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El Youm

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troisième, près de la caisse, c’est Virginie, la patronne. C’est pour ça que le salon s’appelle « Chez Virginie »…

On entend le carillon de la porte d’entrée.

Un vieil homme pousse la porte du salon et va s’asseoir directement sur une chaise sans dire bonjour à personne. Il a 80 ans, porte une canne, marche clopin-clopant et fume la pipe. Son visage est émacié, il est édenté, il a l’air renfrogné, un peu perdu. Il porte une cicatrice sur la joue gauche. Son crâne est dégarni, il porte de longues mèches clairsemées de cheveux filasses.

Nora quitte un instant sa cliente et se précipite vers lui.

NORA – Hep, hep, hep, jeune homme ! On prend un ticket, c’est comme à la Sécu !

Le vieux monsieur l’ignore.

NORA (montrant un peignoir) – Eh ben alors !… Venez, je vais vous donner un peignoir.

Le vieux monsieur lui jette un regard stupéfait dans le miroir.

NORA (à Rym) – C’est toi qui a noté le rendez-vous du monsieur?

RYM – Il a pas rendez-vous, je t’explique…

NORA – Excusez-moi, monsieur, vous désirez un rendez-vous ?

Le vieux monsieur continue à regarder à droite et à gauche d’un air surpris. Il jette un regard insistant à Rym, comme s’il appelait au secours. Il va pour ouvrir la bouche.

LE VIEUX MONSIEUR – Mmm…

RYM – Ne faites pas attention, monsieur. Elle est nouvelle…

NORA (passant la main devant la tête du vieillard) – You-ouh ! Y’a quelqu’un ?

Le vieil homme secoue la tête, bouche bée. Il est un peu gêné.

Rym se penche vers lui.

RYM – Ça va, monsieur ?

LE VIEUX MONSIEUR (lui prenant doucement le poignet) – Hum, hum.

Le vieux monsieur se lève et quitte le salon en silence.

On entend le carillon de la porte.

VIRGINIE – Eh ben dis donc, il est pas en forme, aujourd’hui !

RYM (à Nora) – T’as pas assuré !…

NORA – Mais de quoi, qu’est-ce qui se passe ! C’est qui ce papy ?

RYM – Je sais pas trop. D’après Virginie, ça fait des années qu’il vient tous les jours à la même heure. Il s’assoit dans son coin avec sa pipe éteinte et il ne fait rien, à part regarder sa montre…

NORA – Et il reste longtemps ?

RYM – Une heure ou deux, ça dépend.

NORA – Mais comment ça s’fait ? C’est bizarre, quand même !

RYM – On n’en sait pas plus.

SCÈNE 2

Le lendemain, même heure, toujours dans le salon de coiffure Chez Virginie…

RYM – Qu’est-ce que t’as à regarder ta montre depuis ce matin ?

NORA – T’as déconné, hier ! C’était des conneries, ton grand-père…

RYM – Mais non, t’es trop impatiente… T’en es tombée amoureuse ou quoi ?

NORA (agacée) – N’importe quoi… C’est juste que ça m’intrigue…

On entend le carillon de la porte. Le vieux monsieur fait son entrée.

NORA (tout bas) – Quand on parle du loup… (Haussant la voix) Ben, vous avez pas votre pipe, aujourd’hui ?

Le vieux monsieur l’ignore. Il s’avance vers Virginie et lui murmure quelques mots à l’oreille. Virginie écarquille les yeux et hèle Nora.

VIRGINIE – Nora ! Tu t’occupes de Monsieur.

NORA (en riant, à Rym) – Je croyais qu’il ne se faisait pas couper les cheveux…

Elle se tourne vers le vieillard.

NORA – Vous venez vous installer, monsieur, je vous fais un petit shampooing ?

Elle lui passe un peignoir et le shampouine en silence. Il ferme les yeux.

Puis il va s’installer sur son siège devant le miroir.

NORA (d’une voix familière, lui passant la main dans les cheveux) – Depuis quand ils ont pas été coupés ?

LE VIEUX MONSIEUR (soupirant) – Si vous saviez…

Un silence.

NORA – Mais il parle !

LE VIEUX MONSIEUR – Si tu… Si vous saviez depuis combien de temps je vous attendais…

NORA – Quoi ?

LE VIEUX MONSIEUR – Si vous saviez depuis combien de temps j’attends ce moment…

NORA – Ah, de vous couper les cheveux !

Nora l’encourage à continuer du regard mais le vieil homme garde le silence jusqu’à la fin de la coupe.

Le vieux se lève. Nora lui passe la brosse et le miroir.

NORA – Alors, qu’en pensez-vous ?

LE VIEUX MONSIEUR (avec un sourire) – C’est très bien, merci.

NORA – Un vrai jeune homme. Il est mimi comme ça !

Le vieux va payer à la caisse et laisse un billet de cinq euros à Nora.

LE VIEUX MONSIEUR (avec un large sourire) – Pour vous.

Nora prend le billet.

NORA – Merci !

Au moment de mettre le billet dans sa poche, elle découvre un mot écrit sur un vieux bout de papier jauni. Elle lit le texte à mi-voix.

| |

|Mon amour, depuis la dernière fois où je t’ai vue, je n’ai de cœur qu’à penser à tes yeux|

|si beaux, tes cheveux si doux et à ta peau que la seule vision me donne envie |

|d’embrasser. Si les sentiments que j’ai pour toi sont ne serait-ce qu’un peu partagés, |

|donne-moi une chance de te séduire en me rejoignant demain 17 octobre au bar le Sévigné, |

|123 rue de la République… |

Nora relève la tête. Surprise ! Le vieil homme est toujours là. Il la regarde d’un air attendri.

NORA – 123 rue de la République, mais c’est ici !

LE VIEUX MONSIEUR – C’est ici que j’avais rendez-vous.

NORA – Qu’est-ce que c’est que cette histoire !

Le vieux monsieur lui adresse un petit sourire et quitte le salon.

On entend le carillon de la porte.

NORA – Attendez-moi, j’ai ma pause. J’arrive tout de suite…

On entend le carillon de la porte.

Nora rattrape le vieil homme dans la rue.

NORA – Eh, monsieur ! Attendez-moi…

SCÈNE 3

Nora et le vieux monsieur sont attablés dans un café. Un journal est déplié sur la table. Nora boit un Perrier, le vieil homme finit son café.

NORA – Et vous n’avez pas pu la voir parce que vous étiez à une manif ?

LE VIEUX MONSIEUR – Ce n’était pas une manif comme une autre, le 17 octobre, c’était bien plus que ça. Il fallait que nos enfants vivent dans un monde meilleur, je ne pouvais pas ne pas y aller…

NORA – Attendez, j’ai capté ! Vous parlez de la fameuse manif pendant la guerre d’Algérie, quand les flics ont balancé des tas d’Arabes dans la Seine…

Court silence. Le vieil homme baisse la tête en reniflant.

LE VIEUX – Excusez-moi… L’émotion est trop forte. Tout ce sang, tous ces gens assassinés de sang-froid, c’était si terrible. Et puis… vous lui ressemblez tellement…

NORA – Mais qu’est-ce qui s’est passé exactement ?

Le vieil homme se mouche. Nora le regarde en silence.

LE VIEUX – Je lui avais donné rendez-vous au Sévigné dans la soirée. A cause des événements, je suis arrivé

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