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Princesse de Clèves - Scène du pavillon - Bac de Français

Commentaire de texte : Princesse de Clèves - Scène du pavillon - Bac de Français. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  11 Septembre 2022  •  Commentaire de texte  •  4 334 Mots (18 Pages)  •  243 Vues

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LL2 –La scène du pavillon -  La Princesse de Clèves – Madame de Lafayette

           

Emblématique du classicisme qui domine la seconde moitié du XVIIème siècle, Mme de La Fayette s’est intéressée à la passion amoureuse, une question qui animait bien des débats dans les salons littéraires et mondains de l’époque. Amie avec des moralistes comme La Rochefoucauld, elle propose dans ses romans une vision plutôt pessimiste des rapports humains et de la vie mondaine. Elle finira d’ailleurs sa vie retirée de la société.

Mme de Lafayette a beaucoup fréquenté les salons, et a elle-même tenu un des salons les plus en vogue de son époque, ce qui la rattache aux courants de la Préciosité mais aussi du classicisme.

Dans La Princesse de Clèves, roman publié anonymement en 1678, elle confronte ainsi son héroïne aux désordres de l’amour. Elle analyse les sentiments amoureux et les dangers de la cour grâce au personnage de Mme de Clèves, jeune fille mariée avec un peu de réticence à un homme qui l’aime passionnément, mais qu’elle-même n’aime pas en retour.

Le passage qui nous est proposé à l’étude se situe immédiatement après la mort du roi, alors que les Guise et la reine Catherine de Médicis confisquent le pouvoir. La cour décide de se rendre à Reims pour le couronnement du jeune François II.

Mme de Clèves quant à elle en profite pour quitter Paris et se rendre à Coulommiers. Monsieur de Nemours se rend également à Coulommiers par une belle nuit chaude de septembre, tandis que M.de Clèves le fait suivre par un gentilhomme espion

Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu'on ne pût entrer ; en sorte qu'il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins ; sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté, qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue. Il faisait chaud, et elle n'avait rien sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et monsieur de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. Il vit qu'elle en faisait des nœuds, à une canne des Indes, fort extraordinaire, qu'il avait portée quelque temps, et qu'il avait donnée à sa sœur, à qui madame de Clèves l'avait prise sans faire semblant de la reconnaître pour avoir été à monsieur de Nemours. Après qu'elle eut achevé son ouvrage avec une grâce et une douceur que répandaient sur son visage les sentiments qu'elle avait dans le
cœur, elle prit un flambeau et s'en alla proche d'une grande table, vis-à-vis du tableau du siège de Metz, où était le portrait de monsieur de Nemours ; elle s'assit, et se mit à regarder ce portrait avec une attention et une rêverie que la passion seule peut donner.                      
X   

On ne peut exprimer ce que sentit monsieur de Nemours dans ce moment. Voir au milieu de la nuit, dans le plus beau lieu du monde, une personne qu'il adorait ; la voir sans qu'elle sût qu'il la voyait, et la voir tout occupée de choses qui avaient du rapport à lui et à la passion qu'elle lui cachait, c'est ce qui n'a jamais été goûté ni imaginé par nul autre amant.

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves (1678)

Problématique

En quoi cet extrait peut-il représenter dans le roman l’acmé ( = le sommet) de l’expression de la passion amoureuse des deux personnages ?

Structure du texte

1er mouvement : Du début jusqu’à « pour voir ce que faisait Madame de Clèves. » : une intrusion sous le signe de la transgression.

2ème mouvement : « Il vit qu’elle était seule » jusqu’à « que ses cheveux confusément rattachés » : un tableau sensuel.

3ème mouvement : de « Elle était sur un lit de repos » jusqu’à la fin : des occupations qui témoignent au Duc toute sa passion amoureuse.

Premier mouvement : 1er mouvement : Du début jusqu’à « pour voir ce que faisait Madame de Clèves. » : une intrusion sous le signe de la transgression.

  • nuit : lieu du rêve donc du désir et de l’inconscient.
  • scène dans laquelle tout le monde regarde l’autre : espion qui regarde le Duc (regard de surveillance, regard du mari), Duc qui regarde la Princesse (regard de l’amant, dans la conquête puis regard passif qui se nourrit de ce qu’l voit), Princesse qui regarde les objets qui lui permettent de rêver au Duc (regard libéré des contraintes de la société, regard en cachette)

« Les palissades étaient fort hautes, et il y en avait encore derrière, pour empêcher qu’on ne pût entrer ; en sorte qu’il était assez difficile de se faire passage. Monsieur de Nemours en vint à bout néanmoins » 

  • Idée d’obstacles, de passage difficile : double rangée de palissades => la princesse est inaccessible.
  • l.1-3 : intensif « fort » + «  assez » ( = litote) + les lourdeurs du style : «  il y avait encore », ou «  de sorte que » ( = expression de la conséquence) + insistance sur le nombre et commentaire du narrateur soulignant la difficulté : valorise exploit de Nemours 🡪 parodie des exploits chevaleresques des amant courtois pour prouver leur amour, mériter et obtenir la dame aimée. Exploit ici plus prosaïque : de l’amant courtois qui vainc des dragons à l’amant qui passe par-dessus une barrière. Du héros à l’amant coupable. Difficultés présentes néanmoins pour valoriser sa détermination face aux obstacles dans sa passion amoureuse et valorise aussi sa force physique (on peut établir un parallèle avec l’élan qui le pousse vers La Princesse dans la scène de Bal)
  • « palissades » = métaphore des remparts devant la passion interdite
  • Absence de tout son, aucune parole : temps suspendu du secret, presque du rêve.

«  sitôt qu'il fut dans ce jardin, il n'eut pas de peine à démêler où était madame de Clèves. Il vit beaucoup de lumières dans le cabinet, toutes les fenêtres en étaient ouvertes ; et, en se glissant le long des palissades, il s'en approcha avec un trouble et une émotion qu'il est aisé de se représenter. »

  • atmosphère de féérie : le pavillon est éclairé et Nemours est ébloui => ELLE = du côté de la lumière = innocence et pureté ; personnage solaire / LUI = du côté de l’ombre = ange des ténèbres, tentateur.
  • Passage de l’obscurité de la forêt à la clarté du pavillon : de l’obscurité de la solitude et de la jalousie,  à l’approche de l’être aimé, objet des désirs : intensif « beaucoup de lumières dans le cabinet »

  • allitérations en (S) et ( ISS) dans «  en se glissant… » traduisent les mouvements du serpent qui approche : on peut y voir là la symbolique du danger, du péché
  • « en se glissant le long des palissades »  + « Il se rangea derrière une des fenêtres »  : actions qui traduisent l’extrême discrétion du Duc qui craint d’être surpris
  •  l’allégresse de Nemours est rendue par le rythme 3 de la phrase : il semble qu’il soit attendu ( « fenêtres ouvertes ») = tentation, invitation à l’amour, bouleversement intérieur ; trouble des sens et du cœur.
  • Le lieu = le jardin : peut évoquer Jardin du Roman de la rose
  • « toutes les fenêtres en étaient ouvertes »  : la Princesse qui cache son amour a paradoxalement laissé les fenêtres ouvertes, comme une invitation pour Nemours, mais en réalité peut-être plutôt comme un symbole de son besoin de libérer ses émotions et sentiments interdits 🡪 Annonce de l’aspect érotique de la scène.
  • peu de précisions dans l’analyse des sentiments :  « un trouble et une émotion qu’il est aisé de se représenter. »  : « qu’il est aisé… » proposition subordonnée relative qui laisse toute la description des sentiments à l’imagination du lecteur : tout est dans la suggestion. Le Duc éprouve un trouble amoureux avant même d’apercevoir la princesse, simplement à son approche : traduit l’intensité des sentiments et du désir : il est guidé par sa passion (et de façon assez physique…) plus que par sa raison tout au long de la scène 🡪 scène qui sera à l’origine d’une catastrophe (le Prince va mourir de jalousie croyant qu’ils ont eu ce soir-là une liaison) 🡪 danger de se laisser guider par ses passions.

« Il se rangea derrière une des fenêtres, qui servait de porte, pour voir ce que faisait madame de Clèves. » :

  • porte = 2e mention symbolique de remparts 🡪 lieu de l’interdit, d’autant  que la Princesse est désignée ici (ce n’est pas toujours le cas) comme « Madame », donc comme épouse 🡪 amour interdit.

Deuxième mouvement :

  • Le thème du regard envahit le passage : Nemours enveloppe la princesse de son regard
  • Répétition du verbe voir : statut de voyeur

« Il faisait chaud, et elle n’avait rien, sur sa tête et sur sa gorge, que ses cheveux confusément rattachés. » 

  • Vision renouvelée de la Princesse qui explique l’émoi du duc : scène très sensuelle, où la princesse est au naturel, négligée et déshabillée alors que d’habitude elle est toujours dans des tenues d’apparat qui représentent plutôt la maîtrise des apparences. A l’inverse du Duc la Princesse qui se croit seule ne craint pas d’être surprise et se laisse donc aller.
  • Chaleur : symbole de la passion et de l’excitation : renvoie à symptômes physiques de la passion.
  • « confusément rattachés » traduisent le désordre de la passion et peut-être trouble physique qu’elle éprouve.

Il vit qu'elle était seule ; mais il la vit d'une si admirable beauté, qu'à peine fut-il maître du transport que lui donna cette vue »

  • Mme de Clèves est très sensuelle  : à demi-dévêtue, négligé de sa toilette+ tiédeur du soir + chevelure blonde déroulée, étincelle comme un soleil de lumière des flambeaux => c’est la première fois que Nemours la voit si naturellement belle, sans parure, sans contraintes.
  • modalisation qui évoque l’excitation extrême face à cette scène : Nemours se trouve dans une posture de voyeur érotique.
  • A nouveau une écriture qui transcrit de façon vague les émotions : propre à l’écriture pudique du XVIIe qui laisse au lecteur le soin d’imaginer l’érotisme de la scène : recouvert d’un non-dit moral. La bienséance est respectée car si elle est dénudée, c’est parce qu’il fait chaud + elle ne sait pas qu’elle est observée.
  • Le thème de la fenêtre : cf. Baudelaire : «  Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle (…) Dans ce trou noir ou lumineux vit la vie, rêve la vie, souffre la vie. »

Troisième mouvement :

« Elle était sur un lit de repos, avec une table devant elle, où il y avait plusieurs corbeilles pleines de rubans ; elle en choisit quelques-uns, et monsieur de Nemours remarqua que c'étaient des mêmes couleurs qu'il avait portées au tournoi. »

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