L'Ingenu

la profession des protestants montre qu’il tient compte des éléments de réponse qui lui sont fournis au fur et à mesure. Les connecteurs logiques « car », « donc », « mais », qui émaillent son discours, montrent que son raisonnement est sans faille quant au sujet de l’exil. Son absence de préjugés, alliée à un solide bon sens, lui fait pointer de manière judicieuse le problème crucial du pouvoir papal et du pouvoir du roi. Toutes les questions de l’Ingénu démontrent ainsi au lecteur combien est absurde une politique anti-protestante guidée par la volonté de plaire au pape, au détriment des intérêts politique et économique du royaume.

Enfin, après avoir convaincu par des voies argumentées et objectives, Voltaire s’adresse aux sentiments du lecteur par le biais de rapides évocations susceptibles de frapper l’imagination. Le malheur des protestants est exposé par un personnage porte-parole désigné par la périphrase « un petit homme noir » (l.23). Le narrateur laisse la responsabilité au pasteur protestant, simplement caractérisé par son costume sombre, d’exposer le malheur des protestants. Celui-ci insiste sur les conséquences humaines de l’exil des protestants en soulignant les réactions affectives des familles : plainte, colère, douleur de s’exiler de son pays. La tonalité est pathétique, comme le montrent le gérondif « en pleurant », les verbes « plaignaient » (l.8) ; « déplora » (l.26) ; « versa des larmes » (l.28) et l’adverbe « amèrement » (l.8). Les chiffres et le rappel des sinistres dragonnades visent à attendrir et à indigner l’Ingénu et le lecteur. L’indignation et la tristesse sont les deux modes caractéristiques de l’engagement du philosophe des Lumières.

Correction d’un axe de commentaire : L’Ingénu (chapitre VIII