DissertationsEnLigne.com - Dissertations gratuites, mémoires, discours et notes de recherche
Recherche

A une passante de Baudelaire

Étude de cas : A une passante de Baudelaire. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  28 Mai 2022  •  Étude de cas  •  2 132 Mots (9 Pages)  •  511 Vues

Page 1 sur 9

A une passante de baudelaire

Charles Baudelaire est un poète français du XIXème siècle, essentiellement connu pour son recueil Les Fleurs du Mal, paru en 1857. Il est notamment le poète du spleen, sorte de mélancolie sans cause apparente, et qui dégoûte de toute chose. Justement, le poème étudié ici est extrait de ce recueil, dans la deuxième section intitulé « Tableaux parisiens », et s'appelle lui-même « A une passante ». Il y conte la vision d'une femme, une passante, qui retient son attention. Mais derrière cette scène a priori anodine se cachent des problématiques fondamentales : celles du temps qui passe en même temps que l'idée de destinée. Comment l’évocation d’un coup de foudre devient celle d’une angoisse fondamentale ? Nous verrons dans un premier temps comment s'offre la vision de cette passante au poète et, dans un second temps, comment cette vision transforme son intériorité.

Ce poème, conformément à la partie à laquelle il appartient dans le recueil des Fleurs du mal, est avant tout un « tableau parisien ». Le poète semble se trouver en plein coeur de la ville, et cette ville se définit avant tout par son hostilité. Ainsi, dès le premier vers, le poète témoigne du bruit et du chaos de la rue, en personnifiant cette dernière, « La rue assourdissante autour de moi hurlait. » « assourdissante » et « hurlait » sont deux termes péjoratifs, qui sont complétées par des sonorités également hostiles : une allitération en /r/ et deux hiatus (le hiatus étant une rencontre de deux voyelles prononcées, et qui a pour effet une coupure, une discontinuité, souvent désagréable à l'oreille) : « rue assourdissante » et « moi hurlait ». Le lecteur est donc invité dans un monde de fureur, qui ne paraît pas accueillant. Mais le poète lui-même semble appartenir à ce décor repoussant. Ainsi, dans le deuxième quatrain, « Moi » est mis en valeur, étant placé en début de vers et séparé du reste par une virgule, et permet un bref auto-portrait : « Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, ». « Crispé » et « extravagant » sont deux termes plutôt péjoratifs, qui renvoient à ce premier vers. D'une manière logique ou intituitive, une « rue assourdissante » rend « crispé » et les gens qui hurlent sont bien des « extravagant[s] ». Mais, en outre, on peut voir dans le terme « crispé » une immobilité en opposition à la mobilité de la rue, qui métaphorise la foule bruyante et vivace. Mais ce vers nous renseigne aussi sur l'activité du conteur. Le terme « buvait » laisse ainsi penser que le poète est assis à une terrasse de café, même s'il se trouve boire dans l'oeil de la passante. Cette passante, justement, est celle qui l'arrache à la fureur de la ville, tant elle paraît à l'opposé de ce qui s'y passe. Le décor de la rue est établi en un seul vers (contribuant ainsi à la nervosité du poème) pour laisser rapidement place à l'apparition salvatrice de la passante, longue de quatre vers : Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa, d’une main fastueuse Soulevant, balançant le feston et l’ourlet ; Agile et noble, avec sa jambe de statue. La description de la femme fait contraste entre la rue (et lui) et sa beauté. Ainsi, un vocabulaire positif constitue les vers : « longue », « mince », « majestueuse », « main fastueuse », « agile et noble », « jambe de statue ». En matière de rythme, tout est fait pour donner une impression de lenteur et d'amplitude, qui sont l'inverse du mouvement (« autour de moi ») et de la contraction de la ville (« crispé »). D'abord, le vers 2 commence avec deux adjectifs (« longue » et « mince ») qui viennent retarder l'action (le verbe, qui n'arrive qu'au vers 3, est conjugué au passé simple). Le vers 4 reprend la même structure avec deux participes présents (« soulevant » et « balançants ») qui font référence à des mouvements de danse. Le vers 4, quant à lui, est particulièrement harmonieux. Il repose sur quatre groupes de pieds de 3 syllabes (« soulevant / balançant / le feston/ et l’ourlet ») qui visent à retranscrire les mouvements balancés de la femme. On peut également noter les sonorités propres à cette description, qui sont bien plus douces que les /r/ du premier vers . On trouve une allitération en /s/ (« mince », « majestueuse », « passa », « fastueuse », etc.) qui rappelle le frottement des tissus, et la rime riche entre les vers 3 et 4 qui vient ajouter à la beauté luxueuse de l'apparition. Il faut également remarquer que cette description déborde sur le deuxième quatrain. On peut y voir une référence aux courbes de sa silhouette, décrite comme « agile et noble » ainsi qu'au mouvement de cette passante (« passa ») : les vers font se rejoindre fond et forme puisqu'ici, ils sont eux-mêmes agiles (étant sur deux quatrains à la fois) et nobles (puisqu'ils contiennent des rimes riches) qui perturbe le poète. Or, le poète se trouve fasciné par cette passante, qui incarne son idéal de beauté. Il réapparait brusquement avec ce fameux « Moi » isolé en début de vers. Son trouble est perceptible au travers du rythme haché des vers 6 et 7 : “Moi, je buvais, crispé comme un extravagant, Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan,”. L'adjectif « crispé » insiste bien sur sa stupéfaction, tandis que le verbe boire renvoie à l'avidité et à la soif du poète qui convoite la femme-passante. Car, surtout, cette apparition incarne l'idéal de l'amour baudelérien, dans lequel se mêlent douceur et violence. Pour preuve, l'antithèse « plaisir qui tue » - avec cette trace mortifère déjà présente dans la rime riche de « majestueuse » et « fastueuse ». De même, l'allitération en /s/ vient accentuer la douceur et la fascination qu'elle suscite. Mais la présence de la mort (avec ces rimes « tueuse » et « tue ») est moins le signe de la fin que celui du renouveau. Au vers 10, en effet, Baudelaire utilise le verbe « renaître ». Car c'est l'effet de sa fascination : la passante lui a fait entrevoir l'idéal de beauté et, ainsi, lui insufflé vie et inspiration.

Transition

Ce poème repose sur les jeux de contrastes et d'oppositions. Nous avons déjà évoqué l'antithèse entre le chaos de la rue et l'harmonie de la femme. D'une manière symbolique, cette dynamique d'opposés se concentre sur le premier hémistiche du premier vers du premier tercet : « Un éclair… puis la nuit ! ». L'éclair fait référence au regard de la femme (on rappellera le vers 7 : « Dans son oeil, ciel livide où germe l’ouragan, ») autant qu'au passage rapide de sa silhouette. Et cet « éclair » est en rupture avec la « nuit » une fois la femme enfuie ; tandis que la ponctuation joue également sur la temporalité : les points de suspension symbolisent l'attente et la langueur, le point d'exclamation symbolise

...

Télécharger au format  txt (11.7 Kb)   pdf (51.4 Kb)   docx (11.2 Kb)  
Voir 8 pages de plus »
Uniquement disponible sur DissertationsEnLigne.com