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Dissertation sur Robert Antelme et Primo Levi

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Par   •  14 Novembre 2017  •  Dissertation  •  2 419 Mots (10 Pages)  •  1 092 Vues

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Robert Antelme et Primo Levi sont deux anciens déportés des camps nazis de la Seconde guerre mondiale. Robert Antelme a été déporté aux camps de Buchenwald et de Dachau de 1944. Primo Levi, fut lui déporté à Auschwitz en 1944. Libérés en 1945, ils sont des témoins des camps de concentration. Ils racontent leur histoire dans deux œuvres devenues des œuvres majeures de la littérature concentrationnaire : L'Espèce humaine de Robert Antelme et Si c'est un homme de Primo Levi.

Robert Antelme affirme : « il faut beaucoup d'artifices pour faire passer une parcelle de vérité » (L'Espèce humaine). Nous nous demanderons si cette affirmation est vraie pour ces deux œuvres. A t-on besoin d'artifices pour dire la vérité ?

Tout d'abord, nous nous pencherons sur les œuvres de Primo Levi et de Robert Antelme, pour voir  les artifices comme une aide. Ensuite, nous étudierons les artifices comme moyen de transmettre. Enfin nous nous demanderons si la vérité n'est-elle pas trop grande à dire.

Qu'est ce qu'un artifice ? Ce sont des mots, des figures de style, des procédés littéraires et stylistiques. Primo Levi et Robert Antelme, lors de l'écriture de leurs œuvres font appel à ces artifices pour raconter leur expérience dans les camps de concentration. Dire l'horreur qu'ils ont vécu. « Nous voulions parler, être entendus enfin. On nous dit que notre apparence physique était assez éloquente à elle seule. » raconte Robert Antelme dans L'Espèce humaine. L'un des phénomènes de déshumanisation est la perte de la parole. Le langage est en effet, ce qui fait de nous des êtres humains. Lors de leur libération, les déportés voulaient parler, dire tout ce qu'ils avaient endurer. Mais l'horreur vécue était si grande qu'ils éprouvaient des difficultés à dire cela : l'indicible. Les artifices étaient alors pour nos deux auteurs un soutien. Grâce aux artifices ils ont pu écrire et raconter l'indicible. Robert Antelme était écrivain avant sa déportation. Il avait déjà des notions littéraires, et pour lui transcrire son expérience dans un langage approprié était nécessaire. Primo Levi, lui n'était pas écrivain, il était chimiste de formation. Il écrit dans la préface de Si c'est un homme : « Je suis conscient des défauts de structure de ce livre, et j'en demande pardon au lecteur. ». Même si Primo Levi n'était pas écrivain, lui et Robert Antelme sont deux écrivains témoins dont le travail sur l'énonciation est remarquable. Ils ont su dire l'inimaginable : « Inimaginable, c'est un mot qui ne se divise pas, qui ne se restreint pas. C'est le mot le plus commode. Se promener avec ce mot en bouclier, le mot du vide, et le pas s'assure, se raffermit, la conscience se reprend », Robert Antelme.

« Artifices » c'est le mot employé par Robert Antelme. Robert Antelme était un homme de lettres, fait-il alors référence aux artifices utilisés au théâtre ? Les artifices au théâtre sont de s moyens utilisés dans les coulisses pour imiter des éléments naturels comme le bruit du vent par exemple. Ils servent à imiter des choses pour donner une impression de réel. Robert Antelme, l'écrivain ferait-il alors référence aux artifices du théâtre ? Les artifices renforcent le réel. Par des métaphores Robert Antelme nous image son expérience : « On tremblera toujours de n'être que des tuyaux à soupe, quelque chose qu'on remplit d'eau et qui pisse beaucoup », L'Espèce humaine. Robert Antelme et Primo Levi utilisent un langage courant, parfois familier pour accentuer la réalité. Les déportés parlaient ainsi, ils ont alors reproduit leur langage pour renforcer le réel. Primo Levi, lui utilise un langage scientifique pour appuyer la dimension réelle des faits. Les mots « expérience », « analyse » reviennent régulièrement dans Si c'est un homme, l’œuvre de Primo Levi. Les artifices renforcent le réel, et pour cela Robert Antelme et Primo Levi réécrivent les dialogues des allemands et de leurs camarades dans leur langue. Le lecteur ainsi est plongé au cœur des camps. Le lecteur même s'il ne sait pas lire l'allemand, au contraire se sent comme Primo Levi et Robert Antelme : perdu face à l'inconnu. Nous retrouvons certaines phrases en allemand chez Robert Antelme : « Sheisse, Sheisse ! Gueule le kapo » ; ou chez Primo Levi : « Schlosser, répond-il. Je ne comprend pas. ».

Dans son affirmation Robert Antelme utilise également le verbe « faire passer », nous utilisons se verbe souvent pour parler d'un mal ou d'une douleur que l'on fait passer. Les artifices ne seraient-ils pas pour Primo Levi et Robert Antelme un « remède » à leur douleur ? L'écriture de leurs œuvres les a peut-être libéré de cette triste vérité : les camps d'extermination, ils l'ont vraiment vécu. Primo Levi l'avoue lui même dans la préface de Si c'est un homme : « c'est avant tout une libération intérieure ». Ils déposent tout deux leur histoire sur la page pour se libérer en quelque sorte de cette expérience douloureuse. Nous rappelions plus haut que le principal phénomène de déshumanisation est la privation de parole : « de ne pas poser de question, et de ne pas nous en poser. » Primo Levi, Si c'est un homme. C'est aussi pour eux, un moyen de parler, comme un remède : enfin ils peuvent s'exprimer et soulager leur conscience. Les artifices, ces mots pour dire leur douleur les aide à exprimer l'impuissance qu'ils ont ressentit dans les camps : « Je ne peux pas créer quelque chose qui se mange. C'est cela l'impuissance. » Robert Antelme, L'Espèce humaine. Page après page ils peuvent exprimer toutes les sensations qu'ils ont éprouver, ils peuvent enfin soulager leur mal.

        L 'affirmation : « il faut beaucoup d'artifices » s'affirme peu à peu au regard des deux œuvres car les artifices apparaissent ici comme un réel soutien.

L'écriture de ces deux œuvres les a « libéré » mais leur a aussi permis de transmettre au monde l'horreur du régime nazis. « Faire passer » c'est aussi transporter quelque chose d'un point à un autre, d'une personne à une autre. En effet, ils témoignent de leur expérience des camps et donnent la vérité sur leur déportation. Primo Levi dit dans sa préface : «  Il me semble inutile d'ajouter qu'aucun des faits n'y est inventé. ». Ce besoin de transmettre évoqué par Robert Antelme dans son affirmation, est également vrai pour Primo Levi qui nous confie que déjà lorsqu'il était déporté il songeait à ce qu'il allait transmettre : « Le besoin de raconter était en nous si pressant que ce livre, j'avais commencé à l'écrire là-bas ». Ils continueront jusqu'à la fin de leur vie à transmettre leur expérience personnelle. Primo Levi rédigera à la fin de son œuvre des réponses aux questions qui lui sont régulièrement posées par de jeunes lecteurs. Il s'investit entièrement dans son devoir de témoin. Son but était : « de survivre dans le but précis de raconter les choses auxquelles nous avions assisté et que nous avions subies. ».

Ecrire, raconter leur histoire est non seulement un besoin mais aussi un devoir. Témoigner est un devoir moral pour les deux écrivains. Ils témoignent au nom de tous ceux qui ne peuvent plus parler et qui sont allés au bout de l'horreur. Primo Levi à conscience de ce devoir et écrit à J. Samuel dans une lettre : « que nous le voulions ou non, nous sommes témoins et nous en portons le poids ». Ils doivent témoigner pour que les générations futures ne reproduisent pas le même schéma. C'est en témoignant qu'ils affirment leur identité. Les nazis ont voulu faire disparaître les juifs mais Primo Levi s'affirme et annonce : « Etre Juif pour moi , c'est une question d'« identité » , une « identité » à laquelle , je dois le préciser , je n'ai pas l'intention de renoncer . » (Si c'est un homme). Robert Antelme et Primo Levi ont faillit perdre la vie, ils doivent parler pour les millions de déportés morts dans les camps d'exterminations, pour leurs camarades au camp comme Lorenzo, ami de Primo Levi : « C'est à Lorenzo que je dois de n'avoir pas oublié que moi aussi j'étais un homme. ». Robert Antelme et Primo Levi témoignent, mais promettent également aux lecteurs une réflexion importante sur l'homme en tant qu'être humain. Robert Antelme écrit dans L'Espèce humaine : « Les SS ne peuvent pas muter notre espèce. Ils sont eux-mêmes enfermés dans la même espèce et dans la même histoire. »

Les mots, le langage, les artifices sont un moyen de transmettre, et transmettre est un devoir illustré par le « il faut » de l'affirmation de Robert Antelme. Mais nous nous interrogerons sur les termes « parcelle de vérité »: les artifices suffisent-ils à dire toute la vérité ?

Qu'est ce que cette « vérité » qu'évoque Robert Antelme ? La vérité, c'est leur histoire, leur expérience des camps. La vérité pour eux ici, c'est dire : oui j'y étais, cela s'est passé comme cela. Ils témoignent de leur expérience personnelle. Robert Antelme et Primo Levi ont tout perdu dans ces camps, Buchenwald, Dachau et Auschwitz. Ils ont perdu leur identité, il n'était plus que des numéros. Ils ont perdu leurs amis, leurs proches. Robert Antelme écrit dans L'Espèce humaine : « Le regard du SS, sa manière d'être avec nous, toujours la même, signifiaient qu'il n'existait pas, pour lui de différence entre telle ou telle figure de détenu. ». Il y a eu environ 4 à 6 millions de morts dans les camps de concentration. La vérité sur les camps, c'est l'horreur, la destruction d'un peuple, un génocide. Ce qui s'est passé dans ces camps est inimaginable tellement l'horreur y était grande. Les artifices, les mots qui sont pourtant des soutiens pour les témoins, ne sont-ils pas impuissants pour raconter l'horreur ? Les mots ne sont que des caractères imprimés dans un livre alors que Primo Levi et Robert Antelme sont bien deux hommes ayant vécu « l'expérience humaine » la plus tragique de l'histoire de l'humanité.

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