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Séparation De Fait Et Séparation De Corps

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es, alors que la séparation amiable constitue l’apanage des milieux bourgeois1. L’atout de ce type de séparation réside aussi, dans le fait qu’elle s’adapte à toutes les situations et peu importe les circonstances qui en sont les causes. Elle constitue une soupape de sécurité pour l’époux qui n’a pas pu obtenir le divorce ou qui n’a pas voulu recourir à une telle procédure car trop coûteuse ; elle permet aussi à un époux de maintenir un lien conjugal et d’exprimer «son espoir réel ou imaginaire que la réconciliation reste possible »2. Enfin, l’autre intérêt de recourir à cette forme de séparation est sa durée : comme l’a écrit le doyen Cornu « comme il travaille dans l’union libre en faveur de l’union (phénomène connu), dans la séparation de fait, le temps travaille à la séparation. L’efficacité juridique de la séparation de fait est directement fonction de sa durée »3.

En tant que situation de fait, la séparation n’est pas simple à appréhender. Au lendemain de la réforme de 1975, elle était un indicateur des conflits conjugaux aussi important que le divorce, avant que la réforme du 26 mai 20044 ouvre plus largement les voies à ce dernier. Mais compte tenu de la forte augmentation de ces séparations de fait, le législateur a dû intervenir. En effet, de la même façon que le concubinage est de plus en plus appréhendé par le droit, la séparation de fait pénètre de plus en plus dans la sphère de la vie juridique et ne peut plus vraiment être considérée comme un « succédané non juridique du divorce »5 ou comme « une structure matérielle nue, en principe ignorée du droit »6.

1 Nicolas, La séparation de fait entre époux, thèse, Paris II, 1972, p.4 et s. 2 Nicolas, thèse préc., p.6

3 Cornu, n°39

4 L.n°2004-439, 26 mai 2004, relative au divorce, JO 27 mai, p.9319

5 J. Carbonnier, Le lien matrimonial, Annuaire du CERDIC, p. 21

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Aujourd’hui, le législateur a pris en compte cette situation de fait, l’a instituée comme cause du divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’a rendue moins inoffensive au regard des règles du régime matrimonial et lui a fait produire de nombreux effets de la dissolution du lien conjugal sans qu’il soit indispensable de recourir à un juge. Par ailleurs, la séparation de fait a des conséquences légales qui sont différentes selon qu’elle est voulue par les deux époux ou qu’elle résulte du fait d’un seul des deux époux, ce qui démontre que le mariage conserve toujours une valeur certaine dans notre droit, dans la mesure où un époux séparé de fait contre son gré a toujours la possibilité de se prévaloir de son état matrimonial.

À l’opposé de cette situation de fait, existe la séparation de corps. Il s’agit de l’état de deux époux dont la justice a autorisé la séparation. Cette séparation judiciairement organisée résulte d’un jugement rendu à la demande de l’un ou des deux époux. Cette séparation permet à des époux qui ne s’entendent plus de résider séparément sans rompre les liens du mariage. Simple mode « de relâchement et non de dissolution du lien conjugal »7, « la séparation de corps existe, en quelque sorte, dans l’ombre du divorce dont elle est une sorte de diminutif »8.

Issue du droit canonique et qualifié de « divorce des catholiques », la séparation de corps est une institution ancienne dont l’existence est étroitement liée au dogme de l’indissolubilité du mariage dont le principe, comparable aux positions de l’Eglise catholique, est la préservation du lien matrimonial tout en interdisant le principe du divorce. Abolie par les révolutionnaires lors de la loi du 20 décembre 1792 qui introduisit en France le divorce, la séparation de corps fut rétablie en 1804 par le Code Napoléon qui considérait celle-ci comme une dernière chance de réconciliation laissée aux époux, une période probatoire, devant cesser au bout de trois ans. En coexistant avec le divorce, la séparation de corps était ouverte dans les mêmes cas que ce dernier, à l’exception du consentement mutuel. Au-delà d’un délai de trois ans, seul le conjoint coupable, à l’exception de la femme adultère, pouvait demander la conversion qui était de droit. Quant au défendeur, il pouvait s’y opposer en réclamant la reprise de la vie commune9. La loi du 8 mai 1816, dite loi Bonald, a aboli le divorce tout en laissant subsister la séparation de corps qui pouvait être demandée pour adultère de la femme, faute d’un époux, mais non par consentement mutuel. Une loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, en rétablissant le divorce, a complètement modifié ce régime tout en conservant la règle liée au délai. Les deux époux avaient toujours la possibilité de demander la conversion, mais le juge bénéficiait alors d’un pouvoir d’appréciation.

La loi du 11 juillet 1975 a apporté deux innovations : la conversion pouvait être sollicitée par une demande conjointe10 et si la séparation était prononcée selon ce critère, alors seule une conversion par demande conjointe était possible11.

Lors de la réforme du divorce intervenue le 26 mai 2004, la séparation de corps a été maintenue. Sauf que le délai de conversion de la séparation de corps en divorce a été aligné sur celui du divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal, qui est de deux ans12. Souvent qualifiée de «diminutif du divorce», la séparation de corps est devenue l’antichambre du divorce à partir du moment où elle a pu être convertie en divorce. Par ailleurs, le doyen Breton a avancé que ces deux institutions que sont le divorce et la séparation de corps, entraînaient tous deux la disparition du foyer conjugal. En effet, tous deux «établissent en fait des rapports difficiles entre ex-époux ; on s’explique donc, que ces institutions puissent avoir beaucoup de causes communes ». Ainsi, ces effets communs se retrouvent notamment dans le régime juridique de la séparation de corps qui est calqué sur celui du divorce. Ceci étant, la séparation de corps diffère du divorce par son caractère

6 J. Noirel, Le droit civil contemporain et les situations de fait, RTD civ. 1959, 456 7 Cornu, n°420

8 J. Rubellin-Devichi, Droit de la famille, 1999, Dalloz Action

9 Anc Art. 310 du Code civil

10 Art. 307 al 1er (version en vigueur du 1er janvier 1976 au 1er janvier 2005) 11 Art. 307 al 2e (version en vigueur du 1er janvier 1976 au 1er janvier 2005) 12 Art. 306 du Code civil

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provisoire car elle peut prendre fin, soit par la réconciliation, soit par une conversion en divorce. Des professeurs tels que G. Marty et P. Raynaud ont d’ailleurs écrit que la séparation de corps apparaît de plus en plus comme une période transitoire, « une étape avant la rupture définitive. Elle facilite l’accès au divorce plus qu’elle ne détourne de lui »13.

Les séparations font cependant pâle figure à côté du divorce. La séparation de corps n’a pas cessé de régresser par rapport au divorce et ne constitue pas le mode de séparation légale le plus usité par les Français. Quant à la séparation de fait, bien qu’elles soient très nombreuses dans la réalité, il est difficile de pouvoir les comptabiliser.

Pourtant la notion de séparation et sa place au sein d’un couple méritent peut-être davantage d’attention qu’on ne leur en accorde habituellement. À bien des égards, toute séparation entraîne des conséquences sur la vie personnelle des couples (Chapitre II), mais avant de se pencher sur les incidences de la séparation, il est indispensable de mettre en avant les circonstances de ces séparations (Chapitre I), lesquelles génèrent d’autres difficultés auxquelles le praticien devra faire face (Chapitre III).

À titre d’information, il est ici précisé que, même si le thème porte sur les modes de séparation sans divorce, il sera exclu de notre analyse la séparation de fait « judiciaire »14, c'est-à-dire celle autorisée par le juge dans le cadre d’une procédure de divorce, car il s’agit ici, comme le sujet l’indique, du traitement des séparations avant le divorce.

13 Marty et Raynaud, n° 649 14 Art. 258 du Code civil

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CHAPITRE I - LES DESUNIONS INTERMEDIAIRES : ENTRE SEPARATION DE FAIT ET SEPARATION DE CORPS

Parce qu’on ne sait si elles sont provisoires ou définitives et si elles penchent du côté du mariage ou du divorce, ces désunions intermédiaires que sont la séparation de fait (section 1) et la séparation de corps (section 2), sont des situations très diverses.

Section 1. - Une séparation au gré de la volonté de l’un ou des deux époux : la séparation de fait.

La séparation de fait n’étant pas une institution juridique, elle n’a pas à ce titre de définition légale et fait donc l’objet d’une définition purement discrétionnaire (§1). Par ailleurs, bien que considérée comme totalement inorganisée, la séparation de fait comporte un embryon d’organisation (§2).

§1 : Les éléments de définition de la séparation de fait

Jadis, la séparation de fait était définie par la jurisprudence

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