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Les Flux Migratoires En Turquie

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ui émigrent à l’étranger sont devenus une composante non négligeable dans la perception de l’espace turcophone. Il est vrai que la Turquie, prise entre l’Europe au nord-est, l’Afrique au sud-est et l’Asie Centrale à l’est, constitue une véritable corridor entre un espace peu stable, celui des républiques turcophones de l’Ouzbékistan, de l’Azerbaïdjan, du Kirghizstan, du Turkménistan et du Kazakhstan, un espace très conflictuel, celui des pays limitrophes proche orientaux (Iran, Irak, Syrie) et enfin, l’Union Européenne, pour laquelle la Turquie est candidate depuis plus de vingt ans ; à cela, il faut également ajouter le problème du territoire kurde qui s’étend sur quatre Etats. C’est donc une véritable plateforme via laquelle circulent des populations variées, mais c’est également un pays d’accueil, car rappelons que la Turquie constitue pour les victimes de conflits identitaires et d’instabilité politique de l’Est un important pôle d’attraction, synonyme de calme politique et de stabilité économique. Mais celle qui exerce le plus cette attraction, cette séduction même, c’est l’Europe, pleine de promesses aux yeux des Turcs, d’autant plus qu’elle est dorénavant largement accessible. Pays de départ donc, mais aussi pays d’accueil et plateforme transitoire, la Turquie est traversée par des dynamiques migratoires extrêmement complexes et variées, que cela soit à une échelle régionale, nationale ou mondiale. Bien sûr, ces grands courants ne sont pas sans conséquences sur l’identité turque, qu’elle soit perçue d’un œil intérieur, le leur, ou extérieur, celui des citadins des villes étrangères dans lesquelles ils émigrent.

Comment donc ces mouvements de population, incroyablement riches et présents à toutes les échelles, qui agitent et façonnent l’espace turcophone nous permettent-ils de dresser un portrait entre bigarrure et cohérence, de ce qui constitue la turcité d’aujourd’hui ?

Dans un premier temps, nous nous intéresserons aux migrations qui ont lieu au sein même de la Turquie, mais qui prennent, selon les échelles et les ampleurs, des sens radicalement différents les uns des autres. Ensuite, nous verrons comment, prises dans leur dimension internationale, ces dynamiques s’enrichissent considérablement. Enfin, nous tenterons de comprendre les conséquences positives et néfastes de ces mouvements aussi bien à l’échelle urbaine que mondiale et tant au niveau humain qu’à celui de l’organisation spatiale qui se met en place et qui reconfigure aujourd’hui l’espace turcophone.

Tout d’abord, il importe de comprendre quels facteurs sont à l’œuvre dans l’accroissement des mobilités humaines en Turquie. D’un point de vue démographique, il semblerait que le pays ait une population particulièrement apte à migrer. En effet, malgré le difficile recrutement dans la région du sud-est, la population turque se composant aujourd’hui d’environ 75 millions d’individus est en phase d’achèvement de sa transition démographique. C’est donc une population relativement jeune, l’âge médian étant de 27,7 ans et devant, selon les estimations, se fixer à 39 ans une fois la transition achevée. Ainsi les Turcs restent une population dynamique, prête à se déplacer en fonction des transformations économiques du pays. S’additionnant à la constante migratoire est-ouest, alimentée par l’attrait de villes ouvertes sur le monde (Istanbul, Ankara), mais surtout par la pauvreté et l’instabilité politico-économique qui sévissent à l’est de la diagonale Samsun-Gaziantep, se développe un nouveau courant migratoire, celui des migrations saisonnières. C’est en effet dans cette perspective que le facteur démographique entre le plus en compte, la population, jeune, n’ayant aucun mal à quitter sa ville natale pour les besoins de l’emploi. C’est principalement vers les grandes villes que ces flux convergent (Istanbul et Ankara d’abord, puis les principales villes de la mer Noire, en pleine expansion). Rappelons d’ailleurs qu’en 1997, 63% de la population stambouliote n’était pas née dans cette ville. Ces migrations touchent aussi bien les étudiants aisés que les jeunes diplômés venus travailler dans les finances que les marchands ambulants qui viennent vendre des produits traditionnels au fameux « Grand Bazar » de la capitale historique. Ces migrations saisonnières urbaines se transforment fréquemment en migrations définitives, certains ne retournant sur leur terre natale qu’au moment des fêtes religieuses. Seuls les travailleurs industriels exerçant dans les grands complexes en périphérie des grandes villes ne s’y installent pas et peuvent donc être considérés comme de véritables travailleurs saisonniers urbains. Ainsi actuellement, 75% de la population turque vit en ville. Ces migrations, à une échelle régionale, se sont traduites non par un flux campagne - grande ville , mais par un flux monde rural – ville proche, donnant ainsi lieu au développement de « petites villes » qui d’une part offre une alternative entre la campagne turque et l’étouffante mégapole, mais permet également un autre type de migration saisonnière, les migrations agricoles. Ainsi ces nouveaux citadins, rarement aisés, se trouvent à proximité des zones agricoles et peuvent selon les saisons, travailler sur les grandes exploitations du pays (à l’Ouest de l’Egée et de la Méditerranée principalement) ; on les appelle les « kokçu » . Ainsi l’urbanisation massive de la population turque n’est pas parvenue à la faire rompre avec ses traditions agricoles, héritées du nomadisme. Pourtant, ce phénomène de travail saisonnier reste, selon les chiffres, assez marginal puisqu’il ne concerne que 225 000 Turcs contraints à migrer par leurs difficultés financières. Pour la partie aisée de la population, ces flux de migrations sont plutôt le fait d’itinéraires individuels se faisant le plus souvent de ville à ville. Ainsi il n’est pas rare que les universitaires de Galatasaray (Istanbul) soient courtisés par les grands centres de recherche d’Ankara ou que des ingénieurs soient appelés sur de grands chantiers de construction, les nouveaux complexes touristiques des littoraux par exemple. Depuis peu, les voyages d’affaire se multiplient, fournissant la preuve que la Turquie est devenue un Etat à l’image des Etats européens, avec son élite et ses finances.

Pourtant, de nombreux efforts ont été fournis par les gouvernements successifs en Turquie pour briser la diagonale fictive Samsun-Gaziantep et développer l’est anatolien. Dans les années 70, la construction des barrages hydrauliques dans le cadre du projet du GAP visant à maîtriser le débit du Tigre et de L’Euphrate donne lieue à une arrivée massive de travailleurs en tout genre, du petit ouvrier à l’ingénieur civil. Ce qui a facilité cette migration, c’est l’assurance d’être rémunéré par l’Etat, ce qui contrastait avec le mauvais traitement habituel des ouvriers généré par l’économie grise. De même, par le développement des transports dans cette zone (lignes de chemin de fer mais surtout goudronnage des routes), il est devenu plus aisé d’y circuler bien que cela se fasse majoritairement par les rares bus et les voitures. Mais l’est de l’Anatolie n’est pas victime que des nids ne poule, il est, au sud surtout, secoué par des conflits politiques et identitaires et peu stable économiquement. Il renferme la plus importante partie du Kurdistan (« pays des Kurdes »), territoire qui s’étend au-delà des frontières, sur l’Iran, l’Irak et la Syrie. Depuis l’avènement de la Turquie moderne en 1923, les Kurdes d’Anatolie , qui comptant près de 15 millions d’individus ne sauraient être appelés « minorité » , font l’objet d’une oppression constante. Tentative de suppression de la langue kurde, répression féroce de l’opposition du parti du PKK, les gouvernements qui se sont succédé jusqu’à la fin des années 80 ont tenté de résoudre la « question kurde » en l’éradiquant plus ou moins, soulevant des vagues massives de migrants kurdes vers les grandes villes, où il leur est plus aisé de dissimuler leur identité. A l’échelle régionale, l’élite kurde se déplace vers les grandes villes du sud-est telles que Van et Diyarbakir, qui devient le centre d’impulsion de la vie économique et politique kurde et le centre décisionnel du PKK. Les conditions géographiques défavorables du sud-est, mais également la volonté de donner une cohérence à l’organisation kurde sont à l’origine de cet exode rural à l’ échelle locale. A un niveau national, les plus coopératifs des Kurdes, poussés par le besoin, se joignent aux grandes vagues de migrants saisonniers Turcs pour travailler dans les mêmes structures industrielles ou agricoles. Pourtant, les migrations kurdes en Turquie ne sont pas uniquement motivée par la contrainte économique. Dès le milieux des années 80, les villageois kurdes sur largement « encouragés » par le gouvernement à se déplacer sous prétexte que le PKK représente une menace réelle. Refusant de coopérer contre rémunération, les Kurdes sont « exilés » de force vers les grandes villes et doivent se reloger comme ils le peuvent. Aujourd’hui, on estime à plusieurs milliers le nombre de Kurdes à Istanbul. La grande ville est en effet un lieu privilégié par le déplacement les minorités qui peuvent y monter de discrètes associations et ouvrir de petits commerces. Les Alevis par exemple peuvent pratiquer leur religion à l’abris des regards et échapper à une stigmatisation par régions. Les migrations turques peuvent donc également être d’ordre politique et social,

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