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Lange 1936

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tique de Roosevelt et constituer un fonds documentaire, il y a une grande différence pour ne pas dire une tension qui va donner lieu à l’expression de deux manières très différentes de faire des images, l’une qui est défendue par Evans, l’autre par Lange. Pour lui, au-delà de la portée politique de la mission de la FSA, il s’agit de défendre une position essentiellement documentaire, pour elle, il importe d’abord d’agir au plus vite pour améliorer le sort des personnes frappées par la crise. Ce qui va les conduire à construire de deux manières très différentes la visibilité de la crise.

Photo de Walker Evans "Buds Field and his Family", 1936

Entre document et reportage

Comme le montre Olivier Lugon dans Le style documentaire (Macula, collection : Le champ de l’image, Paris, 2004), on a tendance à identifier la photographie documentaire avec une forme de reportage social, témoignant de manière directe de la vie des classes les plus défavorisées afin de sensibiliser un public plus favorisé, éloigné et ignorant. Or, une telle définition ne s’est imposée qu’avec et par le travail des photographes de la FSA et tout spécialement celui de Lange. Avant cette époque, la photographie documentaire répondait à une toute autre définition, une définition que n’a cessé de défendre Evans. Pour lui, le propre de la photographie documentaire est d’être une photographie impersonnelle, hostile à la narration, plus tournée vers les choses que vers les hommes et plutôt vers les choses insignifiantes et prosaïques. Ce qui donne lieu à des images nettes, statiques, au cadrage simple, avec des objets centrés et frontalement photographiés, sans marque expressive et sans contenu narratif. Ce style transpose la forme de la photo d’identité – prototype du document – aux objets, aux lieux et aux monuments…C’est particulièrement net en ce qui concerne les images des fermiers de l’Alabama. Les personnes qu’il photographie posent ostensiblement et d’une manière assez raide, chez elles ou devant leur maison et généralement en regardant l’objectif du photographe. La misère de leur condition n’est pas occultée, mais elle s’impose comme malgré les personnes photographiées...

A l’opposé de ce style, Lange va introduire dans l’approche documentaire la narration, les hommes et la personnalisation des images et surtout la dramatisation. Elle va ainsi concourir à donner une nette inflexion au genre documentaire vers le reportage humaniste. Ses images donnent en effet une vision dramatique et émouvante de la condition des fermiers et des déplacés au détriment le plus souvent de la richesse informative. A la différence de Evans, elle se sert d’appareil photo assez légers et dont la mise en œuvre est rapide, elle choisit de photographier des personnes en situation de détresse ou de tension que ce soit au travail, dans l’errance, l’abandon ou le désœuvrement. Et si dans la plupart des cas, les personnes photographiées ne peuvent pas ignorer qu’elles le sont, elles ne regardent généralement pas l’objectif de l’appareil photo et n’adoptent pas de pose photographique, ce qui n’exclut cependant aucune mise en scène implicite ou explicite.

Du document et du reportage à l’œuvre d’art

Le fait est que les images réalisées par Lange ne sont pas, loin s’en faut, considérées comme des documents ou des reportages seulement, auquel cas elles auraient sans doute été oubliées avec la crise dont elles rendaient compte. Elles ont en effet acquis très tôt le statut d’œuvre d’art, ce qui a justifié qu’on les expose au Museum of Modern Art de New-York, exposition qui en retour consacre ce statut. Toutefois, cette élection est loin d’aller de soi : elle ne correspond pas à l’intention initiale de Lange, elle était exclue par Stryker, le chef de la section historique de la FSA et donc l’employeur de Lange, qui éliminait en perforant les négatifs toutes les images qui lui semblaient verser dans l’art au détriment de l’information objective, elle ne correspond pas non plus à leur vocation informative, qu’on la considère comme documentaire ou journalistique. Alors que tout semble s’y opposer, comment se fait-il que ses images aient acquis ce statut ?...

… En ce qui concerne Lange, la réponse à la question de savoir comment elle a pu faire de l’art malgré elle, tient précisément à l’infléchissement qu’elle a fait subir à la photographie documentaire. Il n’y a pas chez elle, à la différence de ce qui se passe avec les images de Evans, de tension entre art et utilité, entre approche artistique et approche documentaire parce qu’elle a investi la posture documentaire qu’elle revendique de la fonction non pas de documenter, mais de réaliser des reportages engagés producteurs d’évènements. En d’autres termes, de l’image utile à l’image artistique, il n’y a qu’un pas parce qu’elle a eu recours à une esthétique dotée d’un fort impact émotionnel. C’est parce qu’elle a d’emblée sacrifié les principes propres à la photographie documentaire défendus par Evans (froideur, impersonnalité, restitution riche) au nom de l’expressivité et de l’impact émotionnel que ses images ont pu presque malgré elles revendiquer le statut d’œuvre d’art.

C’est en tout cas parfaitement évident

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