur les mythologies fortement médiatisées. Il y a d’abord la mythologie du déficit, du manque et implicitement du retard, du sous-développement. La modernisation n’a pas pris. Il s’agit de la modernisation qui ressemble à celle que l’Occident a connue, ou la logique de tout Etat-nation en période de révolution industrielle. Cette schématisation est le résultat d’un comparatisme sommaire et schématique d’imitation ou de mimétisme : la transmission des modèles occidentaux a été inefficace, les élèves seraient mauvais et peu obéissants. Une autre formule mythologique voudrait que la ‘culture de la tradition’, c’est-à-dire le tribalisme, le clientélisme, le familialisme, le mode domestique etc), soit l’obstacle premier. Ou alors ce serait l’école qui n’est pas assez efficace. Mais tout cela est à la fois vrai et faux.

La première strate de notre mythologie est celle de la matérialité même du continent – ce qu’on pourrait appeler en d’autres termes, sa richesse (hommes et matières premières minérales). L’Afrique fut sans conteste par excellence le continent de l’extraction et de la prédation.

L’Afrique est d’abord une terre d’agriculteurs même si certaines de ses populations les plus célèbres (notamment pour leur photogénie) sont les chasseurs-cueilleurs (les Pygmées, les Kun ! ou San bushmen) ou des éleveurs (Peuls et Maasaïs). Les premiers chercheurs professionnels qui étudient sérieusement l’Afrique sont géographes et agronomes, notamment en France, et dès les années 1920 la compréhension des systèmes agraires et les projets pour les moderniser abondent.

La liste des minerais et des métaux précieux qui ont fait accourir l’Europe, puis le monde entier, après avoir mobilisé Etats et commerçants au long cours africains, est inépuisable.

Trois registres sont autant d’obsessions analytiques et d’affabulations mythologiques : l’Etat, l’ethnie et le capitalisme.

L’Etat en Afrique interpelle les analystes : des dizaines d’expressions plus ou moins imagées ont vu le jour, qui insistent sur la faiblesse, la corruption, la déliquescence, la dépendance – en un mot sur l’inefficacité de l’Etat, voire son inexistence pure et simple.

Le tribalisme, l’ethnicité, les violences ethniques constituent à l’évidence la plus réputée des mythologies mobilisées par le discours sur l’Afrique mais, dans l’ordre des explications et des concepts, ces réalités ne peuvent nullement en constituer le substrat fondateur. La nation de l’Etat

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