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Elle était déchaussée

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à la fois lyrique et romantique.

Sur une musique légère et joyeuse que dessine la texture du poème, c’est comme un ballet à trois – les futurs amants bercés par la nature – qui se joue en deux actes, actualisant ainsi, à travers un souvenir personnel du poète, quelque chose du caractère éternel du mythe de l’Éden.

I.- La mise en musique d’une improbable rencontre amoureuse

L’auteur a donné une forme en apparence assez classique au récit poétique et onirique de cette rencontre inattendue qu’il a vécue : quatre strophes (quatrains) d’alexandrins alternant rimes féminines et masculines dans une disposition croisée (ABAB), avec :

- la mise en scène de trois personnages (strophes 1 et 2) : les protagonistes de la rencontre (« Elle » / « Moi…je »), et leur témoin, Dame Nature (avec ses « joncs penchants », ses « champs », ses « arbres profonds », etc.), qui offre un cadre pour une invitation à l’amour de la part du promeneur (« Moi, qui passais par là… : Veux-tu… ? », vv. 3-4 et vv. 7-8) à celle qu’il prend pour « une fée » (v. 3) ,

- puis, avec les strophes 3 et 4, le temps de réflexion de cette « belle folâtre » (v. 13) et sa réponse évoquée par son mouvement d’« advenue » auprès du promeneur-narrateur (v. 14).

Toutefois, derrière cette structure poétique courante choisie pour évoquer un thème lui-même assez fréquent et banal, - celui de l’amour qui survient entre deux êtres qui se croisent par hasard dans la nature -, se cachent des effets littéraires plus libres et bienvenus comme pour animer le texte du caractère surprenant, insaisissable et inattendu de l’émotion amoureuse.

Ainsi, le rythme classique de l’alexandrin avec sa césure à l’hémistiche (6 pieds / 6 pieds) n’est pas toujours respecté : l’harmonie des vers 1, 3, 5, 9, 14 et 16 se voit bousculée, exprimant ainsi tantôt le bouleversement provoqué par la surprise ressentie par le promeneur à la vue subite d’une femme aux pieds nus (v. 2), tantôt un certain suspense avant chaque prise de parole de ce promeneur (vv. 4 et 7, coupés 4/8) ou dans l’attente de la réaction de la jeune fille (v. 12, coupé 1/7/4).

Par ailleurs, l’enjambement, cher au romantisme comme marque poétique d’une liberté nouvelle recouvrée, apparaît au vers 14, pour souligner le mouvement libre d’avancée de la femme vers le poète : « Je vis venir à moi… La belle fille heureuse… ».

De plus, le caractère joyeux de ce poème est sans doute renforcé aussi par des effets que l’on pourrait qualifier de « musicaux », proche de la comptine, avec ses répétitions incantatoires :

- celles des mots :« Elle me regarda » (v. 5 et 10), « Et je lui dis : Veux-tu… » (vv. 4, 7 et 8), la reprise régulière au début des trois premières strophes du pronom « elle » (vv. 1, 5, 9, 10), de l’adjectif « belle » (vv. 11 et 15), du nom « pieds » (vv. 2 et 9), et de l’adverbe « comme » qui enchaînent ainsi les vers 12 et 13.

- celles de sonorités :

• le choix de nombreuses assonances claires et vives en « é » en fin de vers (vv. 1 et 3) ainsi qu’à l’hémistiche (vv. 6, 8 et 9), en « è » (vv. 5, 7 14 et 16), celles en « u » (hémistiche des vv. 2, 4 et 7, et répétée aussi au v. 8), en « i » (vv. 9 et 11), en « a » (vv. 13 et 15) ;

• le choix de beaucoup d’allitérations, particulièrement en fin de vers (mais pas seulement), avec des consonnes continues : « v » (vv. 3, 4, 7, 8, 9, 11, 13, 14, 15, 16), « f » (vv. 1, 3, 6, 8, 9, 10, 15) et « ch » (vv. 2, 4), « m » (vv. 5 et 7) qui expriment la douceur et l’intensité de l’émotion ;

• le jeu de sonorités initial (paronomase) avec « déchaussée / décoiffée » (v. 1), ce dernier adjectif rimant plus loin avec le substantif « fée » qui évoque aussi un monde merveilleux ;

• dans les trois premières strophes le poète use de rimes suffisantes, ce qui ajoute à la légèreté ressentie, mais dans la quatrième strophe, les rimes deviennent riches, comme pour faire ressentir un peu plus la plénitude de la rencontre qui s’approche.

Imitant ainsi des oiseaux qui chantent (cf. v. 12), en répétant sans fin leur mélopée à la période printanière des amours, toutes ces anaphores lexicales et ces redondances homophoniques confèrent au poème comme un ton d’insouciance et de légèreté propre au caractère « féérique » d’une improbable rencontre de deux êtres attirés subitement l’un vers l’autre.

Enfin, à cette musicalité poétique s’ajoute un style lyrique bien romantique marqué par la présence du « je » et du « moi », pour partager le sentiment amoureux et la sensualité vécue par le narrateur (« Moi, … Et je lui dis », vv. 3, 4 et 7 ; « Je vis venir à moi », v. 14), et par des exclamations imagées associant la nature et le temps au diapason du plaisir ressenti : « Oh ! comme les oiseaux chantaient au fond des bois ! », v. 12 ; « Comme l’eau caressait doucement le rivage ! », v. 13 ; « c’est le mois où l’on s’aime », v. 7).

II. Le ballet de la passion amoureuse.

1. Le jeu de séduction féminin/masculin par le regard et la parole

Le poème s’ouvre sur un jeu d’alternances entre un personnage féminin inconnu, silencieux et mystérieux (« je crus voir une fée », v. 3), marqué du pronom « Elle » (vv. 1 et 2 des strophes 1 et 2), et un personnage masculin, le poète qui lui adresse la parole (vv. 3-4 des strophes 1 et 2).

« Elle » est le premier mot du poème, comme pour mieux souligner l’apparition subite de celle qui est à l’origine de ce souvenir de jeunesse (cf. l’usage de l’imparfait et du passé simple) et la séduction immédiate qu’elle a opéré sur le narrateur par son caractère à la fois naturel et « ensauvagé ». À l’opposé des femmes de la société, toujours vêtues de la tête aux pieds, coiffées, maquillées, à l’opposé aussi, peut-être même, de l’image qu’on peut se faire d’une « fée », « elle » a en effet une toilette et une allure désordonnées : « décoiffée » (v. 1), « assise… parmi les joncs » (v. 2). Et à l’insistance répétée sur le fait qu’elle ne porte rien aux pieds (« déchaussée », v. 1 ; « pieds nus », v. 2) s’ajoute le fait qu’elle ne parle pas, mais s’exprime seulement par l’intensité de son regard « suprême » porté par deux fois sur le promeneur (vv. 5 et 10). Bien qu’en apparence « sauvage » et muette, elle ne semble donc pas farouche.

Aussi, en réaction, le « Moi…je » du poète séduit s’expose aussi crûment mais par la parole, et avec une hardiesse soulignée par l’invitation deux fois formulée, l’évocation de lieux classiques pour faire allusion clairement à une demande de rencontre charnelle, et le tutoiement direct : « Veux-tu t’en venir dans les champs…nous en aller sous les arbres profonds ? », vv. 4 et 8. Il n’hésite pas non plus à prendre à parti le lecteur et à l’associer à son expérience commune du désir et de la beauté vaincue « quand nous en triomphons » (v. 6).

2. La danse du désir amoureux dans un cadre édénique

L’intensité du regard et la beauté sauvage de cette « fée » envahissent presque toute la scène de la troisième strophe (vv. 9-11), faisant monté le suspense évoqué plus haut et poussant alors le poète à l’exclamation de son désir (v. 12), comparé à celui des oiseaux s’exprimant par leur chant à la période des amours printaniers (cf. v. 12), comme s’il pressentait de plus en plus fortement une réponse positive à son invitation à l’amour.

Enfin, le ballet s’achève sur une quatrième et dernière strophe (en forme de chiasme par rapport à la première strophe), avec une seconde exclamation du poète, encore plus sensuelle, choisissant à nouveau l’image naturelle de l’eau caressant la rive (cf. v. 13), pour évoquer le rapprochement des corps (« je vis venir à moi… », v. 14), suivie d’une nouvelle description de la «

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