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Démocratie

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a classe politique - c'est le vote des exclus de la

Démocratie : deux ou trois choses que je sais d’elle.

société - c'est une vote irrationnel...) toutes ces explications donc semblent tout à la fois simplistes, mais surtout dangereuses, dans la mesure où elles conduiraient à proposer des mesures qui, c'est ce qu'on va tenter de démontrer ici, produiraient l'inverse de ce qu'elles prétendent rechercher. Je propose pour cela un détour par un auteur un peu difficile, certes, mais qui semble être un des auteurs contemporains des plus intéressants qui soient pour rendre plus intelligible ce qui nous entoure, à propos de ces questions. Après cette présentation, on l'illustrera par un certain nombre de réflexions sur notre expérience plus immédiate, dans notre pays.

(Gérard Pirotton) -1

Les mauvaises surprises d'une oubliée : la lutte des classes.

Il faut l'oser, reparler de la luttes des classes, au lendemain de la chute du Mur ! C'est pourtant le titre d'un article tout à la fois capital et peu connu, que Marcel GAUCHET publia en 1990, déjà. (1) Présentons ici les idées-forces de cet article, dans sa logique, sa structure et la progression de son argumentation. D'emblée, il affirme son hypothèse : la lutte des classes réapparait aujourd'hui dans des formes que la culture politique de la gauche contemporaine l'empêche de reconnaître comme telle. A l'époque de l'industrialisation, ce « peuple » que l'on identifiait alors à la mythique « classe ouvrière », était composé de l'ensemble de ceux qui se « sentaient privés de représentation et dépourvus de prise sur la décision politique. » (p.288). Qu'en est-il alors aujourd'hui du peuple des exclus du jeu politique ? Et qu'est-ce qui permet aux leaders d'extrême-droite de capter cet électorat ? Peut-on se satisfaire de l'explication par le « vote de protestation » ? C'est sans doute cela qu'il nous faut chercher à comprendre.

toutes, celle de l'accès à la puissance publique - car il n'est pas besoin d'y insister, tout le monde ne se sent pas les mêmes moyens d'écrire au procureur de la République quand on refuse d'enregistrer votre plainte dans un commissariat ». (2) (p.292)

Ceux qui semblent ne pas reconnaître ce besoin de sécurité sont pourtant ceux qui, par contraste, s'imposent en défenseurs de la sécurité sociale, reconnaissant ainsi le rôle protecteur de l'État. Or, dira Gauchet,

« manquer au devoir de protection qui engage le pouvoir social envers chacun des membres du corps politique, c'est remettre en cause, ni plus ni moins, les raisons qui, pour chaque individu, font le sens de son appartenance à une société. » (p.292)

Fracture donc, entre ceux qui ressentent un besoin de sécurité que l'État et ses agents ne leur apportent pas/plus, et ceux qui dénient tout fondement, toute légitimité même à l'expression de ce besoin.

Qui a décidé de l'immigration ?

Un besoin de sécurité non écouté, voilà la trame sur laquelle vient de greffer la question de l'immigration, qu'il convient de lire, plus adéquatement, comme l'expression de surface d'un enjeu plus considérable.

« La percée lepeniste, on l'a cent fois observé, date des lendemains de la rigueur des années 1982-1983. » (p.294)

L'hypothèse de la fracture.

Au-delà du racisme et de l'immigration, qui semblent, en première analyse, dominer la question qui nous occupe, Marcel Gauchet propose de s'attarder quelque peu sur un autre terrain : celui de la sécurité. Quel sort a-t-on réservé à cette question, dans les sphères progressistes ? N'a-t-on pas stigmatisé l' « idéologie sécuritaire » des uns, les exactions policières des autres ? Pourtant, un besoin de sécurité bien compris est tout de même légitime ! Or,

« A une inquiétude collective cruciale, car portant sur les principes même du pacte social, on a répondu par une fin de non recevoir. Mieux, par une création d'inégalité et, symboliquement, par la plus lourde de

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On ne peut donc identifier le vote d'extrême droite à un rejet des populations issues de l'immigration, puisque leur présence était un fait, depuis de nombreuses années déjà. D'ailleurs, c'est aussi dans ces années-là que l'on a commencé à reconnaître le caractère irréversible de la présence des populations immigrées. Nos pays sont devenus, dit-on,

(Gérard Pirotton) -2

des pays multiculturels. Mais voilà que la présence de ces populations, arrivés en nos pays pour les besoins de l'économie, entraîne une transformation considérable, une transformation qui

« présente cette particularité intéressante d'avoir totalement échappé, de bout en bout, au débat et à la décision démocratique, soit au titre de l'impuissance de l'État, (...) soit au titre de choix imposé au pays (...) » (p.295)

« On ne combattra valablement la démagogie du rejet qu'en réinscrivant le problème de l'immigration au centre du débat public, qu'en en faisant un objet de plein droit du choix démocratique. » (p.298)

* *

*

Un cadre pour réfléchir.

Voilà le cadre proposé ici pour réfléchir, tout à la fois à l'éventuelle spécificité de la situation belge - Gauchet, dans les flèches qu'il décoche à la gauche, notamment, peut parfois apparaître comme trop hexagonal - mais aussi pour imaginer des pistes alternatives.

par un nombre tout aussi réduit qu'inconnu de décideurs économicopolitiques . Résultat de cet ensemble : le (3) sentiment sourd d'une dépossession. En ce sens, s'il est bien sûr possible de les voir comme une menace pour le système démocratique, l'extrême-droite et son succès électoral renvoient aussi, tel un miroir, l'image des dysfonctionnements de ce système. Il y a donc lieu de s'en prendre, non aux révélateurs, mais aux dysfonctionnements eux-mêmes.

Lendemains d'élections.

Rappelons-le : le vote pour l'extrêmedroite doit être interprété comme une demande de plus de démocratie de la part de ceux qui se sentent privés des moyens de peser sur le jeu politique. Qu'a-t-on entendu comme commentaires, tant de la part de la presse que de la part du « monde politique » ? La « montée de l'extrême-droite » est le plus souvent décrite comme un péril venu quasi de l'extérieur, d'un mal qui pervertit la société, d'une menace qui la ronge, tel un parasite, et qu'il s'agit donc d'expulser au plus vite, dont il s'agit de se débarrasser.

« Nous étions la seule assemblée à ne pas devoir les subir. J'espère que nous en serons rapidement débarrassés »,

Plus de démocratie...

Et nous voilà au cœur de l'argumentation de l'auteur.

« La suprême fonction politique, dit-il, est de donner à la collectivité le sentiment d'une prise sur son destin. » (p.288) (4)

Ce que révèlent les succès de l'extrêmedroite, c'est l'apparente incapacité de nos sociétés à avoir prise, dans des formes qui respectent le jeu démocratique, sur les transformations - notamment interculturelles - qui la traversent. Aussi, au lieu de considérer la « montée » de l'extrême-droite comme une menace contre la démocratie, c'est tout au contraire comme un appel à plus de démocratie, qu'il faut l'entendre. En d'autres mots :

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déclarait Bernard Anselme. Confrontés à un tel discours, les électeurs de l'extrêmedroite ne peuvent alors percevoir, dans un tel jugement, qu'une confirmation de plus de l'exclusion qu'ils ressentent et la nécessité donc de renouveler leur vote.

(Gérard Pirotton) -3

Un autre exemple parmi d'autres, au soir des élections du 9 octobre : Charles Picqué. Je cite, de mémoire.

« C'est Malheureux. Nous, on fait un travail sérieux et les gens votent de façon irrationnelle, irréfléchie ».

Comment les électeurs qui ont voté pour les listes d'extrême-droite, comment les gens qui se sentent non écoutés de la part les acteurs dominants de la scène politique, peuvent-ils entendre cette déclaration en d'autres termes que : « Vous êtes des c...! » À supposé même que Picqué soit convaincu de ce qu'il a dit alors, le déclarer ainsi explicitement ne fait en réalité que confirmer à tous ces gens qu'il ne les entend effectivement pas et il les encourage donc à renouveler leur vote pour le prochain scrutin !

La peste brune.

Une autre chose est frappante

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