Dissertation

rime sa thèse. L’essai est un genre protéiforme. Il peut apparaître sous plusieurs formes telles que les pamphlets ou les lettres. Descartes par exemple utilise le genre de la lettre pour exposer ses idées comme dans Lettre à Chanut. Dans cette lettre, Descartes, essayant de démontrer ce qui nous incite à aimer une personne plutôt qu’une autre, raconte à Chanut son histoire avec une fille louche qu’il aurait quitté pour ce défaut. Il explique ensuite à Chanut qu’après cela, il se rend compte que toutes les femmes dont il tombé amoureux étaient louches. Loucher est cependant un défaut. Descartes expose ensuite à Chanut sa théorie selon laquelle il y a tours une raison à la naissance d’une passion ; et dès que l’on a trouvé la raison, la passion amoureuse devient raisonnée. La Rochefoucaud exprime ses pensées dans ses Maximes. Une maxime est une pensée ou une formule énoncant un principe moral, une règle de vie ou de comportement. Dans le cas de La Rochefoucaud, les Maximes se traduisent plutôt comme une pensée ou un jugement d’ordre général. Pascal lui utilise des Pensées qui sont une écriture fragmentaire à visée gnomique. Dans ses Pensées, plus particulièrement sa pensée 392, Pascal cherche à comprendre, comme Descartes, les causes de la passion amoureuse. Mais Pascal pense que celle-ci naît d’un « je ne sais quoi ». Tous ces auteurs ont pourtant la même vision globale de la passion : la passion est obscure, elle aveugle l’homme et le soumet à une tyrannie, puis le conduit à une souffrance physique. L’essai est aussi un genre littéraire qui s’adapte à la pensée d’un auteur. L’auteur choisit dans quel genre littéraire il souhaite écrire car chaque écrivain n’a pas forcément des talent de fabuliste ou vice versa. Par exemple Epicure dans sa Maxime 51 écrit sa pensée sur la raison et dans laquelle il la condamne. L’efficacité de l’argumentation directe réside dans le fait que cette argumentation est claire et précise. La thèse est proposée explicitement avec cohérence et elle est illustrée. Descartes dans Lettre à Chanut expose sa théorie en se fondant sur des faits précis. Ainsi quand Descartes nous dit quand une passion amoureuse naît en nous pour une personne, c’est qu’il y a une inclination qui nous porte vers elle. L’écrivain cherche aussi l’exhaustivité dans son propos et présente alors le sujet traité sous la perspective la plus large possible. Ainsi Descartes dans son Traité des Passion de l’âme embrasse en 212 articles l’idée de passion, distinguant en les dénombrant les passions fondamentales qui animent l’homme, analysant leurs mécanisme et enseignant comment les contrôler pour en faire le meilleur usage. L’argumentation directe réside aussi dans le fait que l’auteur par plusieurs procédés littéraire arrive à encourager le lecteur à suivre son opinion sur sa thèse défendue. Par exemple, dans la Maxime 51 d’Epicure, par l’emploi de pronoms personnels, Epicure implique donc le lecteur dans la thèse qu’il défend et incite le lecteur à suivre l’opinion de l’écrivain. Ou encore par le biais de questions rhétoriques qui implique le lecteur en sait déjà la réponse. Ainsi l’argumentation directe fondée sur le raisonnement devrait être privilégiée pour aborder la question de l’homme, défendre une thèse et emporter l’adhésion d’un lecteur convaincu.

Nombreux sont pourtant les écrivains qui préfèrent à la voie d’argumentation directe, celle de l’argumentation indirecte, usant de la fiction pour suggérer une prise de position implicite. Le genre le plus adapté à l’argumentation indirecte est l’apologue ; petit récit d’un fait vrai ou fabuleux, dans lequel on a pour but de présenter d’une manière indirecte une vérité morale et instructive. L’apologue est un genre ancien. Esope dans l’antiquité grecque utilisait déjà la fable pour convaincre ses lecteurs. La Fontaine au XVIIème siècle, montre que la fable est un genre qui a traversé toutes les époques. A travers le Philosophe Scythe, La Fontaine met en scène deux personnages totalement opposés, autant par leurs origines que par leur caractères. Un sage grec, symbole de l’épicurisme, comparé à des dieux, et un philosophe scythe, symbole du stoïcisme, personnage « triste ». Intrigué par ce que le sage fait à son jardin, le philosophe lui demande pourquoi il taille ainsi son jardin. Le sage prodigue alors un conseil au Scythe, qui l’interpréta mal, et qui en plus de répandre la ruine dans son jardin, la répandra aussi dans ceux de ses voisins. Par ce court récit, La Fontaine nous montre de façon implicite en nous faisant comprendre qu’on ne peut pas vivre sans passions et que celles-ci doivent être modérées, raisonnées, à la manière du sage qui enlève le superflu. Cependant l’argumentation indirecte peut être représentée par d’autres genres littéraires tels que le théâtre, la poésie, les romans ou les nouvelles. Par exemple Voltaire a choisi d’utiliser le conte philosophique pour exposer sa thèse. Dans le conte de La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette qui raconte l’histoire de la princesse de Clèves qui tombe éperdument amoureuse du Duc de Nemmours. Après la mort du mari de la princesse à qui elle avait avoué préalablement ses sentiments pour le Duc, celle-ci avoue sans retenue ses sentiments au Duc. Mais ceci n’est qu’en fait un retournement, la princesse confesse ses sentiments à celui qu’elle aime pour mieux le quitter. Elle lui explique qu’elle n’est pas sûre que leur amour survivra s’ils s’unissent, car elle a peur de voir la passion du Duc qui le pousse vers elle déchoir. Par ce récit, et à travers le personnage de la princesse de Clèves, Madame de La Fayette expose sa thèse implicitement.

L’argumentation indirecte cherche d’abord à instruire pour plaire. Les récits ou pièces de théâtres mettent en scène des personnages originaux ce qui détourne du quotidien les lecteurs ou spectateurs de ces œuvres. Le lecteur s’identifie à l’un des personnages et adhère donc plus facilement à la thèse défendue. Comme par exemple dans le pouvoir des fables de Jean de La Fontaine où il nous explique qu’un orateur voulant parler à la tribune dû avoir recourt à la fable pour qu’on l’écoute ou bien encore dans la fable du philosophe Scythe ou Jean de La Fontaine met en scène un sage grec et un philosophe venu de Scythie où les deux hommes parle du sujet de la passion et de la raison. Le sage « ôte le superflu » alors que le philosophe « abattit » le superflu. L’argumentation indirecte pousse les hommes à réfléchir puisque la thèse proposée par l’écrivain est traité de façon implicite. Il y a donc un plaisir intellectuel pour aller chercher le sens d’un texte et la mise en place d’une morale nous fait adhérer à la thèse de l’écrivain. Par exemple dans le philosophe Scythe où Jean de La Fontaine nous fait adhérer à sa thèse qui est la suivante : suivre ses passions si elles sont raisonnées. Enfin les récits touchent un large public en s’adressant à différents niveaux de lecture au plus grand nombre, petits et grands, élite intellectuelle et lectorat populaire. Les fables de La Fontaine sont par exemple volontiers lues aux enfants afin qu’ils soient éduqués, comme l’écrit Bruno Bettelheim dans Psychanalyse des contes de fées , « non par l’intermédiaire de préceptes éthiques abstraits mais par le spectacles des aspects tangibles du bien et du mal », mais sont destinées aussi, comme le voulait le genre à son origine, au-delà de leur portée morale, par leur visée philosophique, politique ou satirique, aux adultes. Ainsi l’argumentation indirecte touche-t-elle facilement la sensibilité du plus grand nombre, capable alors d’impliquer, de persuader et d’emporter l’adhésion. Si pour aborder la question de l’homme, les textes littéraires ont recours avec efficacité soit à l’argumentation directe soit indirecte, il faut néanmoins se demander si l’une des voies ne serait pas plus sûre que l’autre. Bien qu’elle soit claire et précise, l’argumentation directe est peu plaisante à lire. Les œuvres d’argumentation directe ne sont pas des lectures de divertissement. Pour lire un essai il faut se poser des questions sur l’homme, avoir une réflexion intellectuelle et des capacités à faire