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La désertion intérieure

Dissertation : La désertion intérieure. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  28 Avril 2020  •  Dissertation  •  2 994 Mots (12 Pages)  •  428 Vues

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« La face sombre, un roman de l’indifférence et un monde qui ne parle pas, un monde muet ». Cette phrase, dite pas Georges Perec pour définir son œuvre Un homme qui dort, représente également les deux autres œuvres que nous allons étudier. Bartleby de Herman Melville et pour finir Wakefield de Nathaniel Hawthorne. Cette phrase fait écho à la citation de Claudio Magris, avec tous les deux, des aspects sombres : « Le protagoniste d’une scission qui le sépare de la totalité de la vie et le divise aussi à l’intérieur de lui-même ».  

A travers ces citations, nous allons pouvoir nous demander, comment dans les œuvres étudiées, le détachement des protagonistes est-il représenté ?  

Tout d’abord, nous verrons la désertion complète de nos protagonistes, aussi bien intérieure, qu’extérieure. Nous poursuivrons avec le fait que d’un côté, ils ne sont pas si exclus que cela. Et nous finirons avec la dénonciation et ce qu’engendre le détachement de nos protagonistes.  

 

         La désertion touche nos protagonistes et comme le dit Claudio Magris, de façon intérieure mais également extérieure.

Bartleby, pour commencer, est un scribe qui travaille dans l’étude d’un avocat, à Wall Street. La désertion intérieure de Bartleby commence avec sa célèbre phrase « je préférerais ne pas » qui démontre une puissance virtuelle et une part de rébellion envers son patron, son travail mais également la société, ce qui montre que ce dernier est un résistant politique et un précurseur de la désobéissance civile. Il fait dérailler le quotidien de cet avocat, mais derrière cela, il est pris au piège de sa position de repli.  

Volontairement, il dort sur place, il fait parti des meubles, il devient une pâle copie de lui-même. Il joue avec le feu de certains paradoxes, il a investi sa propre aliénation jusqu’au trop plein. Bartleby est un homme sans référence, sans possession, sans propriétés, sans qualités, sans particularités, il est trop lisse pour qu’on puisse lui accrocher une particularité quelconque. Ce dernier dans sa désertion intérieure, se laissera mourir de faim dans une prison, pour pouvoir volontairement quitter ce monde qui n’était fait pour lui.  

Wakefield, notre personnage, du jour au lendemain est parti de chez lui en se faisant passer pour mort, mais en réalité habitait en face de chez sa femme et la regardait pendant vingt ans. Cet homme est pris à son propre jeu diabolique de sa décision d’un instant, et par un mécanisme fatal, prolonge sans cesse son « auto-bannissement ». Son acte, peu se rapprocher de l’absurde, mais pousser par une voix « surnaturelle », car il agit sans comprendre pourquoi, on peut donc penser que Wakefield est fou. Il est pris d’une pulsion irrépressible d’aventure dont il n’a pas conscience, on peut le comparer à Ulysse qui, passé dans une pièce attenante à sa propre demeure, observe Pénélope à travers un miroir. Comme Bartleby, Wakefield n’est personne à l’échelle de la communauté, il n’est presque personne à l’échelle de son foyer, mais il désire quand même être encore moins. Il déborde du vide qui remplit nos illusions de normes sociales et pour s’en dégager, il fait un pas de côté et s’ouvre un angle différent sur son existence. Il fait un peu à côté de sa non-existence, à une rue de chez lui. C’était un rêveur paresseux sans aucun doute, ses pensées n’avaient pas l’énergie de s’emparer des mots et il n’avait pas d’imagination jusqu’à ce fameux jour ou il a fui la réalité, fui sa femme et sa vie. Il avait un cœur froid mais aussi un égoïsme direct, une vanité, de la ruse et de l’étrangeté, tout ses caractéristiques se retrouvent dans son acte final et sont les débuts de sa propre scission qui le sépare de la vie. Il va développer une vanité morbide, en ce demandant comment sa femme vie sans lui, en pensant qu’il est mort, on se rend compte que l’éloignement de chez lui était prémédité et que sa folie est présente.

Pour Un homme qui dort, on ne connait pas le prénom du protagoniste, mais seulement que c’est un étudiant, qui abandonne ses études. Ce sujet ne participe plus, du moment ou il refuse de se lever pour passer un examen, c’est là que tout commence, qu’il se détache et devient différent. Il n’habite plus « l’impression d’adhérer, de baigner dans le monde, se met à te faire défaut ». Georges Perec écrit ce texte à la deuxième personne du singulier, mais le titre à la troisième, certainement pour jouer avec le lecteur et le surprendre lors de sa lecture. Le fait que ce récit soit écrit à la seconde personne du singulier, fait surgir immédiatement des questionnements, qui parle à qui ? on pourrait d’abord imaginer qu’un personnage s’adresse à lui-même en se mettant à distance : cette adresse comme à un autre est un dédoublement afin de pouvoir se saisir sous le mode d’une extériorité. Sachant que c’est un récit autobiographique « j’ai eu une époque de ma vie tourné vers le vide, celle que je vais essayer de dépeindre dans mon prochain livre », Georges Perec s’adresserait à lui-même dans un monologue « schizophrène ». La deuxième personne du singulier nous montre des caractéristiques de cet étudiant « tout t’es égal », « tu es invisible, limpide, transparent ». Tout comme Bartleby et Wakefield, cet étudiant est invisible, et presque inutile à notre société car personne ne le remarque en étant transparent. Son propre corps est atopisé, les limites vont disparaître jusqu’à se confondre avec les alentours « Il y a deux types de contacts, en principe : celui de ton corps avec les draps, pour ce qui est de ta cuisse gauche, de ton pied droit, de ton avant-bras droit, d’une partie de ton ventre, et qui est fusion, osmose, dilution », jusqu’à sa liquéfaction « tu n’as plus de pieds, plus de mains, ton mollet est complétement liquéfié », tout cela se passe dans son esprit. Et pour finir son corps est totalement pulvérisé « tu fonds, tu coules comme du sable, comme du mercure » et il est réduit en un point « tu n’es plus qu’un grain de sable, recroquevillé, petite chose inconstante, sans muscles, sans os, sans jambes, sans bras, sans cou, pieds et mains confondus ». Cette disparition du corps, qui est extase corporelle, se produit dans le reflet spectaculaire du miroir. On sait que dans sa tête, en se regardant, il s’imagine ne devenir absolument rien, c’est là ; le début de sa division à l’intérieur de lui-même.  

Pour ce qui est de la désertion extérieure de ses personnages, en commençant par Bartleby, ce dernier est très pâle, avec une silhouette livide et nette, pitoyablement respectable, d’un désespoir incurable. Il ne prend pas soin de lui, et ne veut pas prendre soin de lui, on le ressent avec les termes comme désespoir incurable. Notre protagoniste est devenu un zombi-auto bunkerisé. Le lieu, joue beaucoup pour cette désertion extérieure, ici Bartleby est à New-York, dans le quartier de Wall Street. Ce quartier veut dire « la rue des murs », déjà Bartleby est comme coincé dans son propre environnement qu’il a lui-même choisi au milieu des immeubles, des murs. Dans le bureau dans lequel il travail, il est également enfermé par des murs qui délimitent les bureaux, mais aussi du fait que lui vit dedans et dort dans le bureau. Il ne sort pas, il reste coincé dans un lieu qui n’est pas à lui. Et pour finir, ce dernier finira sa vie enfermée en prison. La prison où il y a des murs partout qui ne laissaient passer aucun bruit, ce qui veut donc dire que ce dernier n’avait aucun contact avec l’extérieur même pas le son. Mais aussi des barreaux dans les cellules, ce qui représente aussi l’enfermement. Il va mourir recroquevillé face à un mur, comme une évidence, comme s’il était devenu un des leurs.

Pour ce qui est de Wakefield, il ère dans Londres, qui est la ville du flâneur, comme Thomas De Quincey lors de ses Confessions d’un mangeur d’opium anglais. Thomas de Quincey lui flânait dans la ville de Londres à cause de ses prises d’opium et donc de la drogue qui le rendait « fou » et « malade ». Wakefield, lui, ne prend pas de drogue, mais flâne comme De Quincey, on peut donc penser, qu’il est perdu et commence à développer un syndrome de folie. Il a peur que des gens le reconnaissent dans la rue, mais le narrateur lui rappellera qu’il n’est rien « Pauvre Wakefield ! Comme tu connais peu ta propre insignifiance dans ce monde ». Ce personnage flâne très peu, mais se promène devant son « ancienne » maison pour regarder et y voir les mouvements en ayant toujours peur qu’on le reconnaisse. Dans le récit, on ne lui donne pas de métier, dans le film, on nous dit que c’est un avocat, donc un homme de lois. On nous fait une maigre description physique de lui quelques années après son départ en nous disant qu’il est maigre, avec le front bas et étroit marqué de ride avec des yeux ternes et inquiets. Tout comme les autres protagonistes, il est maigre et fait pitié. Sa démarche est indescriptible et oblique, comme s’il ne voulait pas se montrer au monde d’en face, alors qu’il vit lui-même dans se monde. Il s’est lui-même « banni de l’univers ». Il va vivre et rester presque 20 ans dans un petit appartement sans en sortir, en étant entourés de mur. Dans un homme qui dort, ne connaissant pas le nom du personnage, on ne peut pas le nommer. Ce dernier passera sa vie dans deux lieux, sa chambre et dans la ville. Sa chambre est un lieu étroit, clos et insulaire, séparé du monde. C’est un lieu fixe sans transformation, mais aussi le lieu d’inertie du personnage car il y est tout le temps. « Silencieux et immobile », « Tu ne bouges absolument pas ». Ce lieu est clôturé par des murs, tout comme les deux autres protagonistes, il va s’enfermer jusqu’à la fin. La ville, qui ici est Paris, s’oppose à la chambre, c’est un espace ouvert et multiple, mais illusoire car la ville possède des lieux indistincts, avec des réseaux de rues différents ou le personnage marche sans but ni raison « marche incessante, inlassable » « marche du somnambule », avec le « somnambule », on voit que ce dernier ne contrôle même plus le fait d’errer dans les rues sans fin, sans but qui lui fixerait un sens et un arrêt. La ville possède des zones homogènes et indifférenciées car il est dit que tous les lieux se ressemblent, ça nous montre bien qu’il marche beaucoup donc pour savoir que tout se ressemble, mais qu’il ne compte pas s’arrêter. Aucun lieu, ne va amarrer le personnage et il ne va cesser « d’errer sans fin ».  

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