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Analyse linéaire d'un extrait des Mémoires de Marguerite de Valois

Commentaire de texte : Analyse linéaire d'un extrait des Mémoires de Marguerite de Valois. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  25 Janvier 2023  •  Commentaire de texte  •  2 249 Mots (9 Pages)  •  215 Vues

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Explication de texte – Extrait des Mémoires de Marguerite de Valois

Introduction 

        « Je tracerai mes mémoires, à qui je ne donnerai plus glorieux nom, bien qu'ils méritassent celui d'histoire, pour la vérité qui y est contenue nûment et sans ornement aucun ». C’est ainsi que Marguerite de Valois définit son œuvre dans l’ouverture de ses Mémoires. Dès lors, l’idée d’une tension entre Histoire et littérature, qui sera prégnante tout au long du texte, est mise en évidence. Le projet d’écriture des Mémoires voit le jour durant l’exil de la princesse en Auvergne qui ne se terminera qu’en 1605. Dédié à Pierre de Bourdeille, dit Brantôme, elle ne lui enverra pourtant jamais et le texte ne sera publié qu’à titre posthume, en 1628.

        Le récit se situe en 1574, mais le passage étudié, qui prend place dans les premières pages de l’œuvre, retranscrit la nuit du 24 août 1572, jour du massacre de la Saint-Barthélemy, dont Marguerite se souvient.

//Lecture du texte//

        Il s’agit d’une anecdote, puisque la narratrice relate d’un fait de sa vie personnelle survenu près de vingt-ans auparavant, et qui l’a particulièrement marquée. L’emploi de la première personne du singulier ainsi que l’utilisation dominante des temps du passé le confirment. Pour autant, le caractère historique n’est pas absent du passage et est essentiel à la compréhension du texte.

        Lors de sa publication en 1628, et dans une lecture faite plus de cinquante ans après le massacre de la Saint-Barthélemy, le lecteur sait qu’il assiste ici à un moment fort de la vie de la princesse mais également de l’Histoire, dont elle résume avec précision l’action. Ce sera d’ailleurs un des deux seuls témoignages restant des événements survenus à l’intérieur du Louvre ce soir-là.

        En trois mouvements, ce passage des Mémoires s’appuie sur la position de Marguerite qui évolue au sein d’une conspiration qui marquera à jamais l’Histoire de France. Il est alors possible de se demander en quoi cet extrait des Mémoires sur la Saint-Barthélemy permet d’ancrer la propre histoire personnelle de Marguerite de Valois dans l’Histoire, mettant ainsi en évidence l’importance de son personnage, tant sur le plan littéraire qu’historique.

Il est alors intéressant d’étudier dans un premier temps, de la première à la neuvième ligne, l’ignorance dans laquelle est maintenue la princesse malgré l’annonce d’évènements tragiques ; puis, dans un second temps, de la ligne dix à vingt, d’évoquer l’instrumentalisation de la personne de la princesse ; avant de conclure dans un troisième temps, de la ligne vingt-et-un à trente-et-un, sur la rencontre que fait Marguerite et qui la fait basculer dans la trame historique dont elle était préservée jusqu’alors.

        Développement

  1. L’Histoire se met en place au détriment de l’histoire : une volonté de laisser la princesse dans l’ignorance

        L’extrait étudié s’ouvre in medias res, tant pour le lecteur que pour la princesse. En effet, Marguerite est maintenue dans l’ignorance la plus complète « l’on ne me disait rien de tout cecy » (l.1). Or, derrière le simple pronom démonstratif « ceci » repose toute l’envergure des évènements à venir :  la veille, l’amiral Coligny a été victime d’un attentat commanditée par la famille des Guise qui ne supportait plus la menace d’une guerre européenne et de la perte de leur influence auprès de la famille royale. C’est cette tentative de meurtre qui donnera lieu dès le lendemain au massacre de la Saint-Barthélemy. La princesse est ainsi spectatrice, elle n’a aucun rôle et ne retranscrit ici que de manière objective ce à quoi elle assiste. En observant la construction syntaxique du passage, il est possible d’identifier un parallélisme dans l’observation entre « les huguenots désespérés de cette blessure » et « messieurs de Guise craignans qu’on n’en voulust faire justice » (l.2/3). En effet, par son mariage avec Henri, roi de Navarre, Marguerite, qui est pourtant catholique, a ici une double position et offre aux lecteurs une vision ambivalente des évènements, à la fois du point de vue des protestants et des catholiques. En cela, la réconciliation nationale voulue par la Reine mère entre les deux partis a une toute nouvelle fonction : elle offre à la princesse la possibilité de retranscrire avec précision les évènements auxquels elle assiste. Ainsi, le texte met en lumière les secrets d’alcôve et la conspiration qui se trame « se chuchotant tous à l’oreille » (l.3) ainsi que le brouillard qui entoure la décision du massacre, afin de ne pas prévenir les futures victimes. Marguerite confesse l’inconfort de sa position, suspecte aux yeux de tous parce que catholique pour les uns et femme d’un protestant pour les autres : « Les huguenots me tenoient suspecte parce que j’estois catholique, et les catholiques parce que j’avois espousé le roy de Navarre, qui estoit huguenot » (l.3/4). Il y a ici un nouveau parallélisme syntaxique qui permet d’insister sur la position duale de la jeune femme. A la cinquième ligne, « personne ne m’en disoit rien » fait écho au « l’on ne me disoit rien » de la première ligne, insistant sur le désir d’aveugler la princesse au sujet des actions qui se trament. A nouveau, l’histoire et l’Histoire s’entremêlent : toujours écartée des discussions, ce n’est qu’ « au soir » (l.5) que la princesse comprend que quelque chose va se passer. C’est le premier marqueur temporel du texte et ce dernier rappelle à la mémoire du lecteur que le commencement du massacre est prévu à la nuit tombante, afin que la surprise et la traitrise jouent pleinement et assurent le succès de l’opération. La princesse est traitée par sa propre mère comme une personne suspecte, elle est « apperceust » (l.7) et sommée d’aller se coucher, cette demande est double : la princesse est à la fois écartée de la pièce où tout le monde se trouve, mais également des évènements en eux-mêmes. Cette volonté de laisser la jeune femme dans l’ignorance permet à l’Histoire de se mettre en place au détriment de l’histoire. Or, la réaction de la sœur de Marguerite, soulignée par l’utilisation du présent, et l’interruption du temps du récit pour laisser placer au discours direct « Mon dieu, ma sœur, n’y allez pas » (l.10) témoignent d’une rupture tant sur le fond que sur la forme.

  1. Une princesse ignorée et instrumentalisée.

        Par cette rupture dans la narration, le discours direct permet de basculer dans le second mouvement du texte.  Il est possible de voir ici que la décision déchire la famille royale comme le montre l’état de la sœur de Marguerite qui ne cesse d’empirer : de « fort triste » (l.6) et « fort à pleurer » (l.9), elle finit par fondre « en larmes » (l.18).  Cette intervention du discours direct est la seule parole adressée à Marguerite et provoque chez elle la peur, intensifiée par l’adverbe « extrêmement » à la ligne 11 dans la phrase « Ce qui m’effraya extrêmement. ». Ici, le pronom démonstratif « ce » renvoie directement aux paroles de la sœur de la princesse, cette construction syntaxique, alliant discours direct et retour à la narration, n’est pas commune et donne un ton grave, solennel, à la réaction de Marguerite. En cela, ce choix de syntaxe inhabituel indique que c’est à ce moment précis que la jeune femme comprend que quelque chose risque de lui arriver.  Ainsi, une dispute éclate entre Claude de Lorraine et Catherine de Médicis ; le discours direct est abandonné au profit du discours indirect « Ma sœur lui dit » (l.12) et « La Reine ma mère répond » (l.14). A nouveau, Marguerite n’intervient pas, renforçant l’idée qu’elle n’est qu’une spectatrice au sein de toute cette conspiration, alors qu’il est question de sa propre personne. Dans cet échange, il est possible de percevoir l’autorité de Catherine sur ses filles, la mettant en position de chef du complot : d’un côté, elle se « courrouçe fort » (l.12) contre Claude, et de l’autre elle « commande encore rudement » (l.18) Marguerite à sortir de la pièce. Ici, « fort » et « encore » sont employés comme des intensifs et permettent d’insister sur la position dominatrice de la Reine mère. Or, le lecteur comprend ici en même temps que la princesse que cette dernière est instrumentalisée au service d’une politique. Le vocabulaire employé est fort de sens « sacrifier » (l.13), « se vengeraient sur moi » (l.15) et « soupçonner » (l.16) : La reine mère prend ici le pari d’envoyer sa propre fille à une possible mort tant que cela lui permet de réaliser ses plans sans se faire soupçonner. Bien qu’elle se doute qu’il risque de lui arriver quelque chose, Marguerite demeure dans l’ignorance. Le rythme binaire « toute transie et esperdue » (l.19) traduit son émotion et sa peur face à un destin qu’elle ne connaît pas mais qu’elle soupçonne d’être tragique.

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