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Phèdre I, 3

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ants, pour vous j'ai tout quitté.

Réserviez−vous ce prix à ma fidélité ?

PHEDRE

Quel fruit espères−tu de tant de violence ?

Tu frémiras d'horreur si je romps le silence.

OENONE

Et que me direz−vous qui ne cède, grands dieux !

A l'horreur de vous voir expirer à mes yeux ?

PHEDRE

Quand tu sauras mon crime, et le sort qui m'accable,

Je n'en mourrai pas moins, j'en mourrai plus coupable.

OENONE

Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés,

Par vos faibles genoux que je tiens embrassés,

Délivrez mon esprit de ce funeste doute.

PHEDRE

Tu le veux. Lève−toi.

OENONE

Parlez : je vous écoute.

PHEDRE

Ciel ! que lui vais−je dire ? et par où commencer ?

OENONE

Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser.

PHEDRE

O haine de Vénus ! O fatale colère !

Dans quels égarements l'amour jeta ma mère !

OENONE

Oublions−les Madame, et qu'à tout l'avenir

Un silence éternel cache ce souvenir.

PHEDRE

Ariane, ma soeur, de quel amour blessée

Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !

OENONE

Que faites−vous, Madame ? et quel mortel ennui

Contre tout votre sang vous anime aujourd'hui ?

PHEDRE

Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable

Je péris la dernière et la plus misérable.

OENONE

Aimez−vous ?

PHEDRE

De l'amour j'ai toutes les fureurs.

OENONE

Pour qui ?

PHEDRE

Tu vas ouïr le comble des horreurs.

J'aime... A ce nom fatal, je tremble, je frissonne.

J'aime...

OENONE

Qui ?

PHEDRE

Tu connais ce fils de l'Amazone,

Ce prince si longtemps par moi−même opprimé ?

OENONE

Hippolyte ? Grands dieux !

PHEDRE

C'est toi qui l'as nommé !

OENONE

Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace !

O désespoir ! ô crime ! ô déplorable race !

Voyage infortuné ! Rivage malheureux,

Fallait−il approcher de tes bords dangereux ?

Jean Racine (1639-1699) est sans doute l’auteur dramatique le plus emblématique

du classicisme français. Issu d’une famille de notables et éduqué au

couvent janséniste de Port-Royal, Racine se destine rapidement aux lettres : il

compose La Thébaïde, sa première tragédie en 1964. Très vite, il fait concurrence

à Corneille, son ainé de plus de 30 ans, sur son propre terrain : la tragédie classique.

Alors que Racine privilégie des sujets grecs – avec, entre autres exemples,

Alexandre le Grand ou Andromaque – il va jusqu’à concurrencer son ainé sur des

sujets romains. Rapidement, le jeune auteur surpasse Corneille et remporte un

franc succès, mais à la suite de plusieurs scandales provoqués par ses pièces,

il se détourne de la dramaturgie. Il obtient alors une certaine reconnaissance,

notamment par sa nomination à l’Académie française en 1672 et le poste d’historiographe

du roi. Premier cycle d’aveu avant l’aveu notamment à Hippolyte lui-même

II/ Plan de la scène :

La scène est construite autour de l’aveu de Phèdre qui en est le paroxysme. Dans une première partie, Oenone exhorte Phèdre à avouer le secret qui la ronge (du début au vers 240), à partir du vers 241, Phèdre se résout à faire cet aveu, mais l’ajourne, jusqu’au vers 261 et suivants dans lesquels Oenone est littéralement obligée de le lui arracher :

I- Un aveu dramatique

a) Le rôle d'Oenone, rôle de la confidente extrêmement classique

- Très grande intimité entre Phèdre et Oenone. Oenone est à genoux : « Par vos faibles genoux que je tiens embrassés » -> marque de respect.

- Pour obtenir l'aveu de Phèdre, Oenone utilise :

- l'affection : « Madame, au nom des pleurs que pour vous j'ai versés »

- le questionnement : « Que faites-vous, madame ? », « Aimez-vous ? »

- les ordres (injonctions) : « Délivrez mon esprit de ce funeste doute », « Oublions-les, madame ».

- les reproches : -par rapport à ce qu'elle a fait pour elle dans le passé : « au nom des pleurs que pour vous j'ai versés ».

- par rapport à l'attente qu'elle lui inflige : « Par de vaines frayeurs cessez de m'offenser ».

- Finalement, Oenone endosse, prend sur elle une part de culpabilité de Phèdre : « C'est toi qui l'a nommé ! »

* 1°) Le rôle d’Oenone :Le rôle d’Oenone, la nourrice et la suivante de Phèdre, est fondamental dans cette scène ; c’est elle qui aide Phèdre à accoucher de son secret, comme elle l’a sans doute aidée à accoucher de ses deux enfants. L’affection de Phèdre envers Oenone se manifeste dès l’apparition de Phèdre : "chère Oenone" , mais aussi la distance sociale : Phèdre tutoie Oenone : « Je te laisse trop voir mes honteuses douleurs » (v.183), alors qu’Oenone la vouvoie : "Vous-même condamnant vos injustes desseins". Phèdre interpelle Oenone par son nom, Oenone lui répond : « Madame ».

*

* Oenone use tour à tour de l’exhortation : « Vous haïssez le jour que vous veniez chercher ! » de l’interrogation : « Quoi ! vous ne perdrez point cette cruelle envie ? », « A quel affreux dessein vous laissez-vous tenter ? », « De quel droit sur vous-même osez-vous attenter ? », et enfin des reproches : « Vous offensez les dieux », « Vous trahissez l’époux à qui la foi vous lie », « Vous trahissez enfin vos enfants malheureux… » (v. 197 et suivants).

*

* Avec ce dernier reproche : la disparition de Phèdre ne pourrait que rendre plus favorable la situation d’Hippolyte, d’abord désigné par une périphrase « Ce fils qu’une Amazone a porté dans son flanc », puis directement : "Cet Hippolyte", v .205, Oenone touche, sans le savoir, le point vif et prépare l’aveu final :Phèdre :

* Ah ! dieux !

*

* Oenone :

* Ce reproche vous touche ?

*

* Phèdre :

* Malheureuse ! quel nom est sorti de ta bouche !

*

* Oenone voit dans cette exclamation un cri de colère, l’expression d’un ressentiment dynastique : Hippolyte n’est que le fils d’une Scythe, d’une Barbare (Antiope), alors que les enfants que Phèdre a eus de Thésée sont d’ascendance divine et il existe un danger qu’Hippolyte, plus âgé, ne domine ses enfants. (vers 207-216)

*

* Mais ni les questions,

...

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