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Dissertation sur le roman historique

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Par   •  18 Mars 2021  •  Dissertation  •  3 132 Mots (13 Pages)  •  771 Vues

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« Le roman historique n’est [donc] pas un roman historiciste : la rencontre avec l’histoire n’implique nul ralliement à ses combats, et parfois même comme chez Walter Scott, disqualifie comme donquichottesque l’adhésion à un parti quelconque, ou situe le héros en dehors, au- dessus, au-delà des fanatismes affrontés »  écrit le professeur Michel Crouzet. Le roman historique est une des nombreuses variétés du roman, où l’auteur prend un évènement ou une époque historique en toile de fond, dans laquelle se mêlent personnages historiques et fictifs, tout en restant plus ou moins attaché avec fidélité à la vérité de l’histoire. Selon Crouzet, le roman historique n’est pas historique, c’est-à-dire qu’il ne doit pas se développer dans une démarche historiciste. L’historicisme est une doctrine intellectuelle et philosophique née au XIXème siècle et définie en 1922 par Ernst Troeltsch comme« historicisation fondamentale de toute notre pensée sur l‘homme, la culture, les valeurs ». Cela désigne la méthode de certains historiens qui analysent de manière scientifique les évènements passés afin de comprendre quels sont les faits historiques qui amènent au processus de l’Histoire, c’est-à-dire qu’ils considèrent qu’en comprenant tous les détails du passé il est possible d’identifier le processus déterminé de l’histoire afin de comprendre où va-t-il emmener l’homme ; par exemple le marxisme qui met au cœur de l’histoire la lutte des classes qui aboutira selon lui à un monde sans classe est un historicisme. L’historicisme dans le roman serait donc la volonté pour l’auteur de faire évoluer ses personnages dans un but historique précis qu’il regarde d’un œil anachronique, en étant forcément plus « omniscient » que les personnages de l’époque. Crouzet affirme qu’il est donquichottesque, c’est-à- idéaliste mais extrêmement naïf, pour un auteur d’écrire un roman historique où il adhère à un certain pris de l’histoire. Il prend comme exemple Walter Scott, l’auteur écossais d’Ivanhoé considéré comme le pionnier du roman historique, qui a empreint son roman d’une vision historiciste. Le roman historique ne devrait donc pas prendre de parti pris dans sa restitution de l’histoire, et rester un récit sans avoir la prétention d’écrire l’histoire comme une unique fatalité indifférente des hommes, en les gardant hors des « fanatismes » politiques s’affrontant dans la vision de l’histoire. L’éducation sentimentale est un roman historique publié par Gustave Flaubert en 1869 dans laquelle il met en scène Frédéric Moreau au cœur des évènements de son époque comme la prise des Tuileries de 1848.        
Cependant cette vision du roman historique confine le cadre historique à ne rester qu’une toile figée où évoluent indifféremment les personnages. La question du rôle de l’histoire au sein d’un roman historique se pose donc, comment lier cette discipline mêlant vision politique, questions sociologiques au sein d’un cadre spécifique, à un récit romanesque utilisant la fiction. L’histoire doit-elle guider l’écriture du roman historique ou bien ce genre est-il une façon de s’en affranchir ?

Pour répondre à cette question, nous verrons tout d’abord comment le roman historique est conçu comme un objet devant se garder de tout historicisme qui trahirait le but précis d’un roman, le récit, puis comment l’usage de ce genre spécifique peut se prêter à une vision historiciste servant les intérêts du roman, avant d’analyser la relation profonde liant le roman historique à l’évolution de l’histoire

Tout d’abord, nous allons analyser le roman historique dans sa conception première et expliquer comment de par nature il n’invite pas à une conception historiciste de l’histoire qui peut souvent corrompre la portée et le message du roman historique.

Il faut d’abord comprendre comment naît le roman historique. Le roman historique apparaît sous ses premières formes à la fin du XVIème siècle avec notamment l’œuvre de Madame de La Fayette « La Princesse de Clèves », mais ne bénéficie pas encore d’une aura et d’un succès qui mettent ce genre en lumière. C’est à partir du XIXème siècle que ce genre connaît un essor ; l’histoire est une discipline qui se popularise au cours de ce siècle, certains historiens comme Pierre-Simon de Laplace veulent donner un statut de « science » à l’histoire, on accorde de plus en plus de place à cette discipline, l’Europe étant alors en pleine ébullition, les nations se construisent et les élites veulent accorder une place plus importante à l’histoire qui est pour beaucoup l’un des ciments de la nation. Walter Scott, un auteur et historien écossais se renseigne alors, avec peu de sources néanmoins, sur l’époque médiévale de son pays et écrit Ivanhoé qui connaît tout de suite un grand succès et est suivi par Le Monastère, L’abbé etc… Les écrivains de toute l’Europe (Pouchkine, Hugo, Mérimée, Manzoni…) se penchent sur ces œuvres et naît durant le siècle une passion pour le roman historique. Les romans de Walter Scott ont pour vocation de le faire sortir de son rôle d’écrivain régionaliste et il veut créer une œuvre en dehors de ses thèmes habituels : il crée pour cela un univers plus vague et s’éloigne des connaissances précises qu’il avait des siècles plus proches de lui. Mais les critiques lui reprochent un parti pris trop visible dans l’histoire et la présence de clichés métaphoriques représentant ses idéaux politiques, comme le mariage à la fin du roman scellant l’ « union » du peuple britannique.

En effet, la question de l’anachronisme de l’historicisme se pose donc dès la naissance de ce genre littéraire, car le genre du roman historique naît d’un auteur mettant en scène ses personnages à travers le filtre anachronique de l’historicisme.  L’anachronisme est une confusion de dates entre deux époques, un mélange impossible d’époques. Walter Scott était un auteur très touché par les questions de guerres civiles présentes entre les différents états anglo-saxons et notamment la douloureuse intégration de l’Ecosse au sein de la Grande Bretagne. Il peint donc un décor assez vague et peu précis sur le plan historique, mais la chose qui lui est le plus reprochée est d’avoir « actions, discours et sentiments [qui] sont modernes ». Car en mettant en scène des personnages œuvrant à une « réconciliation » symbolique qu’il désire, il prête à l’histoire un sens unique dont les hommes ne peuvent se détacher et qu’ils doivent accepter. L’historien français Hippolyte Taine reproche précisément ce fait à l’auteur, c’est de ne pas chercher à comprendre précisément les rouages qui animent les personnages de cette époque, mais bien d’y calquer un moule anachronique, qui selon lui ne rend pas compte du côté « atroce et sale » de l’époque qu’il dépeint. On rejoint donc l’appellation « donquichottesque » de l’intitulé, où l’auteur ayant vocation à refaire l’histoire avec sa vision anachronique ne serait qu’un chevalier se battant contre des moulins à vent, un idéaliste très maladroit.

Le roman historique se doit donc d’être neutre face à l’histoire, car autrement il trahit l’époque qu’il décrit. Car la construction d’un cadre fidèle à l’histoire doit se faire d’une façon presque purement objective, afin de rendre plus crédible l’œuvre que nous présente l’auteur. C’est pour cette raison qu’une multitude de romans historiques se basent d’abord sur des personnages fictifs et peu importants dans le déroulement de leur histoire, car les auteurs préfèrent emprunter ce rôle de « témoin » qui sert beaucoup plus le côté romanesque de leurs livres. Le marxiste Georg Lukacs parle d’une « médiocrité du personnage » permettant de représenter un type socio-historique illustrant son époque. Les personnages évoluent et influent sur leur monde, sans pour autant être des figures importantes et cruciales des évènements qu’ils vivent. Cela s’illustre avec le personnage de Frédéric Moreau qui évolue au sein d’un cadre historique mais passe « à côté » de l’histoire durant tout le récit. Si le parti pris d’une vision historique est en premier plan tout au long de la narration, la vision que le roman nous donne est faussée et enlève la portée historique et presque savante de ce type de roman. L’intelligence de ce genre est de laisser l’histoire avec un grand « H » servir le discours du roman et les actions des personnages plutôt que de construire tout un roman servant l’histoire. Ce détachement de l‘histoire est revendiqué par certains auteurs comme Victor Hugo, un des romanciers historiques les plus prolifiques, qui déclare que le sujet de son livre L’homme qui rit est « philosophique, et non historique » ; face à l’historicisme empreint de romantisme présent dans certains de ses précédents ouvrages, l’auteur préfère se détacher de son rôle d’ « historien » proclamé par l’écriture.

Le roman historique naît donc dans une période où le rapport des intellectuels à l’histoire est encore très complexe et l’accès aux sources historiographiques est limité. Ce genre naît avec une dimension historiciste très importante, en naissent donc une foule de débats et de critiques qui dénigrent cette approche ; pourtant le roman historique est un genre qui se caractérise avant tout par le romanesque où l’histoire peut s’affranchir d’une neutralité et d’un réalisme d’historien, car le roman se doit d’imaginer et de créer.

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