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Commentaire Littéraire

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rration est ainsi superposée à du discours indirect libre à un point qu’il est parfois difficile de déterminer qui prend en charge le récit, de qui il émane. Ainsi, Gervaise est peut-être racontée à travers le regard amoureux de Goujet. L’exclamative et l’adverbe initial soulignent le passage au dil (" Puis, dans sa gourmandise, elle restait si gentille et si bonne ! "). Mais la phrase suivante est-elle du ressort du narrateur ou de Goujet ? Toute la dimension positive de ce regard qui contraste avec l’image initiale de Gervaise se goinfrant laisse à hésiter : elle se " dérangeait ", pour lui servir quelque chose de " délicat ", " C’était même touchant ".

De même, toujours dans cette idée de grande réunion des voix, apparaît la communauté des voix (" la carcasse, c’est le morceau des dames ").

Tout se mélange et se confond, la nourriture et les propos débordent de tout côté. A la fin même, il devient impossible d’identifier ceux qui parlent, et peut-être faut-il y voir l’expression d’une voix commune reconstituée autour de la nourriture (" oui, on s’en flanqua une bosse ! Quand on y est, on y est). Et le narrateur même semble se mêler à la communauté avec un regard cependant qui glisse vers une critique qu’on peut de moins en moins attribuer aux personnages et qui culmine ainsi : " on aurait dit des derrières de gens riches, crevant de prospérité. "

3) Les relations sociales

La critique a noté le rapprochement entre le festin organisé par Gervaise et la tradition du potlatch telle qu’elle est pratiquée par les Indiens. L’exercice du don tel que le pratique Gervaise devient ainsi une prise de pouvoir sur ceux à qui elle donne mais aussi une revanche sur la misère. Georges Bataille écrit ainsi que celui qui donne " s’enrichit d’un mépris de la générosité " et la fête telle que la pratique le groupe semble en effet opérer un renversement tel que la communauté se goinfre à avoir " des faces pareilles à des derrières, et si rouges, qu’on aurait dit des derrières de gens riches, crevant de prospérité ". La dernière phrase que l’on a attribuée au narrateur est donc peut-être aussi l’expression de la volonté générale du groupe ici rassemblé.

Cependant, cette fête est aussi l’occasion de rivalités. " Les Lorilleux passaient leur rage sur le rôti ", " Poisson jetait à sa femme des regards sévères ", même le sage Goujet, si on lui attribue une part de la narration, semble jaloux de l’attention que porte Gervaise au père Bru. Finalement, à travers cette fête, est retranscrite toute la vitalité des liens sociaux de ce monde ici réuni, qui reproduit à son échelle, ceux du monde ouvrier, entre désir de communauté, opposition aux riches et querelles et jalousies internes.

II. La déchéance annoncée

1. L’oie Gervaise

C’est Gervaise qui s’offre ainsi en pâture à ses convives. Les Lorilleux mangent le rôti comme s’ils voulaient manger " la table et la boutique " avec. Virginie choisit la peau, comme une vengeance sur la fessée que lui avait administrée Gervaise et qui lui avait rougi la peau des fesses. Clémence, dont le tempérament sensuel a été maintes fois souligné finit le croupion (on notera la sensualité de l’allitération en s dans " Cependant, Clémence achevait son croupion, le suçait avec un gloussement des lèvres ") tandis que Boche lui susurre des indécences. L’acte du manger n’est donc pas innocent et l’on voit les femmes se ruer sur la carcasse de l’oie tandis que madame Coupeau lui arrache le cou. La société ici réunie ne mange pas sans arrière-pensée et la critique a justement relevé que l’oie symbolise Gervaise qui court ainsi à sa perte.

2) Les instincts animaux

Si on peut parler d’une certaine animosité envers Gervaise qui s’exprime pleinement à travers l’engloutissement de l’oie, l’intempérance soulignée par tous fait ressembler les convives à des animaux. Ainsi Gervaise elle-même est " gloutonne comme une chatte ", et son appétit transforme la femme pourtant fine et désirable en une femelle " énorme, tassée sur les coudes ", peut-être courbée sur la table comme une oie sur son plateau. Goujet même, qui est pourtant dans le roman, l’ouvrier modèle, le parangon de la vertu, " Goujet, [...] s’emplissait trop lui-même, à la voir toute rose de nourriture. " L’intempérance règne donc et l’appétit de nourriture ouvre un appétit plus sexuel que viendront assouvir quelques chansons polissonnes. Et déjà, Poisson regarde sa femme avec sévérité tandis que Coupeau l’encourage à se goinfrer et Boche " disait tout bas des indécences " à Clémence qui suce le croupion. Le groupe réalise une véritable orgie et se vautre dans ses instincts sensuels.

3) L’ambiguïté du narrateur

Mêlée aux voix du groupe, la voix du narrateur, et à travers lui celle de Zola, a du mal à se faire entendre ou peut-être se cache. En effet, les reproches d’intempérance étaient ceux les plus couramment adressés

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