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Chateaubriand

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ractère propre. Il est difficile de dire si c’est le caractère de René qui l’amène au mal ou si c’est le mal qui détermine son caractère. L’interaction entre les deux est très forte. Mais il est certain que le caractère que Chateaubriand prête à son héros joue un grand rôle. Il est à la fois simple et complexe : simple, car les traits dominants sont facilement identifiables et complexe dans l’interaction de ces mêmes traits.

a) L’inconstance

L’inconstance est le trait de caractère dominant de René. « tour à tour bruyant et joyeux, silencieux et triste » (p 119), il ne sait jamais ce qu’il veut réellement et change d’avis presque aussitôt après avoir pris une décision. Chaque acte de René résulte de la déception consécutive à l’acte précédent. Il en est de même pour les sentiments. Chateaubriand a fait de son personnage un jeune homme aux multiples sentiments contradictoires. L’analyse succincte d’un extrait fera mieux comprendre ceci :

« Cette vie, qui m’avait d’abord enchanté, ne tarda pas à me devenir insupportable. Je me fatiguai de la répétition des mêmes scènes et des mêmes idées. Je me mis à sonder mon cœur, à me demander ce que je désirais. Je ne le savais pas, mais je crus tout à coup que les bois me seraient délicieux. Me voilà soudain résolu d’achever, dans un exil champêtre, une carrière à peine commencée et dans laquelle j’avais déjà dévoré des siècles.

J’embrassai ce projet avec l’ardeur que je mets à tous mes desseins ; je partis précipitamment pour m’ensevelir dans une chaumière, comme j’étais parti autrefois pour faire le tour du monde.

On m’accuse d’avoir des goûts inconstants, de ne pouvoir jouir longtemps de la même chimère, d’être la proie d’une imagination qui se hâte d’arriver au fond de mes plaisirs, comme si elle était accablée de leur durée : hélas ! je cherche seulement un bien inconnu, dont l’instinct me poursuit. Est-ce ma faute, si je trouve partout des bornes, si ce qui est fini n’a pour moi aucune valeur ? Cependant je sens que j’aime la monotonie des sentiments de la vie, et si j’avais encore la folie de croire au bonheur, je le chercherais dans l’habitude. » (p 128)

Le mot même est présent dans l’expression « goûts inconstants ». René est conscient de sa nature. Il ne cherche pas à la corriger mais à la justifier. Elle est le fait de sa soif d’infini formulée dans l’interrogation du dernier paragraphe. L’absolu de cette soif est marqué par l’article « aucune » qui ne tolère pas d’exception. De surcroît, René rejette la responsabilité de ceci avec « ma faute ». D’un autre côté, il dit aimer la « monotonie des sentiments ». Quelle contradiction ! Cet esprit versatile est inscrit dans la première phrase tant au plan syntaxique que sémantique. La proposition relative contient le marqueur positif, l’enchantement et la principale le marqueur négatif, l’insupportable. Ces deux pôles sont reliés par le verbe « ne pas tarder à » qui souligne la quasi immédiateté du changement. L’inconstance inscrite dès la première phrase est amplifiée dans la deuxième grâce au champ lexical de l’itératif contenu dans « mêmes » et « répétition » et grâce au parallèle de construction entre les propositions « mêmes scènes » et « mêmes idées ». Ceci montre également que cette inconstance se situe aussi bien au niveau intellectuel (idées) que social et pratique (scènes).

Nous avons vu que ce défaut est justifié par la soif d’infini mais il s’explique également par le caractère entier et passionné de René : il ne supporte pas la médiocrité et ne semble pouvoir faire les choses que dans leur totalité. Que ces choses soient positives ou négatives, il montre la même volonté de les accomplir. Nous en avons ici un exemple avec l’ «exil champêtre ». René veut être complètement seul. La force sémantique du verbe « s ‘ensevelir » marque l’intensité de cette volonté. Chateaubriand va jusqu'à employer le terme « ardeur ». Mais comme toutes les victimes du mal du siècle, René subit quelque peu le divorce entre la pensée et l’action ; sa volonté n’est que dans ses intentions, ses « desseins ». Il ne peut tenir sa résolution. Le verbe « croire » annonce déjà la désillusion, la déception. Une nouvelle fois, l ‘action est vaine, décevante comme lorsqu’il « étai[t] parti autrefois pour faire le tour du monde » et entraîne le changement.

René est donc un « inconstant », un indécis autant dans ses actes que dans ses sentiments. Il ne sait que faire, que ressentir et le reconnaît en disant : « Je me mis à sonder mon cœur, à me demander ce que je désirais. Je ne le savais pas... ». Cette inconstance est le fait de ce caractère entier, passionné et de cette soif d’infini à laquelle le pousse sa richesse d’imagination.

b) Imagination et sensibilité

René est un jeune homme à l’imagination fertile qui vit plus dans un rêve que dans la réalité comme le lui reprochera le Père Souël à la fin du récit en ces mots : « Je vois un jeune homme entêté de chimères (...) ». Les manifestations de cette imagination sont nombreuses dans l’œuvre. La plus fameuse et celle que l’on retrouvera ultérieurement dans les Mémoires d’Outre-Tombe est celle de la « Sylphide », ce fantôme féminin, cet être idéal créé par René pour alimenter ses fantasmes. Le mot même de « Sylphide » n’est pas dans le texte mais la périphrase utilisée à la page 128 est suffisamment explicite. René décrit ses sentiments pour « l’idéal objet d’une flamme future », pour cet objet qu’il embrasse « dans les vents », qu’il croit « entendre dans les gémissements du fleuve ». Pour lui, « tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les cieux et le principe même de la vie dans l’univers ». René a conscience de son imagination et l’auteur insiste sur la non matérialité de cette femme avec l’expression quelque peu redondante (du point de vue sémantique) de « fantôme imaginaire ». Ce « fantôme » n’a pas de traits précis mais René l’imagine comme « une Eve tirée de [lui]-même ». Il veut « une femme selon [ses] désirs », une « Beauté céleste ». Tout dans ce texte montre que la « Sylphide » n’a aucun point d’ancrage dans la réalité ; elle ne prend sa source dans aucune femme réelle connue de René. Tout n’est qu’une question de perception ; René est le jouet de son imagination avec la complicité des éléments naturels comme le vent ou le fleuve.

Cette imagination débordante va de pair chez René avec une sensibilité extrême qui s’exprime principalement à travers les manifestations physiques de son mal qui est avant tout psychologique. Si le héros n’était pas aussi sensible, il ne réagirait de façon physique à ce trouble qui l’anime. Il a souvent le « cœur ému » (p 121) et la moindre chose est pour lui source d’une réaction excessive. Cette sensibilité atteint son apogée lors de la prononciation des voeux d’Amélie. Il est vrai que cette décision provoque la colère de son frère mais les sentiments qui l’animent lors de la cérémonie apparaissent comme disproportionnés par rapport à l’événement. Ils sont d’une extrême violence, exacerbée par cette sensibilité presque pathologique. René est tout d’abord au comble de la « fureur » puis il est atteint par les grâces de la religion. Même ses gestes sont excessifs lors de cette même cérémonie ; il ne tombe pas à genoux mais « se précipite à genoux » (p 138). Sentiments et mouvements sont dictés dans la même démesure par cette sensibilité maladive qui caractérise le personnage en toutes circonstances.

Ainsi Chateaubriand dépeint son personnage principal avec ce « caractère inégal » (p 119), cette richesse d’imagination et cette sensibilité qui en font un héros moderne. L’interaction entre ces différents traits est si grande qu’il est difficile de dire laquelle détermine les autres. Est-ce l’imagination qui est cause d’une telle sensibilité ou la sensibilité cause d’une pareille imagination ? L’inconstance est-elle due à son imagination, à sa sensibilité ou aux deux ? Peu importe ; seul compte le tout qu’ils forment, à savoir une âme propice à « subir » le mal.

2) La solitude

Le lien entre l’âme de René et son mal s’effectue grâce à la solitude ; à la fois trait de caractère et manifestation du mal, elle occupe une place particulière dans l’œuvre. Elle est le fil conducteur ; elle permet le va-et-vient entre l’âme et le mal. « un penchant mélancolique l’entraînait au fond des bois ; il y passait seul des journées entières (...) » (p 117). Dès les premières lignes, René est présenté comme un solitaire. Tour à tour subie ou choisie, la solitude est ce qui constitue le personnage.

Dès sa naissance, il est marqué par la solitude. Il coûte « la vie à [sa] mère en venant au monde » (p119) et est mis en nourrice « loin du toit paternel » (ibid.). Il a très peu de relation avec son père trop occupé au soin de son fils aîné. Ce schéma familial serait le même que celui décrit par Jean-Jacques Rousseau dans ses Confessions sans la présence de la sœur bien-aimée Amélie. Le contraste entre son comportement face à son père et celui qu’il adopte à l’égard de sa sœur est significatif. Il est « timide et contraint face à [son] père » alors

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