Peut-on penser par soi-même ?

par nous-même car nous sommes des Dasein, des êtres libres, dotés de responsabilité et prenant nos propres décisions.

En fait, le monde dans lequel nous vivons nous empêche d'actualiser cette capacité. Le Dasein a déchu. C'est à dire qu'en réalité je laisse les autres penser pour moi-même (parallèle avec le « mineur » de KANT) et que je suis sous leur emprise. Cette présence neutre mais écrasante des autres autour de moi, HEIDEGGER l'appelle « la dictature du on ». Partout, sans que l'on s'en aperçoive, le «je» devient «on». Nous devenons inauthentiques. Nous nous amusons comme on s'amuse, nous réfléchissons comme on réfléchit et nous indignons comme on s'indigne. Le «on» permet en outre de déposer le fardeau de la liberté (parallèle avec le «salaud» de SARTRE) et il répond à la tendance du moindre effort que nous avons tous en nous plutôt que d'assumer notre liberté.

=> HEIDEGGER prouve donc que l'homme a abandonné sa liberté originelle pour sombrer dans la « dictature du on » et ne pense donc plus par lui-même.

III. Dépasser l'Aliénation

Argument = Nous avons beau avoir abandonné notre liberté, nous pouvons – et devons – la reconquérir.

HEIDEGGER, Être et Temps, « es ruft » (ça appelle), l'angoisse, la mort. KANT Qu'est ce que les Lumières ? Le « mineur », «l'Aufklarung», «Sapere aude»

Vivre sous une telle tyrannie n'est pas naturel. La preuve, «es ruft» : ça appelle. Ce sont les appels de la liberté. Ça m'appelle contre moi-même à être moi-même. Il est toutefois possible de s'extirper de la dictature du on, et ce, par deux manières :

L'angoisse : La peur est peur de quelque chose, l'angoisse est angoisse devant rien. Il faut interpréter ce rien. Dans l'angoisse, l'être intra-mondain s'effondre; je me retrouve isolé, sans aucun repères familiers. Je suis ramené à mon être-au-monde pur et nu. J'échappe au on et je me rend compte que je suis immensément libre. Vient alors l'heure du choix : vais-je fuir la confrontation et retourner au confort d'une vie dictée par le on, ou vais-je accepter de prendre mon destin en main, avec toutes les responsabilités que cela comporte ? L'angoisse est le tournant de la liberté. C'est en refusant de se tranquilliser à propos de tout que l'on découvre la liberté.

La mort : La mort dévoile l'existence et notre moi véritable. C'est connu, face à la mort, les hommes révèlent leur vrai visage. Facing death, nous nous mettons en marche au lieu de nous figer, et ainsi mourir avant que d'être mort. Savoir que tout peut finir nous donne des raisons de commencer. L'espace d'un instant, la mort nous fait éprouver une liberté passionnée, débarrassée des illusions du on. Après avoir expérimenté la mort, nous ne vivons plus pareil.

=> HEIDEGGER démontre donc que, même une fois pris au piège dans la dictature du on, j'ai encore deux échappatoires : l'angoisse et la mort. La pensée autonome est donc atteignable.

La minorité est définie par KANT comme l'incapacité de se servir de son entendement sans la direction d'autrui. Le mineur refuse l'émancipation et lui préfère une soumission paresseuse et lâche envers ceux qui se posent comme tuteurs (élites qui gardent sciemment les mineurs dans l'ignorance pour conserver leur position de domination). L'Aufklarung, c'est l'affranchissement de la raison, sa désalienation. Il s'agit de s'arracher des préjugés, de fuir comme la peste le prêt-à-penser [fast-food opinion], et de se défaire des tutelles extérieures. La raison doit reconquérir de haute lutte ce qui est après tout son privilège, ce qui fait de l'homme un animal unique pour ARISTOTE, la seule vérité indubitable pour DESCARTES : la pensée ! « Sapere aude ! », clame KANT, le héraut du mouvement des Lumières, « Osez-vous servir de votre entendement ! ». Le retour à la pensée par soi-même est donc un acte de courage, une lutte («L'art de vivre ressemble plutôt à la lutte qu'à la danse.» - Marc Aurèle). L'essor de l'instruction avec la publication de l'Encyclopédie (1751) est donc un acte de guerre (contre l'obscurantisme et le dogmatisme), les philosophes

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