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Gnose Et Manichéisme

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e Jésus comporte une dimension exotérique et un contenu ésotérique seulement connu des valentiniens eux-mêmes. Par le nom de Jésus, on peut passer en revue la démiurgie valentinienne (I, 14, 7), mais aussi la sotériologie avec la venue du Sauveur, ou l’organisation du panthéon valentinien au centre duquel se trouverait pour Marc le nom insigne, les six lettres qui forment le nom de Jésus, et les 24 lettres qui composent son nom ésotérique (14, 9 – 15, 3), alors que le Nom entier de l’Abîme comporte trente lettres. On arrive ainsi très

Annuaire EPHE, Sciences religieuses, t. 117 (2008-2009)

Résumés des conférences

vite aux pratiques des théurges qui utilisent la puissance créatrice des sons vocaliques pour influer sur les dieux (cf. PGM XIII). Au détour de la description du processus démiurgique à partir des sept voyelles, nous nous sommes arrêté sur les mentions irénéennes de « l’Enthymèsis de la Mère » qui renvoient à d’autres passages de la présentation de la passion et de la chute de Sophia dans la Grande Notice sur les valentiniens disciples de Ptolémée (I, 2, 2 ; 3, 4 ; 5, 3 ; 7, 1-5 ; 8, 4), en particulier 4, 1 : « Lorsque l’Enthymèsis de la Sagesse d’en haut – Enthymèsis qu’ils appellent aussi “Achamoth” – eut été séparée du Plérôme, avec la passion qui lui était inhérente, elle bouillonna, disent-ils, dans les lieux de l’ombre et du vide… ». Cette figure pittoresque d’Achamoth intervient plusieurs fois dans le mythe valentinien du salut décrit par Irénée. Or, Einar Thomassen la prend pour un développement secondaire de l’école valentinienne (The Spiritual Seed, Leyde, Brill, 2006, p. 313 par ex.). Nous pensons, au contraire, qu’il s’agit d’un des aspects de la figure de Sophia, puisque l’interprétation de son nom illustre la signification profonde du mythe valentinien de Sophia. En effet, par-delà le texte d’Irénée, deux documents valentiniens fournissent une clé d’interprétation pour décrypter le sens de ce terme “Achamoth”. D’une part, La première Apocalypse de Jacques (NHC V, 3) affirme explicitement que la traduction du terme correspond à Sophia (36, 2 ; cf. aussi 35, 3-11 et Codex Tchacos 23, 3-4) ; c’est avouer que le terme d’Achamoth doit d’abord être interprété comme un jeu sur le terme sémitique qui désigne la sagesse, Hochmah, la figure de Sophia au plérôme, à la différence d’Achamoth, la sagesse exclue du plérôme. La désinence en –oth pourrait indiquer un pluriel emphatique, à la manière du terme biblique Behemoth, ainsi que nous l’a indiqué Gérard Roquet, comme si l’on passait d’un singulier dans la plérôme, à la dyade ou à la multiplicité à partir de l’exclusion du plérôme. D’autre part, l’Évangile selon Philippe 39 apporte un élément supplémentaire puisque le terme apparaît sous deux graphies significatives différentes, avec une voyelle différente à l’initiale : Echmoth et Echamoth. La distinction entre ces deux graphies de la sagesse est de plus expliquée dans ce passage ; Echamoth renvoie à l’interprétation traditionnelle « c’est la sagesse tout simplement » (sur la base de la racine sémitique H.C.M.), alors que l’autre terme sans la voyelle intermédiaire correspond à « la sagesse de la mort, celle qui connaît la mort et qu’on appelle la “petite sagesse” ». Les graphies attestés par l’Évangile selon Philippe permettent de supposer, si l’on cherche un original sémitique à ce terme, un ancien a ou un ancien i. Et l’on peut effectivement jouer à partir de l’araméen sur une autre racine proche du terme sagesse, avec les trois lettres ain-qof-mem, ‘.Q.M., ce qui donne Haqmumit, ce qui est courbe, d’où au sens figuré la fourberie, l’orgueil et l’arrogance (cp. précisément l’audace de Sophia décrite dans le Contre les hérésies I, 2, 1), et aussi Hiqmuta, la perversité, l’insincérité ; dans ce cas, la finale en – muta n’indique pas un pluriel mais tout simplement la finale d’un terme féminin. Un sondage dans les textes syriaques confirme cette proposition d’interprétation. En conclusion, Achamoth est bien une des figures de Sophia dans les textes valentiniens ; au plérôme il s’agit

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Jean-Daniel Dubois

de la sagesse, à l’extérieur du plérôme, il faut jouer sur une racine trilittère proche pour désigner la sagesse arrogante, perverse. Et il n’est pas exclu que l’expression « sagesse de la mort » s’explique aussi sur un jeu à partir de muth, la mort. En résumé, la Sophia Achamoth des valentiniens correspond à la figure que la notice sur « les gnostiques » d’Irénée (I, 29, 4) qualifie de Prounikos, la lascive. Et l’on aurait tort de postuler un développement historique et littéraire de la figure de Sophia sur la base du simple terme Achamoth. Il s’agit d’une qualification de la figure de la sagesse en fonction de ce que le mythe rapporte sur l’audace de Sophia. Dans les derniers paragraphes de la notice sur Marc (15, 1 – 16, 2), on remarquera aussi en 15, 3 l’importance de l’exégèse proposée de Luc 1, 35 pour l’interprétation de l’ensemble des sources valentiniennes. En effet, une comparaison des Extraits de Théodote 60, du célèbre passage de l’Elenchos VI, 35, 3-4 sur la distinction entre les deux écoles (orientale et occidentale) du valentinisme et du Contre les hérésies I, 7, 2 d’Irénée ne permet pas de soutenir la distinction, trop souvent admise comme ayant une réalité historique, entre deux sortes d’écoles dans le valentinisme. Pour conclure sur toutes les démonstrations arithmologiques offertes par la notice sur Marc, on constatera que l’ensemble des chapitres 14-16 concentrent ici leur intérêt sur l’énonciation du Nom divin, à la manière des spéculations juives sur le tétragramme, un nom inexprimable des 30 lettres, réparties en 4 syllabes. Jésus est bien distinct du Christ ou du Sauveur comme ailleurs dans les sources directes du valentinisme et non pas celles des hérésiologues ou de leurs lointains descendants aujourd’hui encore. L’ensemble des spéculations sur le nom de Jésus et des lettres qui le composent manifestent que, pour les valentiniens, le nom de Jésus fonctionne comme un énoncé barbare, car c’est un nom qu’il faut savoir prononcer, si on connaît les noms des anges et les quatre syllabes du Nom inexprimable. Par ailleurs, le 22 janvier 2008, Claudine Besset-Lamoine a présenté un exposé sur le traité de Zosime sur La lettre Oméga. Et lors de la séance du 29 janvier, le Prof. Tatiana Aleknienè, de l’Université de Vilnius, nous a fait l’honneur de venir nous présenter ses recherches sur le sens du terme haplôsis dans le Traité 9 de Plotin, sur l’Un ou sur le Bien. En comparant les diverses traductions proposées de ce terme, elle a cherché à s’écarter de la traduction habituelle de « simplicité » pour montrer en quoi ce terme résume toute une attitude confiante d’ouverture à la divinité, à partir de l’ensemble de l’œuvre de Plotin et de quelques auteurs de l’Antiquité, avant et après Plotin. Au cours de l’année 2008-2009, nous avons aussi repris la lecture commentée du texte valentinien copte du Traité Tripartite (de la page 120 à 123, 15), si importante pour une bonne compréhension de la sotériologie valentinienne, en particulier dans la façon de faire coexister, sur terre, psychiques et pneumatiques. I.2. Recherches en cours sur les énoncés barbares La fréquentation des méthodes de Marc le mage nous a conduit, au deuxième semestre 2007-2008, à faire l’analyse de quelques pages du Livre magique de

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Marie et des Apôtres (P. Heidelberg, Inv. Kopt. 685), éd. M. Meyer, Heidelberg, 1996, ainsi que des chapitres 5-6 du premier Livre de Jéou dans le Codex Bruce. Le 15 avril, Adrien Lecerf a présenté avec grande compétence les chapitres du De mysteriis de Jamblique sur les noms barbares. Lors de la séance du 3 juin 2008, notre collègue Gérard Roquet, directeur d’études à l’EPHE, a eu l’obligeance de nous initier à « La fonction incantatoire du langage », en prélude à son intervention lors du colloque au Collège de France “Énoncés barbares II”, le 18 juin. On lui saura gré d’avoir rappelé l’interprétation du terme très courant BAINXÔÔX, « l’entité obscure » (ba’nkkô) qu’il faut habituellement solliciter dans les domaines de la magie. En 2008-2009, les recherches sur les énoncés barbares ont repris, toujours sur les premières pages du premier Livre de Jéou (1-4). Il en ressort que toute la connaissance que recèle ce traité peut être présentée sous forme d’un septénaire, analogue à une nouvelle création et comparable au septénaire du premier chapitre de la Genèse ; il comporte les mystères cachés, l’entrée dans le repos, la venue du Sauveur, la connaissance du Jésus vivant, l’éon de lumière, l’accomplissement du Plérôme, l’enseignement de Jésus à ses apôtres. On remarquera donc que cette gnose est fondamentalement chrétienne, avec des références bibliques possibles ; elle est fondée sur des paroles énigmatiques de Jésus et manifeste une orientation philosophique dans sa façon d’envisager la transcendance. À propos de la gnose valentinienne, il nous a été donné de commenter aussi certaines formules du rituel baptismal valentinien de la rédemption telles qu’elles sont attestées par la réfutation d’Irénée, Contre les hérésies

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