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La tension entre idéalisation et pessimisme dans la Princesse de Clèves

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Par   •  28 Septembre 2025  •  Dissertation  •  1 624 Mots (7 Pages)  •  25 Vues

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Dissert Princesse de Clèves

Le mouvement classique se caractérise par une tendance à l’idéalisation. On peut donc se poser la question : le roman La Princesse de Clèves présente-il un monde et des personnages idéalisés ? La notion d’idéalisation renvoie à la recherche d’une perfection hors normes. Elle suppose la représentation de personnages héroïques, qui s’écarte de l’humanité ordinaire. Notre roman montre une époque éloignée, en s’inscrivant dans l’Histoire de la cour de France et donne à voir des personnages de la plus haute noble. Il représente donc d’emblée un milieu prestigieux propice à l’idéalisation. Néanmoins, le thème de la passion amoureuse qui est au centre de ce roman le rapproche du genre de la tragédie et laisse donc entrevoir une conception plus pessimisme de l’Homme. Comment ce roman dénoue-t-il la tension entre idéalisation et pessimisme anthropologique ? Nous verrons d’abord comme La Princesse de Clèves représente un univers en apparence idéal, puis nous étudierons l’envers du décor. Nous montrerons enfin comment l’évolution des personnages permet la conquête d’un héroïsme véritable.

L’œuvre s’ouvre sur une description idéalisée. Elle propose la peinture d’un milieu remarquable par sa noblesse et sa beauté, à savoir la cour. Mme de La Fayette mobilise tous les procédés de l’éloquence épidictique, dans le registre de l’éloge. Elle fait se succéder les termes laudatifs et les tournures superlatives. Le roi a su réunir autour de lui un grand nombre « de belles personnes et d’hommes admirablement bien faits. » Le roman s’ouvre sur un rythme binaire et sur une formule hyperbolique « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru avec tant d’éclat » En outre, notre auteur ne cesse de jouer sur la surenchère : chaque personnage de cette galerie de portraits vient ajouter à la splendeur de cette évocation. Cette peinture de la cour présente une dimension esthétique très forte. Elle met en avant l’éclat de cette noblesse et joue sur un effet de dépaysement temporel. L’éloignement dans le temps rend ces personnages de prime abord encore plus prestigieux et admirables. Mme de La Fayette propose donc un cadre grandiose et magnifié dans lequel va s’inscrire l’histoire particulière.

Les deux protagonistes du récit se distinguent également par leur caractère exceptionnel. Pour M. de Nemours, l’auteure souligne aussi sa valeur extraordinaire. La galerie de portraits culmine avec la présentation de ce personnage décrit comme « un chef-d’œuvre de la nature ». M. de Nemours correspond au modèle du courtisan accompli, mêlant naissance glorieuse, qualités physiques, intellectuelles et morales. De la même manière, avec Mlle de Chartres, Mme de La Fayette fait le portrait d’une héroïne admirable de beauté et de vertu. Nous avons tout de suite un effet de miroir entre ces deux personnages qui incarnent une même perfection. D’emblée le roman présente un couple magnifié. La rencontre se déroule sous le regard admiratif de tous. La scène de bal représente un cadre et des personnages d’exception. Les circonstances magnifient cette rencontre qui se déroule dans l’espace du bal, lieu du faste et de l’apparat. C’est ce décor qui inspirera l’univers de conte que crée Charles Perrault dans « Cendrillon ». Mme de La Fayette décrit ainsi un univers stylisé de beauté éclatante. La rencontre est alors transformée en spectacle esthétique. Les effets foudroyants de cette beauté se traduisent d’abord à un niveau collectif, provoquant l’admiration de cet univers princier et aristocratique.

Ces apparences magnifiées cachent cependant des aspects beaucoup plus condamnables

Le roman laisse voir, en fait, une critique de la cour. Cet univers mondain paraît beaucoup moins idyllique qu’il n’y paraît. La cour est d’emblée présentée comme le lieu du divertissement, terme présent dans l’œuvre de Blaise pascal.  Ce concept renvoit à toutes les occupations futiles qui masquent un vide intérieur et amènent l’Homme à oublier les réalités profondes de sa propre condition. En outre, après cette ouverture grandiose, Mme de La Fayette montre le revers de la médaille. Au-delà de la vision esthétique, elle prose un regard de moraliste, qui se doit d’analyser les mœurs de la vie mondaine et de démasquer les faux-semblants. Mme de Chartres, dans sa lucidité, formule la règle qui doit gouverner l’analyse de ce milieu : « Si vous jugez sur les apparences en ce lieu-ci, vous serez souvent trompée ».  Sous la politesse des manières se cachent, en effet, de violentes rivalités. La cour d’Henri II apparaît divisée en une série de clans, notamment ceux de la Reine et de la Reine dauphine. La cour devient donc un anti-modèle, où la vérité se cache derrière les apparences. Mme de Tournon devient l’allégorie même de cette société du paraître et de la dissimulation. La mort d’Henri II fait éclater cette façade du raffinement et de l’élégance. Elle marque le déchaînement des haines et des rivalités.

Le roman pose la question des mœurs en ce qui concerne les relations amoureuses. Le terme galanterie est ainsi profondément ambigu. Il peut désigner aussi bien un idéal de raffinement dans les rapports amoureux qu’une forme coupable de libertinage. La cour devient ainsi un lieu de perdition, où se multiplient les intrigues galantes et les relations adultères. Le vidame de Chartres est l’emblème de cette légèreté dans les rapports amoureux, qui l’amène à un désir insatiable de conquête. Ce libertinage sans mesure est ce qui le conduira à sa perte. En outre, avec la duchesse de Valentinois, l’amour apparaît comme un moyen d’obtenir du pouvoir sur autrui et d’imposer sa puissance plutôt que comme un sentiment pur et désintéressé. Il en est de même pour l’intrigante Anne de Boulen, épouse du roi d’Angleterre Henri VIII.

Le roman témoigne d’une méfiance envers la nature humaine et ses passions.  Il met en scène des personnages aux prises avec des émotions violentes potentiellement destructrices et qui provoquent l’aliénation. La faiblesse de la volonté apparaît même chez Mme de Clèves. M. de Clèves surtout se révèle un personnage tragique qui se laisse entièrement dominer par ses passions. Sa passion amoureuse blessée dégrade le personnage et le transforme en une sorte de monomaniaque, de jaloux obsessionnel. L’auteur montre ainsi comment l’amour s’accompagne d’un cortège de passions néfastes : la crainte, la jalousie, la haine. L’histoire de Mme de Thémines en offre un exemple éclatant, avec sa lettre triomphante de vengeance. Mme de La Fayette reste marquée, comme Racine par la vision profondément pessimiste d’un courant spirituel de l’époque : le jansénisme ou l’augustinisme. Selon cette conception, l’Homme est sans cesse menacé par la chute dans le péché et n’a que peu de chance de rédemption. L’augustinisme se caractérise par la vision d’une nature humaine faible qui ne peut résister à l’aliénation des passions.

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