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Dissertation sur ESÖ

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Par   •  23 Novembre 2020  •  Dissertation  •  7 799 Mots (32 Pages)  •  368 Vues

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Agrégation externe 2020                                                                              Professeur : M. Teinturier

Emine Sevgi Özdamar                                                                                 Composée par Mirela Miftari

Composition en français

Un philologue a affirmé: «  Dans les romans et les nouvelles d’ESÖ les différentes cultures ne sont pas présentées comme fixes les unes contre les autres, mais inversement, les frontières et les stéréotypes interculturels et intra-culturels sont détournés de façon carnavalesque. » Prononcez-vous.

    L’œuvre d’ESÖ fait référence à différentes cultures et souvent la critique littéraire a comparé son œuvre à un pont culturel entre la Turquie et l’Allemagne. Ce rôle de médiatrice des cultures attribué à Özdamar dépasse le cadre national et en tant que lecteurs nous sommes avertis à lire l’œuvre ESÖ dans un contexte interculturel.  Ce contexte tel qu’il est présenté dans l’intégralité de son œuvre interroge la notion de l’inter-culturalité. En ce qui concerne la présence de l’élément culturel dans ses textes, un critique a dit ceci : « Dans les romans et les nouvelles d’ESÖ les différentes cultures ne sont pas présentées comme fixes les unes contre les autres, mais inversement, les frontières et les stéréotypes interculturels et intra-culturels sont détournés de façon carnavalesque. » L’auteur de la citation nous invite à réfléchir sur la façon dont l’auteure présente les différentes cultures. Pour le critique, il ne s’agit pas d’une confrontation entre les cultures, mais d’une écriture qui contourne les frontières et les stéréotypes par un humour caractérisé comme carnavalesque. Si l’auteure évite l’opposition entre les différentes cultures et détourne le problème de la frontière culturelle, cela veut dire que l’inter-culturalité n’est pas quelque chose de fixe, mais un phénomène dynamique sans frontières. Pour l’auteure ESÖ il s’agirait d’établir un transfert culturel qui dépasse et gomme  les limites.  Pourtant, dans ses textes en général et en particulier dans les deux œuvres étudiées, dans le récit Mutterzunge et dans le roman Le pont de la corne d’or, la narratrice protagoniste, une jeune fille turque immigrée en Allemagne, est confrontée à des limites culturelles dont elle fait l’expérience. Cette confrontation avec les frontières culturelles donne lieu à des situations décalées et comiques. Nous sommes amenés à interroger les notions de culture et d’inter-culturalité, ainsi que le comique de son l’écriture. Nous allons démontrer si cette façon carnavalesque de détourner les problèmes posés par les frontières et les stéréotypes culturels a comme seul pour but de faire réfléchir et de faire rire le lecteur, ou si elle tend vers un idéal esthétique et littéraire qui dépasse la dimension interculturelle. Pour ce faire, nous allons d’abord présenter la manière dont ESÖ intègre les différentes cultures dans son œuvre, ce qu’elle entend par la notion de culture et de l’inter-culturalité, et nous allons analyser en quoi les cultures ne sont pas présentées comme opposées. Ensuite nous allons nous intéresser à la façon carnavalesque dont elle contourne les limites culturelles par le rire provoqué chez le lecteur et nous allons interpréter le sens du comique chez ESÖ. On s’attachera enfin à expliquer dans quelle mesure les enjeux de l’inter-culturalité chez ESÖ correspondent à un idéal littéraire et esthétique qui prône une culture vivante et pas figée.

                                                             

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      La manière dont ESÖ intègre les différentes cultures dans son œuvre apparaît sur plusieurs niveaux : à travers les rencontres avec des personnages qui croisent le chemin de la jeune protagoniste turque, à travers les références aux œuvres du canon littéraire européen et les auteurs qu’elle cite, à travers les références théâtrales et cinématographiques, à travers les lieux qu’elle fréquente, et puis surtout à travers les limites de la langue qui deviennent la symbolique même de la dimension interculturelle dans l’intégralité de son œuvre.

L’élément culturel, voire interculturel, est présenté avant tout à travers des personnages emblématiques dans les deux œuvres étudiées. Ils sont significatifs, car ils jouent un rôle majeur dans la rencontre culturelle avec la jeune narratrice et dans le rapport avec sa formation culturelle, ainsi qu’avec son devenir comme femme adulte. Dans le roman, la rencontre avec le directeur du foyer, le Heimleiter d’origine turque, lui ouvrira la voie vers la culture et la littérature. Le Heimleiter est présenté comme un connaisseur de musique turque, de langue allemande, du théâtre et de littérature occidentale. Ce personnage incarne la rencontre intra-culturelle, puisque les échanges se font au sein d’une même culture d’origine, comme les deux personnages sont d’origine turque. Il joue le rôle d’un pédagogue, puisqu’il est l’initiateur de l’apprentissage de l’allemand, cf la page 31 du roman : « Abends lehrte er uns Frauen die deutsche Sprache » et plus loin à la même page : « Wir lernten Deutsch bei unserem kommunistischen Heimleiter. Er saß mit seinem Saz vor den Frauen und sang ein türkisches Lied in Deutsch, das wir alle in Türkisch kannten ». La transposition de sa propre culture vers l’allemand avec des personnes appartenant à la même communauté fait preuve d’une ouverture intra et interculturelle. Il est artiste comédien et avec sa femme, également comédienne, ils ont fréquenté le cercle des artistes de la Berliner Ensemble tels que Bertolt Brecht, Kurt Weill et Helene Weigel. Il cite le théâtre de Shakespeare et plus précisément la pièce Ein Sommernachtstraum. Shakespeare est un auteur que la narratrice vénère et elle lui dit qu’elle a joué le rôle de la reine des elfes Titania, personnage de cette pièce, déjà à douze ans en Turquie. Le fait qu’ils partagent une passion commune pour un théâtre européen de référence et en sont des connaisseurs, nous prouve qu’ils n’ont pas le profil courant des Gastarbeiter. Ce ne sont pas de simples travailleurs immigrés qui sont venus en Allemagne dans le but d’améliorer leur condition économique, mais ils font partie de la catégorie d’artistes qui ont pour vocation l’épanouissement personnel dans l’art. Le   partage des références étrangères par des membres de la même communauté linguistique à l’étranger renvoie à la notion du transculturel qui correspond aux influences réciproques entre plusieurs cultures. Le Heimleiter marque en quelque sorte un tournant dans la vie de la jeune fille cf  la page 35 du roman : « Mit dem kommunistichen Leiter fing ein anderes Leben an », et il l’initie à la littérature cf la page 35 du roman : « Er gab uns Bücher». Il s’intéresse à des grands auteurs du canon littéraire européen tels que Tschechow, Dostojewski, Gorki, London, Tolstoi, Joyce ou Sartre, et il représente un certain niveau de culture. Non seulement il lui ouvre la voie vers une ouverture interculturelle, mais, avant de quitter l’Allemagne pour la Turquie, il lui donne un conseil qui va renforcer son désir pour perdre son ‘diamant’ qui symbolise sa virginité, et pour concrétiser le rêve de devenir comédienne cf la page 99 du roman : « Ich will dir etwas sagen Titania :Wenn du eine gute Schauspielerin sein willst,  schlaf mit Männern, egal mit wem, schlafen ist wichtig. Das ist gut für die Kunst. » Ce personnage contribue à la formation littéraire de la jeune fille, et son conseil anticipe le désir de la jeune fille pour devenir une femme adulte. De ce fait, on pourrait le considérer comme l’antithèse du père de la narratrice, qui envisage un avenir conventionnel pour sa fille. Au début du roman ses parents lui conseillent d’obtenir le baccalauréat, plutôt que de s’intéresser au théâtre qui, selon eux, c’est celui qui a ‘brûlé’ sa vie cf page 12 du roman : « Theater hat dein Leben verbrannt. » Ses parents jouent un rôle de frein pour son devenir d’artiste.

Le pendant féminin du Heimleiter est le personnage de Madame Gutsio, une femme grecque qui initie la narratrice protagoniste à la lecture de Kafka. Le choix de cet écrivain ne semble pas être un hasard. Kafka est l’exemple par excellence des auteurs qui représentent le mieux la notion de l’inter-culturalité  en littérature. Kafka est un auteur Juif pragois germanophone qui a écrit en allemand et qui a vécu en marge de la société. Il est associé à la littérature dite mineure, car à la fois il se situe à la rencontre de plusieurs cultures, étant donné ses origines, et en même temps il a eu une position de marginal malgré le fait qu’il écrivait dans une langue majeure du monde culturel. Ce schéma semble correspondre aussi à l’auteure ESÖ du fait qu’elle a une position décentrée par rapport à la culture allemande, mais qui de nos jours est reconnue comme une écrivaine de langue allemande. ESÖ est la première auteure turque qui a reçu le prestigieux prix littéraire allemand Ingeborg-Bachmann pour son premier roman Das Leben ist eine Karawanserei - hat zwei Türen - aus einer kam ich rein aus der anderen ging ich raus publié en 1991. Elle est considérée comme la pionnière d’une transmission et d’un transfert culturel entre sa Turquie natale et son pays adoptif l’Allemagne, où elle vit depuis les années 1970. En ce qui concerne Madame Gutsio, elle aussi directrice de foyer, Heimleiterin, c’est elle qui incite la jeune femme à aller visiter Paris, où elle va découvrir la Cité internationale universitaire qui est l’exemple même de l’inter-culturalité. C’est un site universitaire conçu par André Honnorat et Paul Appell dans l’ambition d’offrir aux étudiants du monde entier un cadre propice aux rencontres et aux échanges multiculturels. Madame Gutsio incarne une femme de lettres émancipée et engagée, la narratrice va suivre ses traces au fil du roman et va devenir une militante engagée.

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