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Philosophie

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ait seulement un mot plus dur pour désigner la même chose. — Aristote (selon Diogène Laërce, V, 28) regroupait la rhétorique et la dialectique dont l’objectif est la persuasion, τό πιςαυόυ ; puis l’analytique et la philosophie dont la finalité est la vérité. — Διαλεκτική δέ έστι τέχυη λόγωυ, δι’ής άυασκευάζομέυ τι ή κατασκευάζομευ έξ έρωτήσεως καί άποκρίσεως τωυ προσδιαλεγομένων (la dialectique est un art du discours au moyen duquel nous réfutons quelque chose ou l’affirmons avec des preuves, et cela au moyen des questions et des réponses des discutants). Diogène Laërce, III, 48 (Vie de Platon). — Aristote distingue certes 1) la logique ou analytique en tant que théorie ou méthode pour arriver aux conclusions exactes, dites conclusions apodictiques ; 2) la dialectique ou méthode pour arriver aux conclusions considérées comme exactes et adoptées comme telles – έυδοξα, probabilia (Topiques 1, chap. 1 et 12), sans qu’il ait été démontré qu’elles soient fausses, mais pas non plus qu’elles soient vraies (en soi et pour soi) ; car ce n’est pas cela qui importe. Or qu’est-ce d’autre que l’art d’avoir toujours raison, que l’on ait au fond raison ou non ? Donc l’art de parvenir à l’apparence de la vérité sans se soucier de l’objet de la controverse. C’est pourquoi, comme cela fut dit au début, Aristote distingue en fait les conclusions logiques, dialectiques, comme cela vient d’être noté, puis 3) les conclusions éristiques (l’éristique) où la forme finale est correcte, mais les thèses mêmes, la matière, ne sont pas vraies mais paraissent, seulement l’être, et enfin 4) les conclusions sophistiques (la sophistique) où la forme finale est fausse mais paraît exacte. Ces trois derniers types font en fait partie de la dialectique éristique puisqu’ils visent tous non pas à la vérité objective mais à son apparence, sans s’occuper d’elle, donc à avoir toujours raison. Le livre sur les conclusions sophistiques n’a été édité que plus tard et séparément c’était le dernier livre de la Dialectique (N.d.A.).

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inciter à penser d’abord et à parler ensuite. Mais chez la plupart des hommes, la vanité innée s’accompagne d’un besoin de bavardage et d’une malhonnêteté innée. Ils parlent avant d’avoir réfléchi, et même s’ils se rendent compte après coup que leur affirmation est fausse et qu’ils ont tort, il faut que les apparences prouvent le contraire. Leur intérêt pour la vérité, qui doit sans doute être généralement l’unique motif les guidant lors de l’affirmation d’une thèse supposée vraie, s’efface complètement devant les intérêts de leur vanité : le vrai doit paraître faux et le faux vrai. Toutefois cette malhonnêteté même, l’obstination à défendre une thèse qui nous semble déjà fausse à nous-mêmes, peut être excusable : souvent, nous sommes d’abord fermement convaincus de la vérité de notre affirmation, mais voilà que l’argument de notre adversaire semble la renverser ; si nous renonçons aussitôt à la défendre, nous découvrons souvent après coup que, nous avions tout de même raison ; notre preuve était fausse, mais notre affirmation pouvait être étayée par une bonne preuve. L’argument salvateur ne nous était pas immédiatement venu à l’esprit. De ce fait, il se forme en nous la maxime selon laquelle, même quand l’argument de l’adversaire semble juste et concluant, nous devons l’attaquer, certains que sa justesse n’est qu’apparente et qu’au cours de la controverse nous trouverons un argument qui viendra le renverser ou confirmer notre vérité d’une façon ou d’une autre. Ainsi, nous sommes quasi obligés d’être malhonnêtes lors de la controverse, ou tout du moins légèrement tentés de l’être. De cette façon, la faiblesse de notre intelligence et la perversité de notre volonté se soutiennent mutuellement. Il en résulte qu’en règle générale celui qui débat ne se bat pas pour la vérité mais pour sa thèse, comme pro ara et focis (pour son autel et son foyer), et procède per fas et nefas, puisque, comme nous l’avons montré, il ne peut faire autrement. Chacun cherchera donc généralement à faire triompher sa proposition, même lorsqu’elle lui parait pour le moment fausse ou douteuse1. Quant aux moyens pour y parvenir, ils lui seront fournis dans une certaine mesure par ses aptitudes personnelles à la ruse et à la médiocrité. C’est ce qu’enseigne l’expérience quotidienne de la controverse. Chacun a donc

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Machiavel prescrit au prince de profiter de chaque instant de faiblesse de son voisin pour l’attaquer, sinon ce dernier peut tirer parti d’un moment où le prince est en position de faiblesse. Si la fidélité et l’honnêteté régnaient, il en serait autrement; mais comme on ne peut compter sur ces vertus, il ne faut pas les pratiquer puisqu’on en est mal récompensé. Il en va de même dans la controverse : si je donne raison à mon adversaire dès qu’il semble avoir raison, il est peu probable qu’il agisse de la même façon à mon égard. Il procédera plutôt per nefas, et il faut donc que j’en fasse autant. Il est facile de dire qu’on doit uniquement rechercher la vérité sans vouloir privilégier sa thèse, mais comme on ne peut supposer que l’adversaire en fera autant, il faut y renoncer. De plus, si j’étais prêt, dès que l’autre me semble avoir raison, à abandonner une thèse que j’ai pourtant examinée à fond auparavant, il pourrait facilement arriver que, entraîné par une impression passagère, je renonce à la vérité pour adopter l’erreur (NAA.).

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sa dialectique naturelle, tout comme il a sa logique naturelle. La seule chose, c’est que la première est loin de le guider aussi sûrement que la deuxième. Il n’est facile à personne de penser ou de conclure a contrario des lois de la logique ; les jugements faux sont fréquents, les conclusions fausses extrêmement rares. Si un homme ne manifeste donc pas facilement un manque de logique naturelle, il peut en revanche manifester un manque de dialectique naturelle ; c’est un don de la nature inégalement partagé (semblable en cela à la faculté de jugement qui est très inégalement partagée, alors que la raison l’est à vrai dire équitablement). Car il arrive souvent que, bien que l’on ait raison, on se laisse confondre ou réfuter par une argumentation spécieuse, ou inversement ; et celui qui sort vainqueur du débat doit bien souvent sa victoire non pas tant à la justesse de son jugement quand il soutient sa thèse, qu’à l’astuce et à l’adresse avec lesquelles il l’a défendue. Ici, comme dans tous les cas, c’est l’inné qui se révèle le meilleur conseiller ; cependant, en s’exerçant et en réfléchissant aux tours d’adresse susceptibles de renverser l’adversaire ou souvent employés par lui pour renverser l’autre, on peut avoir de grandes chances de passer maître en cet art. Donc, même si la logique ne peut avoir d’utilité véritablement pratique, la dialectique peut, elle, en avoir. Il me semble aussi qu’Aristote a conçu sa logique proprement dite (l’Analytique) essentiellement comme fondement et préparation de la dialectique, et que celle-ci était pour lui l’élément le plus important. La logique s’intéresse uniquement à la forme des thèses avancées, la dialectique à leur contenu ou à leur matière ; c’est justement pour cela que l’examen de la forme, c’est-àdire du général, devait précéder celui du contenu, c’est-à-dire du particulier. Aristote ne détermine pas l’objectif de la dialectique aussi précisément que je l’ai fait. Il indique certes comme but principal la controverse, mais également la recherche de la vérité ; plus tard, il répète que l’on traite philosophiquement les thèses en fonction de la vérité, et dialectiquement en fonction de l’apparence ou de l’approbation, de l’opinion (δόξα) des autres (Topiques, I, chap. 12). Il est certes conscient de la distinction très nette entre la vérité objective d’une thèse et la façon de l’imposer ou de la faire accepter ; cependant, il ne les distingue pas assez clairement pour n’assigner à la dialectique que cette dernière finalité 1.

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Et par ailleurs, dans son livre Les Réfutations sophistiques, il se donne trop de mal pour distinguer la dialectique de la sophistique et de l’éristique. La différence serait que les conclusions dialectiques sont vraies sur le plan de la forme et du contenu, alors que les conclusions éristiques ou sophistiques sont fausses (ces dernières diffèrent uniquement par leur finalité : pour l’éristique, le but est d’avoir raison ; pour la sophistique, c’est le crédit que l’on peut en tirer et l’argent que l’on peut gagner de cette façon). Savoir si des thèses sont vraies quant à leur contenu est toujours beaucoup trop soumis à incertitude pour qu’on puisse en tirer un critère distinctif, et celui qui participe à la discussion est le moins bien placé pour avoir une certitude complète à ce sujet; même le résultat de la controverse nous éclaire mal sur ce point. Nous devons donc rassembler sous le terme de dialectique aristotélicienne la sophistique, l’éristique et la péirastique, et la définir comme l’art d’avoir toujours raison dans la controverse. Pour cela, le meilleur moyen est bien sûr en premier lieu d’avoir vraiment raison, mais vu la mentalité des hommes, cela n’est pas suffisant

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