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Aimé Cesaire

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ment, et là, bercé par les effluves d’une pensée jamais lasse je nourrissais le vent, je délaçais les montres et j’entendais monter de l’autre côté du désastre, un fleuve de tourterelles et de trèfles de la savane que je porte toujours dans mes profondeurs à hauteur inverse du vingtième étage des maisons les plus insolentes et par précaution contre la force putréfiante des ambiances crépusculaires, arpentée nuit et jour d’un sacré soleil vénérien.

Au bout du petit matin bourgeonnant d’anses frêles les Antilles qui ont faim, les Antilles grêlées de petite vérole, les Antilles dynamitées d’alcool, échouées dans la boue de cette baie, dans la poussière de cette ville sinistrement échouées.

Au bout du petit matin, l’extrême, trompeuse désolée eschare sur la blessure des eaux ; les martyrs qui ne témoignent pas ; les fleurs de sang qui se fanent et s ‘éparpillent dans le vent inutile comme des cris de perroquets babillards ; une vieille vie menteusement souriante, ses lèvres ouvertes d’angoisses désaffectées ; une vieille misère pourrissant sous le soleil, silencieusement ; un vieux silence crevant de pustules tièdes, l’affreuse inanité de notre raison d’être.

Au bout du petit matin, sur cette plus fragile épaisseur de terre que dépasse de façon humiliante son grandiose avenir – les volcans éclateront, l’eau nue emportera les taches mûres du soleil et il ne restera plus qu’un bouillonnement tiède picoré d’oiseaux marins – la plage des songes et l’insensé réveil.

I. La nature corrompue par le colonisateur

Aimé Césaire se présente dans ce texte comme un poète engagé à la manière de Victor Hugo.

1) Comme le prophète, il rappelle à temps et à contretemps la valeur du mode de vie traditionnel des antillais, peuple sensible à la poésie (d'une pensée jamais lasse). Le paradis perdu et ses images d'une vie idyllique (le fleuve des tourterelles et les trèfles de la savane) est conforté par les allitérations en « t », « r », « f » et surtout par la douceur des sonorités. Il se prémunie contre la contagion de la civilisation occidentale qui apparaît dans la construction orgueilleuse de buildings de vingt étages, orgueil qui engendre la dégénérescence physique et morale à laquelle font allusion les ambiances crépusculaires, le sacré soleil vénérien et plus généralement la métaphore de la putréfaction. A l'inverse de l'occidental qui élève des constructions orgueilleuses, il se présente comme l'homme des profondeurs. La certitude d'un horizon l'autorise à s'exprimer dans un style lyrique et accusateur à l'égard de ceux qui restent complices du désastre. L'invective de son adversaire est accentuée par la régularité du rythme et la répétition de "gueule".

2) Les procédés concernant l'organisation de la phrase.

Les images fortement dévalorisantes, l'antillais complice des européens est assimilé à des insectes, hannetons de l'espérance et punaise de moinillon qui renvoie à sa confiance naïve ou paresseuse face aux fausses promesses des hommes politiques, et peut-être des autorités religieuses. Il les accuse de porter malheur à leur peuple en les traitant de mauvais grigris. Par la suite, il les traite de lépreux aux chairs en décomposition qui acceptent le mensonge et ne protestent pas lorsque la vérité est bâillonnée.

II. La nature restaurée

L'anaphore du petit matin implique la métaphore de la longue nuit de la colonisation présentée comme le règne de l'empire du mal. Dans le premier paragraphe, le poète amorce la dénonciation des plaies physiques et morales de son peuple ; ce thème est repris dans le second paragraphe qui lui est entièrement consacré.

Face à cette catastrophe, le silence est d'autant plus répréhensible qu'il aggrave le mal, la maladie dont ils sont symboliquement atteints et surtout il interdit toute perspective de renouveau d'où les répétitions intensives des adjectifs « vieux » et « vieille » ; cet immobilisme mortifère conduit au désespoir qui s'exprime par un alexandrin blanc comme une formule bilan (l'affreuse inanité).

III. Le réveil de son peuple

La métaphore du petit matin présente à chaque début de paragraphe est annonciatrice de la fin de la longue nuit, même si elle semble encore lointaine.

a) Rappel du premier paragraphe

Après avoir évoqué dans le premier paragraphe l'existence du paradis perdu de la liberté et de la poésie qui sont les deux caractéristiques de la tradition africaine en opposition aux fausses valeurs imposées par la civilisation occidentale, le poète, dans le dernier paragraphe annonce les circonstances du réveil.

b) Fragilité et destin grandiose ne sont pas incompatibles, c'est pourquoi il fait honte à ses compatriotes de leur découragement. Ensuite, il dépeint leur libération sous la forme d'un cataclysme salvateur mis en relief par les allitérations. Il laisse ainsi entendre que la population secouera le joug de la répression économique et intellectuelle et qu'une sorte de déluge, l'eau nue, c'est-à-dire l'eau originelle, purifiera le pays du contact

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