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La suppression des congrégations religieuses dans le Midi en France 1903-1904

Étude de cas : La suppression des congrégations religieuses dans le Midi en France 1903-1904. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  10 Février 2020  •  Étude de cas  •  4 340 Mots (18 Pages)  •  467 Vues

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L’opinion publique opposée à la suppression des congrégations religieuses

dans le Midi

(été 1902 - été 1903)

Étude à partir des articles du journal Express du Midi

Il y a maintenant un peu plus d’un siècle, le gouvernement d’Émile Combes, anticlérical, refusait aux associations religieuses les décrets d’autorisation qui leur auraient permis de continuer leur existence en France. Des centaines de congrégations durent donc s’exiler ou bien séculariser leurs membres. La mémoire de cet évènement est restée ancrée dans les milieux congréganistes. Par contre dans la mémoire collective, cet évènement a été supplanté par la Loi de séparation des Églises et de l’État (1905) qui met fin au Concordat de 1801 entre la France et le Saint-Siège. La lutte contre les congrégations s’inscrit dans un contexte plus large dans lequel se déroule le processus de séparation de l’Église et de l’État. Pour de nombreux laïques, c’est un processus d’émancipation à l’égard de la religion, tandis que de nombreux catholiques parlent d’entreprises de spoliation et de persécution de l’Église. Au XIXème siècle, nous constatons un développement important des congrégations religieuses, qui se consacraient à des œuvres telles qu’hôpitaux, aide sociale, assistance et surtout l’enseignement. En principe, ces congrégations devaient avoir une autorisation légale selon les normes du concordat. L’État commence à prendre en charge l’enseignement par la loi Ferry (1880), rendant l’école obligatoire et ouvrant les écoles normales pour les instituteurs. Cette loi a pour effet un premier exode concernant surtout les congrégations d’hommes non autorisées. Une loi de 1886 propose ensuite une simple déclaration pour obtenir l’autorisation. Cependant, l’affaire Dreyfus, dont les Assomptionnistes s’étaient compromis, à la fin du XIXème siècle, accentue la division des deux France et provoque un climat d’affrontement radical qui va durer de l’été 1901 à l’année 1910. Sous le gouvernement Waldeck-Rousseau, est votée en 1901 une loi, qui est saluée par tous aujourd’hui comme une loi de liberté qui permet à tout citoyen de constituer une association. Cependant, l’article 13 du titre III comporte un volet anti-congréganiste. L’État obligeait toutes les congrégations à demander une reconnaissance légale, quelles que soient leurs activités. Émile Combes, arrivant au pouvoir en mai 1902, fait de cette loi une interprétation restrictive. Dès le mois de juin, il fait fermer par la force les écoles qui seraient irrégulières. En mars 1903, Combes refuse l’autorisation aux congrégations masculines prédicatrices. C’est le sommet de la lutte contre les congrégations. Son action est parachevée avec la loi du 7 juillet 1904 par laquelle l’enseignement de tout ordre et de toute nature est interdit en France aux congrégations. L’enseignement ne peut être exercé que par des laïques. L’État ne donne plus aucun subside aux congrégations. L’opposition entre les deux France est alors à son comble. Durant la vague de sécularisation, nous constatons que les congrégations sont soutenues par une partie importante de l’opinion publique. Celle-ci s’oppose à l’ingérence de l’État dans la « liberté » de choix des parents pour l’instruction de leurs enfants, et qui souhaite la continuation de l’enseignement congréganiste en raison de son utilité publique et de la tradition.  

Nous consacrerons dans ce travail une analyse sur la nature de cette opinion publique qui s’éleva contre la fermeture des écoles congréganistes, dans le Midi. Notre recherche s'étendra aux départements de l’Aveyron, de l’Aude, de la Haute-Garonne, des Hautes-Pyrénées, des Pyrénées Orientales, du Lot, du Tarn, du Gers, de l’Ariège, du Tarn-et-Garonne, du Lot-et-Garonne et de l’Hérault. Le travail se fonde en grande partie sur la consultation des articles du quotidien L’Express du Midi, datant de l’été 1902 à l’été 1904. Ce quotidien se définit comme étant un « organe quotidien de Défense Sociale et Religieuse ». L’Express du Midi est le grand quotidien catholique de l’opposition de droite de la région. Dans un premier temps, nous décrirons la manifestation des réactions de la population du Midi à la fermeture des écoles congréganistes. Puis nous tâcherons de comprendre la nature de ces manifestations. Enfin, nous soulignerons la place que les femmes ont eue durant cette période.

Nous remarquons que l’opinion publique ne se rend compte de l’urgence de cette affaire qu’en juillet 1902. Pourtant, dès l’adoption de la loi de juillet 1901 sur les associations, les congrégations et des militants catholiques cherchaient à mobiliser l’opinion. Ce n’est qu’après que la circulaire d’Émile Combes arrive dans les contrées du Midi et lorsque les agents du gouvernement commencent à fermer les écoles congréganistes non autorisées que l’opinion se mobilise, et ce très rapidement. Dans certains départements du Midi, les fermetures ne provoquent aucune réaction particulière. Ainsi dans le Tarn, nous ne notons quasiment aucune notification dans l’Express du Midi d’une quelconque manifestation ou d’une quelconque réaction populaire, sauf à Réalmont[1]. Cela pourrait être dû au fait que, dans ce département, nous nous trouvons dans une terre fortement teintée de socialisme et de radicalisme. Aussi le soutien populaire traverse les différences socio-économiques et politiques. Les défenseurs de l’enseignement congréganistes manifestent leur soutien par des pétitions, par la participation à des manifestations ou par la réouverture des écoles, avec des instituteurs laïcs ou sécularisés. Nous constatons une résistance très forte lors de la première vague de fermeture dans la région durant l’été 1902. La résistance est souvent violente. Nous notons particulièrement que la résistance se fait autour des écoles de filles.

Comme nous l’avons dit, la fermeture des écoles débute en juillet 1902, après l’arrivée au pouvoir d’Émile Combes, qui applique la Loi sur les associations de 1901 avec plus de force que Waldeck-Rousseau. Avant juillet 1902, les congrégations se sont attelées à respecter la loi, exigeant à celles-ci de demander une autorisation. C’est la tactique qu’elles utilisent depuis les années 1880 : se conformer à la loi, au lieu de lui résister de manière frontale. Cependant, à partir de 1902, la fermeture des écoles congréganistes constitue un véritable drame public. Les autorités locales, les religieux, et les manifestants y jouent tous un rôle. La police devait expulser les enseignants et apposer les scellés sur les portes des bâtiments. Les autorités font leur possible pour réduire le risque de manifestations, car elles redoutent des troubles. Et leur crainte fut bien fondée. Ainsi à Saint-Papoul, dans l’Aude, le 19 juillet 1902, deux gendarmes étaient venus dans la soirée pour notifier à la communauté des sœurs de la Sainte Famille l’ordre de se disperser dans la huitaine. Les sœurs quittèrent la commune autour de trois heures du matin. Les habitants de la commune étaient présents dès deux heures du matin en face du couvent, sur le bord de la route. Après des adieux sentimentaux, l’assemblée a récité l’Ave Maria à genoux. Quasiment tous les élèves étaient présents, accompagnés de leurs parents. L’assemblée a suivi les sœurs sur une longue distance. Des cris et des pleurs furent notés par le journaliste.[2] Il en existe d’autres exemples similaires dans la région. Quand la police arrive sur les lieux, des manifestants sont déjà sur place. Il n’est pas rare de voir, dans les communes les plus petites, les habitants appelés par le tocsin et même par le son du cor. Ce fut le cas à Lacapelle-Marival (Lot) où les habitants furent appelés par les sons d’un vieux cor et d’une trompe pour assister à la venue du commissaire de police de Figeac chez les Frères du Sacré-Cœur[3]. Ainsi la foule, qui accourt en quelques minutes sur les lieux, manifeste son soutien par des cris, des prières publiques, et des chants. Les journalistes rapportent aussi des injures à l’égard des autorités. Ainsi à Carcassonne, dans l’Aude, les Capucins avaient été cités en référé parce qu’ils avaient refusé de laisser pénétrer chez eux l’envoyé du gouvernement chargé d’y opérer un inventaire. Voici ce que rapporte l’Express du Midi : « M. le juge d’instruction, qui présidait l’audience, a rendu, samedi soir [18 avril 1903], une ordonnance tendant à l’apposition des scellés, après un inventaire, sur les objets renfermés dans le couvent. Lorsque le juge de paix, assisté d’un secrétaire, est arrivé au couvent, il s’est trouvé devant la chapelle complètement vide. À la sortie du couvent, tous les Capucins l’accompagnèrent jusqu’au portail devant lequel se trouvait une foule compacte. Des cris de : “Vivent les Pères Capucins ! Vive la liberté ! À bas Combes !” furent poussés sur le passage du juge qui dut presser le pas et déguerpir au plus vite pour éviter de recevoir sur la tête les projectiles de toutes sortes que l’on ramassait à son intention. Le juge disparu, la foule se retourna vers les Capucins, qui furent l’objet d’une manifestation des plus touchantes. Les habitants de ce quartier ne verront pas partir les religieux sans verser d’abondantes larmes. »[4] Ainsi dans des écoles, les portes sont déjà bloquées par la foule, les enseignants et les propriétaires s’enferment à l’intérieur comme ce fut le cas en Aveyron, à l’école de Camonil, où les professeurs ont refusé de sortir de l’établissement.[5] Lorsque les occupants refusent d’ouvrir les bâtiments, la procédure est donc retardée, jusqu’au moment où un serrurier est trouvé et les portes ouvertes de force. Puis la police devait surveiller le départ des enseignants et à convaincre les propriétaires de signer l’engagement de ne pas rouvrir l’école en question. Enfin, la police posait les scellés sur les entrées du bâtiment, sous la clameur vive de la foule souvent très hostile. Les religieux et les religieuses sont souvent accompagnés par la foule sympathisante en cortège jusqu’au lieu où ils ont trouvé refuge. C’est le cas, encore une fois, à Carcassonne, où les sœurs de Cluny sont accompagnées au train par les élèves et leur famille. Les voyageurs, qui sont présents sur les quais, témoignent de leur stupéfaction, arguant leur aversion pour la République : « On ne frappe pas ainsi de nobles et saintes femmes ».[6] 

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