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Coutume

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u droit coutumier mais la coutume s’affirme toujours comme une source fondamentale du droit international. Ainsi, dans le Statut de la CIJ, même si la coutume est citée après les conventions internationales à l’article 38, il ne faut en aucun cas y voir une quelconque hiérarchie des sources. Au contraire, la coutume possède exactement la même valeur juridique que le traité. Un traité peut, certes, modifier une coutume, tout au moins si elle ne constitue pas elle-même une norme impérative. Mais, à l’inverse, une coutume peut parfaitement modifier un traité ou, plus facilement encore contribuer à transformer substantiellement le contexte de son interprétation, ainsi que la Cour Internationale de Justice l’a reconnu dans un arrêt du 25 septembre 1997 (affaire du Projet de Gabcikovo-Nagymaros).

En l’absence de tout accord formel entre Etats, la coutume a servi à fonder de nombreuses décisions jurisprudentielles. Ainsi, dans l’arrêt du Lotus de 1927[1], la Cour Permanente de Justice Internationale devait déterminer s’il existait une coutume prohibant la compétence étatique en cas d’abordage en haute mer par un navire battant pavillon étranger. La Cour a statué en faveur de l’exactitude du système défendu par la France qui était consacré, faute de règle conventionnelle, par une coutume ayant force de droit. De même, la CIJ, dans l’arrêt du Détroit de Corfou du 9 avril 1949[2], s’est référée à la coutume en déclarant : « il est généralement admis et conforme à la communauté internationale que les Etats en temps de paix possèdent le droit de faire passer leur navire de guerre par les détroits. »

A l’échelle internationale, le juge utilise donc la coutume au même titre que les traités. A l’inverse, en droit interne français, le Conseil d’Etat est plutôt réticent à appliquer la coutume internationale dans l’ordre juridique français, comme l’atteste sa jurisprudence Aquarone du 6 juin 1997 où il récuse la primauté de la coutume internationale sur une loi en cas de conflit entre ces deux normes. Au-delà de cela, la coutume, en France demeure une source de droit suspecte à l’autorité publique. Emanant directement des personnes privées, elle vient concurrencer sinon remettre en cause le monopole étatique de création normative. En droit international, au contraire, l’agent quasi exclusif de création de la coutume demeure l’Etat, et accessoirement les organisations internationales. Cela confère à la coutume internationale une légitimité au sein de la communauté internationale et assoit son autorité.

Lorsque l’on évoque le terme de coutume, on fait en réalité référence à deux notions. En effet, à la manière de Hans Kelsen qui distingue le procédé d’élaboration du droit conventionnel à la norme conventionnelle créée, on peut détacher le processus coutumier de création de norme et la norme coutumière créée. Selon Hans Kelsen, le procédé coutumier de création de normes est régi par une norme fondamentale, la Grundnorm, au même titre que le droit conventionnel est régi par la norme fondamentale pacta sund servanda qui confère aux Etats la faculté de conclure des traités et précise la procédure qu’ils devront suivre pour ce faire. Cette norme fondamentale, la Grundnorm, est dans la théorie de Kelsen, une norme présupposée dont la fonction est de faire de la coutume une méthode créatrice de droit. Le professeur Roberto Ago critique ce parallélisme effectué par Kelsen entre droit conventionnel et droit non conventionnel en considérant le droit coutumier comme un droit spontané non créé selon une méthode déterminée. Selon lui, la reconnaissance des normes coutumières se fait par une vérification empirique de l’effectivité de ces normes dans la communauté envisagée. En réalité, selon Julio A. Barberis, se demander qui donne à la coutume son caractère de source de droit n’a pas de sens puisque les normes coutumières sont les premières normes de droit positif et ne sont créées au moyen d’aucun procédé régi par le droit. La distinction entre processus coutumier et norme coutumière est même, selon la professeur Serge Sur, plus qu’intellectuelle que pratique puisque la norme coutumière ne peut guère être saisie en dehors du processus coutumier. Elle n’a pas d’existence autonome par rapport à lui.

En revanche, pour appliquer les normes coutumières lors de règlements de différends entre Etats, il est nécessaire au préalable de s’assurer de leur existence. Pour cela, le juge a recours à deux critères dégagés de la définition de la coutume à l’article 38 du Statut de la CIJ. Ainsi, la Cour a clairement exposé dans son célèbre arrêt Plateau continental de la Mer du Nord du 20 février 1969[3] que pour affirmer l’existence d’une norme coutumière, « il faut d’abord que la pratique des Etats […] ait été fréquente et pratiquement uniforme et se soit manifestée de manière à établir une reconnaissance générale du fait d’une règle de droit où une obligation juridique est en jeu. » Pour révéler l’existence de la coutume, la Cour utilise donc la théorie des deux éléments, c'est-à-dire que pour qu’une norme soit coutumière, elle doit être constituée d’un élément matériel, c'est-à-dire l’usage, autrement dit l’accomplissement répété d’actes dénommés « précédents », et d’un élément psychologique désigné comme opinio juris qui signifie la croyance en le caractère obligatoire de l’usage.

Ces deux critères constituent un procédé de reconnaissance de la norme coutumière et non un processus de formation de celle-ci, ce processus étant de fait insaisissable. Toutefois, au fil de notre développement, et dans un souci de synthèse, nous emploierons la notion de processus coutumier pour désigner le recours à ces deux critères.

L’intérêt de se pencher sur les éléments constitutifs de la coutume est de mettre en exergue l’évolution de ces deux éléments dans le déroulement du processus coutumier, et à terme de montrer que la souplesse de formation de la coutume lui permet de revêtir une véritable fonction révolutionnaire et de s’adapter aux évolutions de la communauté qu’elle régit. En effet, traditionnellement, il était admis que l’élément psychologique était l’aboutissement de l’accumulation des précédents. Or, la pratique contemporaine permet de reconnaître dans l’opinio juris le point de départ du processus coutumier. Cette incertitude sur l’enchaînement des étapes prouve la souplesse de ce mode de formation. L’inversion des deux éléments constitutifs est en grande partie le fruit des Etats nouveaux issus de la décolonisation. La coutume a été un moyen pour ces Etats de s’affirmer au sein de la communauté internationale, témoignant, si tant est qu’il soit encore nécessaire, de la place toujours considérable de cette source de droit au sein de l’ordre juridique international.

L’étude des éléments constitutifs de la coutume revient donc à s’interroger sur la façon dont la théorie des deux éléments a intégré les évolutions de la société internationale pour permettre à la coutume d’être maintenue et confortée en tant que source du droit international.

Nous verrons, dans premier temps, la vision controversée de la théorie classique des deux éléments (partie I) et, dans un second temps, nous envisagerons la relative remise en cause du processus coutumier traditionnel impulsée par les évolutions de la société internationale (partie II).

PARTIE I : VISION CONTROVERSEE DE LA THEORIE CLASSIQUE DES DEUX ELEMENTS

Traditionnellement la reconnaissance de l’existence de la coutume internationale est fondée sur deux éléments. Le premier est l’élément matériel ou consuetudo et le second est l’élément psychologique, que l’on appelle également opinio juris.

Ces deux éléments ne font partie d’aucun procédé juridiquement établi, mais il s’agit seulement d’une technique pour reconnaître l’existence d’une coutume.

Il convient donc d’étudier ces deux éléments successivement (Chapitre 1) pour ensuite apprécier la controverse doctrinale à laquelle la théorie des deux éléments est sujette. (Chapitre 2)

CHAPITRE 1 : RECONNAISSANCE DE L’EXISTENCE D’UNE COUTUME PAR LA REUNION DE DEUX ELEMENTS CONSTITUTFS

On parle ici de la « théorie des deux éléments » : l’un est matériel, c’est-à-dire la pratique ou l’accomplissement répété d’actes dénommés « précédents » qui ne peuvent être au début qu’un simple usage (Section 1). L’autre élément est l’élément psychologique, c’est-à-dire la conviction des sujets de droit qu’il existe une règle à laquelle il faut se conformer (Section 2).[4]

Section 1 : L’élément matériel ou objectif, l’usage

L’élément matériel est le premier élément qui permet de reconnaître l’existence de la coutume internationale. L’usage résulte d’une succession de précédents (paragraphe 1). Ces précédents se répètent dans le temps et dans l’espace (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les comportements susceptibles de constituer des précédents

Les précédents susceptibles de constituer l’usage peuvent émaner de différents sujets de droit. En effet, il peut s’agir des Etats, d’institutions internationales telles que les organisations internationales, les juridictions internationales

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