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Illusion Comique, Pierre Corneille, Acte III, scène 9 (vers 911-950)

Commentaire de texte : Illusion Comique, Pierre Corneille, Acte III, scène 9 (vers 911-950). Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  14 Février 2017  •  Commentaire de texte  •  1 750 Mots (7 Pages)  •  4 916 Vues

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Illusion Comique, de Pierre Corneille, acte III, scène 9 (vers 911-950).

Consigne: Analysez cette scène en dégageant les rapports de force qui s'y dessinent entre les deux personnages et, à travers eux, entre deux conceptions du langage et du monde.

L’Illusion Comique est une pièce de théâtre qui prend le théâtre pour sujet. Son action est éclatée sur trois niveaux différents qui s’imbriquent les uns aux autres dans un mélange de genres (pastorale, comédie, tragi-comédie et tragédie). Ce passage de l’acte III, scène 9, se situe dans le deuxième des trois niveaux qui structurent la pièce. Ce deuxième niveau, qui représente une pièce dans la pièce, est rendu possible par les pouvoirs extraordinaires d’un magicien. Celui-ci, s'érigeant en dramaturge, fait surgir du fond de la grotte où il vit "des spectres" ayant l’apparence d’êtres humains. Ainsi, il fait ressusciter comme par évocation magique le passé de Clindor, un jeune homme qui interprète sa vie passée sous les yeux de son père et du magicien, positionnés sur un côté de la scène. Le père, inquiet du sort de son fils qui avait disparu, assiste dès l’acte II à la représentation des aventures de Clindor entré au service du capitaine Matamore. Dans ce passage, Matamore et Clindor sont en rivalité au sujet d’Isabelle dont ils sont tous deux amoureux. En effet, le valet trahit son maître en courtisant Isabelle qui l’aime en retour et cela sous le regard de ce dernier, qui, dissimulé, voit la scène à l’insu des amoureux (acte III, scène 8).

Dans cette analyse, nous allons voir comment le rapport de force entre Matamore et Clindor évolue au point d’opérer dans cette scène, en deux phases distinctes, un renversement total. Dans ce passage où s’affrontent deux conceptions du langage et du monde, le personnage de Clindor se transforme pour prendre, au fur à mesure, la place de son maître. L’enjeu de ce passage est de faire du jeune homme le véritable personnage principal de cette pièce. Clindor devient dès lors le protagoniste de diverses aventures qui le préparent à son futur métier de comédien. La pièce se termine par une mise en abîme où finalement Clindor joue lui aussi le rôle d’un capitaine (acte V), mais en interprétant un mari adultère dans une sanglante tragédie (troisième niveau de la pièce).

Juste avant de rentrer sur scène, Matamore se cache. Il est terrorisé à l’idée de rencontrer les valets du père d’Isabelle qui le menacent car ce dernier ne l’a pas accepté comme prétendant. Matamore surprend alors son valet Clindor et Isabelle et se met à les écouter en pensant que le valet ferait l’éloge de son maître auprès de la jeune fille. D’emblée, la présence indiscrète de Matamore dans la position d’un capitaine vil et craintif donne un ton comique au personnage placé en situation ridicule d’espion de ce duo d’amoureux. Finalement, lorsque désillusionné dans ses attentes, il interrompt leur conversation, en s’exclamant: "C’est trop souffrir, il est temps de parler" (acte III, scène 8, v. 908), de même lorsqu’il répète le verbe parler quelques vers plus loin, où, en s’adressant à Clindor, il ajoute: "Viens ça, tu sais ton crime, et qu’à l’objet que j’aime, Loin de parler pour moi, tu parlais pour toi-même." (v. 913-4) ces éléments soulignent que Matamore reste l’homme des mots et qu’il est décidé à parler et non à agir. Dès lors, les deux prétendants d’Isabelle se retrouvent seuls dans un rapport de force qui ne sera au final qu’un duel verbal dans toute la première partie de la scène. En effet, Clindor ne craint rien de ce guerrier qui se complait dans le récit de faux exploits et qui fuit dès que la menace se fait réelle. Il connaît bien son maître, aussi, même l’interjection de ce dernier qui s’écrie: "Ah, traître" (v. 911) dès l’ouverture de cette scène, n’a aucun poids. Matamore s’est d’ailleurs déjà adressé à lui en le traitant de la sorte dès leur première rencontre sur scène (acte II, scène 2, v. 231). Leur relation reproduit tout simplement le couple du fanfaron et du valet parasite dans le schéma traditionnel de la commedia dell’arte. Clindor coupe donc court à la menace de son maître et banalise son intervention en le ramenant à la réalité: "Parlez bas: ces valets… Ils fondront tout à l’heure sur vous et sur moi"(v. 911-2). Ses mots anticipent d’ailleurs ce qui se passe dans la dernière scène de cet acte (scène 11). En effet, les aventures amoureuses de Clindor culminent dans le combat, cette fois réel, contre son deuxième rival Adraste dont les menaces contrastent avec celles de Matamore. En effet, celui-ci s’écrie dès son irruption sur scène: "Ce baiser va te coûter la vie, Suborneur !" (acte III, scène 11, vv. 966-7) laissant présager le pire.

Matamore cherche à passer pour un héros guerrier alors qu’il n’est qu’un fanfaron qui se glorifie d’exploits jamais accomplis. Mais pour la première fois, Clindor n'entre pas dans son jeu. Il ose même lui répondre effrontément: "Oui, j’ai pris votre place et vous ai mis dehors." (v. 915). Alors que dans les scènes antérieures Clindor avait toujours été complaisant, relançant son maître dans ses prétendues prouesses guerrières et amoureuses, ici, la position hiérarchique valet-maître commence à s’inverser. Matamore menace Clindor des pires morts en se présentant comme le dieu de la guerre, le maître des éléments de l'univers, capable de les utiliser pour anéantir à tout jamais son rival. Dans un flot de paroles, il se laisse aller à une énumération exagérée en donnant à Clindor le choix de quatre différentes morts. Il lui promet d'abord qu’il va "d’un coup de poing [le] briser comme du verre" (v. 917), puis lui donne d’autres options tout aussi fantasmagoriques. Il prétend le soumettre à sa volonté en utilisant pêle-mêle les quatre éléments de la nature: "t’enfoncer tout vif au centre de la terre" (v. 918), "ou te jeter si haut au dessus des éclairs que tu sois dévoré des feux élémentaires" (vv. 920-1), et plus loin lorsque Clindor se fait impudent il ajoute "Je m’en vais commander aux mers de t’engloutir" (v. 915). Un monde fantastique se dégage de ce passage comme pour souligner que Matamore posséderait une force titanesque capable d’un combat digne des dieux de l'Antiquité. Toutefois, il n'a pas l'air dangereux et à ses différentes

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