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Amin Maalouf

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t raisonner à propos du Sud. Le Sud étant dans ce cas-ci la Méditerranée. La Méditerranée s’étant sur 4.000 km d’Ouest en Est et sur 2.000km en largeur. Elle relie trois continents et totalise 400 millions d’habitants répartis sur une vingtaine d’Etats. La Méditerranée joua un rôle immense dans l'histoire de la civilisation occidentale, rôle qui s'est étendu à l'humanité toute entière. En effet, elle donna la philosophie, la science, le droit, l’Etat, c’est là que s’établirent toutes les formes d’Art, où se fit la révélation du Dieu unique. Pourtant, cette Méditerranée s’est vue dépossédée peu à peu d’elle-même. Le temps est donc venu pour les états riverains de reprendre leur sort en main. Mais peut-on façonner une Pensée du Sud ? En effet, les tendances globalisatrices de l'économie et de la pensée unique à caractère fondamentaliste du Nord ou du Sud, réduisent la marge d'expression et de cohabitation de ces sociétés méridionales plus plurielles qu'on ne le croit. Peut-on suggérer l'édification d'une pensée du Sud qui tienne compte d'un monde pluriel et responsable ? C’est ce que F. Cassano propose dans son livre.

II. Présentation de l’auteur et de l’ouvrage

Biographie

Franco Cassano enseigne la sociologie et la sociologie de la connaissance à l’Université de Bari, en Italie. Il mène une réflexion sur les thèmes du Sud et de la Méditerranée. Parmi ses publications récentes, on peut trouver « Il penserio meridiano », (1996) et « Mal di Levante », (1997).

La Pensée méridienne

Le livre, « La pensée méridienne », veut permettre au Sud de se penser, de se regarder avec la force d'un savoir qu'il possède déjà. F. Cassano affirme que le Sud doit trouver en lui-même « la force de se penser pour reconquérir son autonomie et son ancienne dignité ». C’est pourquoi il propose une pensée méridienne qui se doit de penser le Sud avec plus de rigueur et de fermeté, sans aucune indulgence à son propre égard. Dans cet ouvrage, l’auteur va donc décrire cette pensée méridienne en lui donnant sa propre conception, puis, en y exposant la vision de quelques personnalités comme Albert Camus ou Pier Paolo Pasolini.

III. L’ouvrage : « La Pensée méridienne »

A. La Pensée méridienne

1. Définition et caractéristiques

Selon F. Cassano, la pensée méridienne est une forme de pensée qui encourage le Sud, constitué des pays du bassin méditerranéen[1], à se penser lui-même et à cesser d’être pensé par des pays extérieurs pour regagner son autonomie et sa dignité en tant que sujet de la pensée.

Cette façon de penser désire que le Sud se détache des clichés et des stéréotypes qui lui sont habituellement attribués. En effet, l’avènement de la Modernité provenant de l’Europe du Monde, a fait apparaître deux images dominantes du Sud. Le Sud est aujourd’hui perçu comme un paradis touristique (un idéal des vacances, un paradis exotique) et comme un « cauchemar mafieux »(Cassano, 1998 : 6) (par les activités illégales et criminelles qui y règnent et par sa richesse présente aux mains des classes dirigeantes corrompues). La pensée méridienne prônée par F. Cassano veut combattre ces deux images du Sud existantes, penser le Sud avec plus de rigueur et de fermeté et fixer d’autres critères de jugement, d’autres façons de voir le Sud. Bref, il souhaite que le Sud se pense autrement. Un exemple : le désert ne doit pas être uniquement perçu comme un lieu de courses automobiles, mais comme un lieu de spiritualité et de recueillement.

En plus de vouloir que le Sud se pense autrement, la pensée méridienne appelle le Sud à se repenser à sa juste valeur. Elle veut que le Sud considère comme ressources toutes ses propres caractéristiques qui, dans l’optique de développement, sont perçues comme freins, limites ou vices : citons, entre autre, la lenteur propre au Sud, sa conception du temps, de l’espace et l’importante attention qu’il accorde aux religions. A ce propos, F. Cassano encourage une « pensée lente »[2] où les individus prennent le temps, s’attardent sur les choses pour mieux les connaître et laissent parler leurs sens. Une lenteur qu’il estime très importante pour analyser les travers de la société industrielle.

La pensée méridienne se caractérise aussi par :

- une volonté de résister à la sécularisation du monde, perçue par F. Cassano comme brisant les liens sociaux et réduisant l’importance accordée aux espaces publics au profit des espaces privés[3].

- une importance accordée aux religions par rapport à la technique.

- une accumulation et une préservation de formes de vie immobiles, lentes et stratifiées.

- une volonté de résister à la marchandisation du monde.

2. Le rapport à la modernité

F. Cassano n’est pas un opposant à la modernité. Elle est, selon lui, incontournable pour le Sud. Sa pensée méridienne prône cependant cette modernité avec Mesure : elle veut éviter qu’elle n’aille dans une seule direction, une direction marchande, et empêcher qu’elle ne s’éloigne trop de la réalité. F. Cassano ne souhaite pas faire une apologie du Sud, ni un retour à la tradition dans son intégrité, mais il souhaite que différentes formes de pensée (en l’occurrence ici, une pensée plus moderne et une pensée plus traditionnelle, enracinée dans le Sud), coexistent ensemble sans se déchirer mutuellement.

3. La position de Franco Cassano

A travers la pensée méridienne qu’il prône, F. Cassano veut donc nous dire que le Sud ne doit pas se laisser penser par l’extérieur du bassin méditerranéen, mais au contraire, doit s’affirmer lui-même : se montrer autrement, en s’écartant des images et des stéréotypes dont il est habituellement la proie et en transformant en ressources ce qui, aux yeux d’adeptes de la modernité, pourrait apparaître chez lui comme des faiblesses. Par opposition au fondamentaliste universaliste ou au particulariste, on peut dire que F. Cassano est un « relativiste bien tempéré » (Latouche, 1999: 14) : il admet l’importance relative des cultures et des formes de pensées et souhaite que celles-ci coexistent entre elles dans la tolérance mutuelle.

B. L’importance de la configuration géographique

1. Le rapport entre terre et mer

F.Cassano postule l’existence d’une homologie structurelle entre la culture, la pensée méridienne et le rapport qui se dessine entre terre et mer. La mer est un lieu de paradoxes : elle sépare les terres mais ouvre, en même temps, une voie de communication facile par l’apprentissage de la navigation. La mer affaiblit les racines terrestres et devient avec l’océan un lieu déterritorialisé où la liberté se gagne par une dépendance totale à la technique.

F. Cassano retrace cette homologie avec, en exemple, la Grèce. La Grèce est composée d’ « îles disposées comme des pierres sur lesquelles sautiller pour aller d’un continent à l’autre : l’Europe mineure se poursuit dans l’Asie mineure. »(Cassano, op. cit. :26) La Grèce, terre mineure et frontalière est une zone ouverte aux rencontres et aux conflits. Les mers grecques, la Méditerranée et la mer Egée créent une discontinuité maritime entre les terres. Cette distance, franchissable, n’est pas à la démesure de l’océan et permet la relation, même conflictuelle. Selon l’auteur, le rapport entre terre et mer se noue autour de leurs différences : la mer, intervalle qui relie, oblige à accepter la scission entre les terres ; la terre, mue par la fixité, la sécurité et l’appropriation se borne à cette limite. « C’est dans cette distance qui met en relation que résident la protection jalouse d’une autonomie propre et la facilité du conflit, mais aussi, collées à celles-ci comme la peau au corps, la répulsion pour toute forme d’intégralisme. » (Cassano, ibid. : 28). La mer a cette capacité de protéger et de relier les différences. Intérioriser la mer, c’est savoir qu’ « il n’existe pas qu’un seul horizon, un seul pays et un seul accent », que des visions divergentes peuvent coexister et que la recherche d’une unité est périlleuse. Par là, la mer empêche le pouvoir de se figer dans un patrimoine personnel ou dans un savoir définitif. La Grèce à travers le polythéisme, la philosophie et la tragédie intègre cette perception. « La mer rend horizontal un savoir qui était vertical, elle pousse la fixité de la terre à se confronter au mouvement incessant et infini des vagues. » (Cassano, ibid.:31)

F.Cassano met en évidence la mer comme élément de continuité entre les esprits grec et européen. La Grèce annonce l’Europe par un contraste qui oppose l’esprit libre, qui légitime l’existence de plusieurs vérités divergentes, au despotisme du continent asiatique qui se fonde sur une vérité univoque et autoritaire.

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