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Summu Jus Summa Injuria

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éveloppement de justices parallèles qui entendent ne se référer qu’aux seules ressources de la morales sans se préoccuper de la légalité c’est-à-dire de la question de l’universalisation des principes (la vendetta par exemple).

La justice est prise en effet entre deux exigences qui tendent à complexifier et donc parfois à émousser la radicalité de ses jugements: il lui faut à la fois se montrer humaine et modérée mais, inversement, elle doit aussi être impartiale et incorruptible. C’est donc être au-dessus du jugement humain, l’image du jugement divin. L’institution s’impose à elle-même les règles qui doivent garantir sa pureté : la séparation des pouvoirs qui la met à l’abri des contraintes politiques, l’incorruptibilité des juges rémunérés non par les justiciables eux-mêmes mais par l’Etat, l’obligation de débats contradictoires qui donnent la parole de manière équilibrée aux deux parties opposées dans un procès. Chacun de ces garde-fous a pour vocation de protéger les juges de leurs propres faiblesses : les ambitions politiques, financières, les affinités personnelles.

Les principes mêmes du fonctionnement judiciaire contribuent à en faire une institution formaliste et donc parfois en contradiction avec ce que chacun peut concevoir comme étant son devoir d’humanité. Le cas d’Antigone, tel qu’il est dépeint dans le texte de Sophocle, en est un exemple flagrant : la fille d’Œdipe réclame une sépulture pour son frère mort à la guerre dans le camp des ennemis de Thèbes, son oncle Créon, le roi, refuse sa requête au nom de la loi. Quand bien même il comprend les raisons qui motivent Antigone, quand bien même il entend les mobiles du cœur, il ne peut s’y soumettre : « dura lex sed lex » (la loi est dure mais c’est la loi). La justice ne doit pas écouter les raisons mais se soumettre à la raison, elle ne doit pas faire d’exception même lorsqu’il s’agit des puissants, elle doit vouloir le bien général et rester sourde à l’intérêt particulier. Or, explique Créon, quoique Polynice ait été son neveu, il n’est pas juste pour la cité que lui, le traitre, soit enterré avec les mêmes honneurs que le brave. A l’inflexibilité de la loi qui mène à l’injustice, Antigone oppose l’universalité des principes moraux. La justice semble ici être prise en flagrant délit d’excès. Pour être tout à fait exact, rappelons le contexte de l’affaire : Polynice est revenu dans Thèbes en ennemi car lui-même avait été floué par Etéocle de son droit à régner. C’est donc au nom même de la justice qu’il se retrouve l’ennemi de Thèbes et pour la rétablir qu’il combat son propre frère. Le jugement de Créon est donc plus partial qu’il n’y parait puisqu’il qualifie de traître celui qui, après tout, était dans son bon droit. La poursuite de la réflexion souligne donc l’une des difficultés de la justice : l’incertitude où elle est des mobiles et des motifs, l’obligation qu’elle a de juger le fait actuel sans pouvoir régresser à la totalité des causes. Un tel exemple nous conduit donc en effet à considérer ce que peut avoir d’excessif et donc d’injuste le verdict rendu par Créon : summum jus, summa injuria ! A vouloir rendre la justice les yeux bandés n’en vient-on pas à méconnaître les particularités que présentent chacun des cas et à rester aveugle au bon sens ?

Inflexibilité de la loi, expression de la volonté générale / flexibilité de la justice)

Cette réflexion rejoint des questions d’actualités concernant par exemple les droits des étrangers à acquérir la nationalité française ou encore à résider en France. Peut-on légalement estimer qu’il y a de bons (les étudiants, les travailleurs, les diplômés, les malades) et de mauvais (les chômeurs, les délinquants…) étrangers et que selon les cas il convient de leur offrir ou non la citoyenneté ? En d’autres termes, est-il du ressort de la justice de poser les critères du bien et du mal à travers les jugements qu’elle rend ? Les atermoiements de la justice semblent en l’occurrence refléter ceux du politique c’est-à-dire du corps social. Cet exemple met en évidence le fait que la justice est seconde par rapport au politique c’est-à-dire aux valeurs que celui-ci pose. Dans une république démocratique c’est aux citoyens de décider des valeurs par le biais des élections (du président, des députés). Les représentants du peuple deviennent ensuite législateurs. Si le peuple est souverain, ses décisions majoritaires s’imposent alors absolument et sans exception : peut-on à la fois avoir légiféré sur le bannissement du traître et réclamer qu’on lui rende hommage ? Peut-on vouloir un durcissement des lois sur l’acquisition de la nationalité française et réclamer néanmoins qu’on fasse exception pour certaines catégories de personnes ? Le principe premier de la justice est celui de l’égalité et c’est pour cette raison que le droit ne peut faire d’exception. La loi ne peut être excessive lorsqu’elle se contente d’exprimer la volonté générale, elle ne peut être alors que rigoureuse et égalitaire. Elle est perçue comme excessive lorsqu’il existe un hiatus (opposition) entre les citoyens et leur appareil législatif : soit que la loi est devenue obsolète suite aux évolutions de la société, soit que les juges se laissent influencer par des intérêts particuliers et désobéissent à la volonté générale. [« Peu importe, en effet, que ce soit un homme de bien qui ait dépouillé un malhonnête homme, ou un malhonnête homme un homme de bien, ou encore qu'un adultère ait été commis par un homme de bien ou par un malhonnête homme : la loi n'a égard qu'au caractère distinctif du tort causé, et traite les parties à égalité, se demandant seulement si l'une a commis, et l'autre subi, une injustice, ou si l'une a été l'auteur et l'autre la victime d'un dommage. » Aristote Ethique à Nicomaque]

L’expression cicéronienne exprime alors nos propres contradictions quant aux valeurs qu’il convient d’universaliser par le moyen de la loi. Le mot droit provient du latin directus, terme qui désigne d’abord en géométrie, une ligne infinie et sans épaisseur. Cette origine souligne l’abstraction nécessaire du droit qui ne s’élabore pas à partir de cas concrets mais à partir d’une construction intellectuelle sur le meilleur ordre social possible. Le travail de la justice est d’abord, comme le souligne Aristote dans l’Ethique à Nicomaque, une réflexion sur l’égalité arithmétique qui doit garantir l’égalité entre les citoyens. Le juge ne peut évidemment ignorer parfois que l’application stricte du droit peut conduire à une injustice particulière. Pensons aux exemples fréquents désormais d’euthanasies ou d’actes présentés comme tels. Si le juge peut concevoir l’innocence, voire le courage de Mme Humbert, la justice décide néanmoins d’un non-lieu, non d’un acquittement, au titre que la décision volontaire de mettre fin à la vie d’autrui ne peut être juridiquement justifiée. La décision de justice est ici l’expression d’un de vifs débats dans le corps social entre partisans et opposants à l’euthanasie. On ne peut parler d’excès de justice mais éventuellement de carences du droit ou encore d’impossibilité à statuer quand les questions sont moralement irrésolues.

La justice s’établit sur des principes (de princeps, ce qui est premier et ce qui décide) dont on voit qu’ils sont portés par les peuples dans les régimes démocratiques. Ces principes peuvent être dans d’autres types de gouvernements imposés par celui qui commande en fonction de son intérêt et de celui des classes qui le servent et donc être arbitraires et moralement condamnables. Une loi ne peut en effet contenir à la fois des prescriptions et la série des exceptions. Une justice fondée sur l’arbitraire n’est alors appelée telle que par homonymie puisqu’elle contredit l’essence même de la justice (c’est-à-dire la conformité au droit). L’exemple de l’évolution du droit anglais constitue une bonne illustration de cette démonstration : pour lutter contre l’injustice du bon vouloir du prince, les barons imposent l’Habeas Corpus c’est-à-dire « le droit au juge », intermédiaire entre le pouvoir politique et le citoyen. Pour conclure sur ce point, nous avons constaté que l’institution judiciaire dans son fondement ne peut être jugée excessive quand elle réclame l’égalité de traitement entre les citoyens et qu’elle se contente d’appliquer la loi républicaine. C’est donc dans un autre sens que l’on peut dire « summum jus, summa injuria », lorsque l’excès se trouve non pas dans la loi elle-même mais dont la manière dont la justice est rendue.

Confiscation de la justice par le juge ou le pouvoir politique, oubli de la proportionnalité)

Le procès de Socrate (Apologie de Socrate) est à ce titre exemplaire : on voit s’y opposer le respect pour la loi comme émanation de la raison et l’anathème sur les juges coupables

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