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déologie dominante. Derrière les formes ouvertes ou rampantes de sécessions et de séparatismes, il y a le déclin de la confiance et l'effritement de la démocratie-société. Derrière le recul de la solidarité, il y a la sourde délégitimation de l'impôt et du principe redistributif. Et derrière l'individualisme, il y a, à l'inverse, la recherche d'une existence personnelle enrichie et libérée. Ce sont ces réalités qu'il faut prendre à bras-le-corps si l'on veut aller loin dans les réformes. Dominent aujourd'hui deux passions, à la fois opposées et symétriques, qui menacent la cohésion sociale : chez quelques-uns, l'illusion de s'être faits eux-mêmes et de ne rien devoir aux autres, qui conduit à un détachement à l'égard des obligations et des appartenances collectives ; pour le plus grand nombre, le ressentiment à l'égard d'une société qui semble ne pas leur offrir les moyens (ressources matérielles, mais aussi capital social et appartenances collectives) de construire leur existence. Afin de remédier à ce qui menace la cohésion sociale, on ne peut donc se contenter ni de rappeler les valeurs qui doivent nous guider, ni de penser qu'il suffit de réactiver les principes historiquement fondateurs de la solidarité pour retrouver une société plus égalitaire. Les défis du monde contemporain exigent bien davantage, puisqu'il s'agit désormais de se demander comment des individus qui aspirent à être responsables et autonomes dans un monde qui ne cesse de valoriser l'initiative peuvent faire société ; comment des femmes et des hommes qui entendent se libérer des traditions et souhaitent décider de leurs appartenances collectives peuvent encore se lier dans un même espace social ; comment des êtres qui aspirent à voir leur singularité reconnue peuvent constituer à nouveau un corps commun. La réflexion qui doit se déployer à partir de telles exigences comporte au moins deux grandes directions. Elle doit d'abord s'attacher à redéfinir les rapports entre l'individu et la collectivité. La vision néolibérale se cantonne dans l'idéologie en opposant mécaniquement l'Etat social et l'émancipation de l'individu. Car, comme l'a montré Robert Castel, il n'est pas de véritable individu sans supports. C'est bien, en effet, parce que l'Etat offre à ses citoyens des protections et des garanties, qu'il leur permet de développer leurs capacités, qu'ils peuvent devenir authentiquement des individus, capables de décider de leur histoire personnelle et de construire leur propre trajectoire. Les promesses de l'âge contemporain ne pourront ainsi être tenues que si l'action publique s'attache à développer les moyens d'action qui permettent aux uns et aux autres de répondre aux mutations du monde économique et social. Mais c'est également, et c'est la deuxième direction, la manière dont ces individus peuvent faire société qu'il faut repenser. C'est, au premier chef, la façon de vivre en égaux, clé de la mise en place d'un monde commun, qu'il faut reconsidérer. Ce qui suppose d'envisager autrement l'idée d'égalité, puisqu'elle doit désormais tenir compte de nos singularités et de notre désir de les faire reconnaître. Ce qui suppose également de s'interroger sur les moyens de la mettre en oeuvre, puisqu'il faut bien constater que l'Etat-providence traditionnel doit être redéfini pour être plus efficace. Une société des individus n'existera que si l'on s'attache à en repenser la signification et les fondements. C'est ce à quoi veulent inviter les débats qui auront lieu pendant trois jours à la MC2 de Grenoble. Structurés autour de problèmes qui traversent nos sociétés et qui dessinent les enjeux de la réflexion politique actuelle, ils associent des chercheurs, des artistes, des acteurs du monde social. Trois formes de paroles s'y feront entendre. Celles qui décrivent les peurs qui agitent aujourd'hui nos sociétés : peur du déclassement, du multiculturalisme, du religieux, mais aussi peur des changements climatiques, de l'épidémie, de la technologie. L'âge contemporain est anxiogène et la peur défait les relations. Refaire société suppose que l'on comprenne les ressorts de nos frilosités et de nos replis. Si des peurs ainsi se manifestent, des désirs se font également entendre : désir de justice, de reconnaissance, de représentation, de protection, mais aussi d'engagement et de culture. Ces désirs sont autant d'expressions, plus ou moins claires, d'une volonté d'être ensemble et de reconstruire les liens ébranlés par la crise économique et par les nombreuses incertitudes qu'elle soulève. Ils attestent que si les relations s'affaiblissent aujourd'hui, l'envie de faire société reste vivante. Ces aspirations, des voix les manifestent : syndicats, associations, organisations, et plus spécifiquement peut-être les nouvelles sociabilités que constituent les réseaux, les nouvelles formes d'intervention qu'Internet rend possible, les nouvelles formes de militantisme qui participent au mouvement social - et ce que le roman, le théâtre, le cinéma, parviennent à représenter. S'il importe de saisir toutes ces dimensions, c'est parce que nous ne referons société qu'à partir d'une réflexion commune sur ce qui nous divise et ce qui nous réunit. Encore faut-il que cette réflexion puisse s'appuyer sur un savoir au plus près des mutations sociales et des passions collectives - un savoir qui puisse écarter les modèles passés pour inventer la société à venir. Pierre Rosanvallon et Florent Guénard Pierre Rosanvallon est historien, professeur au Collège de France. Florent Guénard est maître de conférence en philosophie. A lire : " Refaire société ", préface de Pierre Rosanvallon, coll. " La République des idées " (Seuil, 96 p., 11,50¤). |

" Recréer une plus grande égalité fiscale " |

entretien | Pour Thierry Pech, directeur de la rédaction d'" Alternatives économiques ", il est urgent d'augmenter la pression fiscale sur les plus aisés Directeur de la rédaction du mensuel Alternatives économiques et cofondateur de la République des idées, Thierry Pech vient de publier Le Temps des riches, anatomie d'une sécession (Seuil, 180 p., 15 ¤). Dans un pays où le ratio prélèvements obligatoires/PIB est l'un des plus élevés d'Europe, peut-on encore réconcilier les Français et l'impôt ? Les prélèvements obligatoires sont d'abord le prix de nos préférences collectives. Quand vous devez payer vous-même vos dépenses de santé ou l'école de vos enfants, cela aussi a un coût. Les Français ont fait le choix de mettre beaucoup en commun en échange d'une protection sociale et de services publics ambitieux. Si on veut les baisser, il faut en accepter les conséquences : une plus grande insécurité sociale, de moindres investissements dans l'éducation, des inégalités croissantes, etc. Je ne crois pas que les Français y soient favorables. Le creusement des inégalités par le haut et la sécession des plus aisés ont-ils miné le consentement à l'impôt ? Les très hauts revenus ont en effet augmenté beaucoup plus vite que les autres depuis une vingtaine d'années, qu'il s'agisse de revenus d'activité ou de revenus du patrimoine. Mais ce ne sont pas seulement ces inégalités qui érodent le consentement à l'impôt, c'est aussi l'iniquité dans la contribution aux efforts de solidarité. Car l'évolution de la fiscalité a été dans le même temps très favorable aux plus aisés : baisse du taux de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, allégement des droits de succession sur les gros patrimoines, réforme de l'impôt sur la fortune (ISF), etc. En outre, plus on monte dans la hiérarchie des revenus et des patrimoines, plus on peut aménager son taux d'imposition en usant de multiples niches auxquelles les plus modestes n'ont pas accès. Non seulement les riches se sont considérablement enrichis, mais ils rendent moins à la société qu'autrefois. Jusqu'où faut-il donc faire payer les riches ? Comme l'a montré Thomas Piketty, le taux d'imposition global des 2 % ou 3 % les plus riches - en tenant compte des cotisations sociales - est inférieur à celui des classes moyennes. Une parité de taux effectif entre ces catégories pourrait être un premier objectif. Si on atteignait une telle parité, on ne rendrait pas le système progressif, mais au moins on mettrait fin à sa régressivité. Et il y a des marges de manoeuvre. Sous la pression de la crise, les Britanniques ont créé une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu à 50 % qui rapporte 2,8 milliards d'euros supplémentaires à l'Etat par an. En France, on est seulement à 41 %, et les 3 % à 4 % de la nouvelle contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne rapporteront pas plus de 400 millions d'euros. Cela après leur avoir fait un cadeau d'environ 2 milliards d'euros sur l'ISF au printemps... A quelles conditions la réconciliation des classes moyennes et de la fiscalité vous semble-t-elle possible ? Dans les classes moyennes, certains ont le sentiment de payer plus que les autres pour des bénéfices moindres. Quand ils regardent au-dessus d'eux dans la hiérarchie sociale, ils découvrent un monde qui ne contribue pas à la mesure de ses moyens. Et quand ils

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