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Le réformisme d'Albert Thomas

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Par   •  7 Février 2016  •  Dissertation  •  4 149 Mots (17 Pages)  •  890 Vues

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Le réformisme d'Albert Thomas

        Dans L'espérance réformiste, histoire des courants et des idées réformistes dans le socialisme français, Jacques Moreau rappelle que « contrairement à ce que croient certains, l'essentiel de l’œuvre accomplie par les socialistes depuis cents ans et qui a profondément transformé la société française a été de nature réformiste »[1], et il ajoute « même minoritaire dans les congrès, l'espérance réformiste est aussi ancienne que le socialisme français et qu'elle est à l'origine de ses meilleures réussites. »[2] Si le terme de réformisme est employé et utilisé depuis quelques années pour justifier une pratique du socialisme proche de la social-démocratie, dont se revendique certaines personnalités politiques de gauche, il  « reste suspect dans notre culture politique, désignant plus une perversion des mouvements sociaux, une maladie de l'entendement révolutionnaire pour les uns, une pusillanimité congénitale pour les autres, qu'un courant de pensée digne d'examen ».[3] Albert Thomas a joué un rôle particulier et déterminant à la fois dans la distinction de ce courant d’idées - alors considéré au début du 19ème siècle à droite de l´échiquier politique – avec les principales théories socialistes, et aussi dans l’ancrage de ses pratiques réformistes dans la conscience collective du socialisme.

Albert Thomas est né le 16 juin 1878 à Champigny-sur-Marne. Il s'intéresse au théories socialistes durant son parcours universitaire, et consolide son engagement intellectuel pour le socialisme à travers les textes journalistiques puis dans l'action politique locale dans un premier temps un premier temps à l'échelon communal. Homme d'action, il remplit avec succès sa mission d'organiser l'effort de guerre durant le conflit de 1914 et 1918. Il meurt à Paris le 8 mai 1932, après avoir conforté durant treize année le rôle du Bureau International du Travail, en tant que Directeur général.

L'expérience politique d'Albert Thomas, pleinement réformiste, incarne dans la trajectoire socialiste  la collaboration de classe et la trahison des idéaux socialiste, notamment la cause révolutionnaire. Loin d'être une simple parenthèse dans l'histoire du socialisme en France, elle représente en réalité un cas d'étude fondamental dans l'analyse et l'interprétation des relations des socialistes au pouvoir. Il convient ainsi de s'interroger sur la place particulière qu'Albert Thomas occupé dans le réformisme français ? Et plus largement Quelles furent les implications de son action politique au sein du gouvernement pour le socialisme français ?

Nous verrons ainsi qu'Albert Thomas trouve dans le révisionnisme d'Eduard Bernstein une source d'inspiration majeure, avant d'affirmer un réformisme original à mesure qu'il s'engage dans la politique. Puis, nous verrons comment l'expérience Albert Thomas, alors qu'il exerce ses fonctions gouvernementales, marque profondément la conscience socialiste après le conflit.

  1. Le réformisme d'Albert Thomas, socialisme emprunt du révisionnisme bernsteinien s'affirme comme un courant de pensée politique original à la veille de la première guerre mondiale
  1. L’influence du socialisme normalien et du révisionnisme d'Eduard Bernstein sur la pensée politique d'Albert Thomas

Albert Thomas, fort de ses succès scolaires, entre à l’École Normale Supérieure en 1898 pour y débuter une carrière d’historien. S’il est déjà attiré par le socialisme avant cette date, c’est pendant ces .. d’années de formation qu’il approfondit ses connaissances des théories socialistes et qu’il se forme un réseau qu’il mobilisera par la suite dans sa carrière politique. Il intègre ainsi au cours de ces années de formation le Groupe d’unité socialiste, et y entretien des relations avec notamment Lario Roques, François Simiand, Hubert Bourgin ou encore Maurice Halbwachs. L'objectif de ce groupe est « d'exploiter le dreyfusisme en faveur d'un socialisme unifié à égale distance entre l'empirisme et le pragmatisme de l'aile droite (possibilistes et certains indépendants) et le dogmatisme rigide de l'aile gauche (guesdistes) »[4].Ces personnalités constitueront par la suite « l’équipe Thomas » à laquelle il fera appel lorsqu’il intégrera ses fonctions au ministère de l’Armement en 1916. Il s’intéresse durant cette période aux théories de Saint Simon et de Marx, et y rencontre Lucien Herr et Charles Andler. Ce dernier, fondateur de l’ « École socialiste » visant à familiariser les étudiants avec les théories du socialisme prône un « socialisme idéaliste et moral non marxiste, l’humanisme travailliste ». Albert Thomas suit ses cours consacrés au syndicalisme allemand et entretient par la suite une profonde amitié avec lui.  Il le considère comme un maître à penser, et sera profondément influencé par ses idées. . Grâce à ses excellents résultats universitaires, il obtient une bourse d’étude qu’il met à profit pour aller étudier le Parti Social-Démocrate allemand. Il rencontre durant ce séjour Eduard Bernstein, qui se fait le porte-parole du débat révisionniste sur la scène politique allemande. Il synthétise sa conception du socialisme dans Les prémisses du socialisme en janvier 1899. Selon lui, l'analyse marxiste doit être élargie, il pense que la démocratie se réalisera par le socialisme, dans un processus pacifique. Il faut  pour cela adapter la théorie à la pratique et faire en sorte que le parti socialiste accepte sa d'être un parti de réforme.

Bernstein permet à Albert Thomas de s’immerger dans le milieu socialiste allemand, et lui permet d’entretenir une correspondance fréquente avec les grandes figures du mouvement tels que Friedrich Hertz et Edouard David - défenseurs du révisionnisme agraire- ou encore Joseph Bloch, alors directeur des Sozialistische Monatshefte - journal socialiste de référence en Allemagne avec le Neue zeit  dirigé par Karl Kautsky – ou bien encore avec Heinrich Braun. Ces relations privilégiées permettent à Albert Thomas de publier dès 1904 une étude sur les syndicats allemands. Hubert Bourgin affirme qu’il serait devenu révisionniste lors de ce séjour en Allemagne : « Sa connaissance et sa pratique du socialisme allemand, surtout dans ses formes et dans ses parties critiques, dans ses tentatives révisionnistes […], l'avaient confirmé dans ses vues, qui le conduisaient à une théorie systématique d'application. Cette théorie, où se réunissaient des tendances formées ou cultivées par le jauressisme et par le révisionnisme bernsteinien, était un révisionnisme démocratique oscillant entre l'étatisme et le communalisme. »

On peut dire qu’Albert Thomas a joué le rôle de « passeur » du révisionnisme allemand sur la scène politique française à la suite de son expérience outre-Rhin. Il transmet en effet de manière régulière des articles de journaux ou bien certains ouvrages en français pouvant intéresser les personnalités qu'il y a rencontré. Il a également eu plus ponctuellement un rôle d’intermédiaire dans des rencontres avec des personnalités françaises comme Jaurès ou Millerand avec les grandes figures du socialisme allemand. Cet échange se fait également dans l’autre sens ; ces interlocuteurs allemands lui conseillent aussi des lectures et lui font parvenir des écrits. En outre, Albert Thomas se voit  collaborer pour certains journaux allemands. Par exemple, il publie en 1903 dans les Sozialistische Monatshefte un article intitulé «  Échos du débat Millerand à Bordeaux ». Il y met en avant les enjeux du congrès tenu en avril 1903 par le Parti Socialiste Français. Selon lui, ce dernier doit devenir un parti constitutionnel et renoncer à la violence révolutionnaire et au dualisme qui touche le socialisme entre la tentation de l’illégalité insurrectionnelle et celle de la réforme[5].

B) Albert Thomas, à travers son engagement politique et son activité journalistique, affirme sa pleine adhésion au socialisme réformiste et progressif

De retour de son séjour en Allemagne, Albert Thomas s’éloigne au fur et à mesure de sa carrière d’historien pour s’engager dans l’action politique. Cet engagement se manifeste tout d’abord dans ses contributions journalistiques notamment au sein de la rubrique traitant du mouvement syndical du journal l’Humanité récemment créé par Jaurès ou bien dans La Revue Syndicaliste qu’il fonde en 1905 avec Louis sellier. Ce journal lui permet de développer et de défendre ses propres positions dans un moment clé pour le syndicalisme. En effet, trois grands débats divisent alors le milieu syndicaliste. A l’opposition classique réforme-révolution, s’ajoute la question du primat du politique sur l’économique, c'est-à-dire sur le syndicalisme, et le débat sur la nécessité de l’action parlementaire, dans le cadre de la législation, opposé à l’antiparlementarisme.[6] Albert Thomas s’impose alors en tant que spécialiste de la question ouvrière à « l’étude de laquelle il apportait à la fois la méthode objective de documentation et de critique, le sens humain du militant et l’esprit pratique de l’administrateur »[7]. Il s’attache à l’étude des faits et à la description de la réalité ouvrière, en veillant à garder ses distances avec les doctrines. Il affirme ses positions et argue que le développement de la masse ouvrière et celui de la démocratie sont liés. Il ajoute d'ailleurs que c’est dans les institutions élaborées et gérées par la classe ouvrière, tels que les syndicats, les coopératives, ou encore les mutualités qui évoluent en fonction des circonstances sociales et économiques, que réside l’opportunité d’un renouveau sociétal. De même, il conçoit - de la même manière que Jaurès - la révolution sociale, non pas comme une crise violente, mais davantage comme une transformation créative et constructive des structures économiques et politiques. Albert Thomas est un partisan fidèle de Jean Jaurès, partageant tout deux l'ambition de réaliser l'unité ouvrière et l'unité du parti socialiste.

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