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Clacissisme

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L’étude de la culture canadienne-française : aspects micro-sociologiques”.

Commentaire de M. Claude GALARNEAU, Institut d'histoire, Université Laval.

Marcel Rioux

“L’étude de la culture canadienne-française : aspects micro-sociologiques”.

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Le titre de la communication que je dois présenter se lit ainsi : « L'étude de la culture canadienne-française : aspects micro-sociologiques ». Fernand Dumont et moi avons arrêté ce titre au cours d'une hâtive conversation télé-phonique interurbaine ; ce titre me semble refléter une certaine ambiguïté d'intention et de formulation : on semble se reporter, d'une part, à la culture globale et, d'autre part, aux aspects micro-sociologiques de la réalité sociale. Si j'essaie de déceler notre intention commune, j'y vois le désir que nous avions tous les deux de voir traiter l'étude de la culture au niveau des petites unités culturelles, c'est-à-dire des communautés qu'ont étudiées les anthro-pologues et les sociologues. Sans écarter tout a fait ce point de vue, je m'arrêterai surtout sur la triple complémentarité que recèle l'ambiguïté de ce titre : 1. sur les concepts de société et culture ; 2. sur les points de vue micro- et macro-socio-culturels ; et, enfin, 3. sur le fait que l'étude de la culture canadienne-française est surtout conduite par des spécialistes qui font eux-mêmes partie de cette culture ; ce qui pose le problème subjectivité-objec-tivité.

Ce n'est pas mon intention de traiter ces complémentarités séparément, mais plutôt d'essayer de faire voir comment elles sont au cœur même de la réalité et de la démarche du sociologue et de l'anthropologue. Pour ce qui est des deux concepts majeurs de nos disciplines anthropologiques, ceux de société et de culture, bien que je reconnaisse qu'il faille les distinguer au niveau analytique et que cette distinction puisse être extrêmement fructueuse, je n'essaierai pas de raffiner sur la distinction dont ont convenu Kroeber et Parsons, au cours d'une fameuse rencontre au sommet, distinction qui pourrait se formuler ainsi : par culture, on entend designer le contenu et l'agencement des valeurs, des idées et tout système symbolique significatif qui influent sur le comportement humain et les œuvres de civilisation ; par société, on désigne plus spécifiquement le système relationnel d'interaction des individus entre eux, des individus par rapport aux groupes ainsi que des groupes entre eux.

Mais plutôt que d'insister sur une théorie de la société et de la culture, il me semble plus fructueux pour l'étude d'une société en voie de transformation, comme l'est le Canada français, d'insister sur l'aspect dynamique des relations entre ces deux séries de phénomènes et même sur le conflit que posent l'intégration sociale et l'intégration culturelle ; ce conflit tient, bien sûr, pour une large part à la conjoncture ou nous nous trouvons, mais aussi à la nature même de ces deux intégrations. En plus de nous faire mieux comprendre la réalité proposée a notre observation, ce point de vue - conflit entre l'intégra-tion sociale et l'intégration culturelle - recèle, selon moi, la possibilité de faire avancer la théorie du changement socio-culturel. De plus, en examinant les déterminants existentiels de la théorie structurale-fonctionnelle, s'il est assez facile de repérer les raisons historiques générales - vestiges de la notion d'équilibre dans la théorie économique du libéralisme, par exemple,- et, plus près de nous, la position et l'idéologie des sociologues américains au sein de la société capitaliste, il serait intéressant d'analyser ce qui au sein de notre so-ciété nous pousse à choisir le concept d'équilibre, plutôt que celui de conflit ; il serait bien surprenant que notre position de Canadiens français à l'intérieur du Canada et que le système de sécurité que nous nous sommes bâti ne puissent se retrouver au fond de notre choix.

Dans la sorte d'inventaire que nous sommes en train de conduire ici, il ne me semble pas fructueux d'insister exclusivement sur ce que telle ou telle dis-cipline a apporté et peut apporter a l'étude de la société canadienne-française, surtout quand il s'agit d'une réalité aussi vaste que la culture canadienne-française. On reconnaît dans les manuels que l'étude de la culture est l'objet propre de l'anthropologie ; si nous ne faisions que passer en revue les études anthropologiques sur le Canada français, notre bilan, faut-il l'avouer, serait fort mince. C'est pourquoi, au lieu d'insister sur les travaux proprement anthropologiques, j'essaierai de montrer pourquoi il y aurait lieu - à cause de la nature généralisante de l'anthropologie et de la totalité que représente la culture - de voir comment l'anthropologie et la culture débordent les frontières qu'elles s'assignent réciproquement. Ce qui me permettra d'esquisser une auto-critique de l'anthropologue et de sa culture.

Il semble que, du point de vue des relations entre l'histoire et les sciences anthropologiques, le balancier oscille de nouveau. L'exclusive qu'un grand nombre d'entre nous avaient prononcée contre l'aspect diachronique de nos études est, aujourd'hui, petit à petit rappelée. Pour toutes sortes de raisons qu'il serait trop long de détailler ici, les anthropologues ont eu tendance à minimi-ser les données historiques dont ils auraient pu disposer. Entre la société tribale, objet classique de l'anthropologie, et la société industrielle dont I'étude était réservée aux sociologues, il a longtemps existe un certain vide, du point de vue des praticiens de ces disciplines ; ni les uns ni les autres ne s'étaient intéressés systématiquement aux sociétés agricoles pré-industrielles qui étaient demeurées l'apanage quasi-exclusif des historiens. Or, à cause des difficultés de communications d'une discipline à l'autre, les travaux des histo-riens avaient tendance a rester lettre morte pour les spécialistes des sociétés tribales et des sociétés industrielles. Depuis quelque temps, des sociologues et des anthropologues ré-interprètent de leurs propres points de vue les travaux des historiens sur ces sociétés-là. je pense surtout à l'ouvrage de Sjoberg sur la ville pré-industrielle et la société agricole. Or, du point de vue de l'étude de la société et de la culture canadiennes-françaises, il apparaît que le modèle de la société pré-industrielle est plus fructueux que celui de la société industrielle développée et même celui de la folk-société -mélange de société tribale et de société paysanne. Le modèle de Sjoberg est particulièrement bien adapté pour rendre compte du passage de la société agricole à la société industrielle. D'autre part, sans modèle sociologique ou sans modèle, on risque de considé-rer les faits canadiens-français comme des faits uniques alors que leur spécificité est restreinte au conditionnement historique qui leur est propre.

En ce qui regarde l'histoire, notre qualité d'anthropologues et de sociolo-gues canadiens-français nous impose d'autres limitations. Encore assez récemment, l'histoire qui s'écrivait chez nous avait moins pour fonction de nous faire connaître intégralement le passé que de nous donner des raisons de survivre comme peuple. Si, donc, à certains moments nous avons eu tendance à rejeter cette histoire, nous sommes peut-être allés trop loin et nous avons, comme disent les Anglais, jeté l'enfant avec l'eau sale de la cuvette.

Il en va de même pour les notions de société et culture globales. Parce qu'a un certain moment, une certaine idéologie voulait nous enfermer dans une culture et une société étriquée qu'elle avait pris soin de définir elle-même, plusieurs ont eu tendance à nier cette société et cette culture et à rechercher d'autres unités globales pour y intégrer notre réalité socio-culturelle. Il faut ici nous rappeler que les deux décennies d'existence de la recherche systématique en sociologie et en anthropologie coïncident avec la période où la plupart d'entre nous étaient en révolte contre cette idéologie-là.

D'une façon plus générale, on peut dire que l'oubli presque total dans lequel les notions de société et de culture globales sont tombées chez nos collègues canadiens-anglais et américains ne nous a pas aidés nous-mêmes à rattacher nos études micro-sociologiques et micro-culturelles à une totalité. Cela est particulièrement vrai de nos études de communautés qui sont, soit envisagées comme des unités fermées, ou encore comme des points de comparaison avec d'autres unités sans que, dans l'un et l'autre cas, elles soient insérées dans les sociétés globales dont elles font partie.

Un autre postulat que nous tenons de notre milieu, c'est celui de l'homo-généité du donné socio-culturel que nous étudions. Non seulement

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