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Commentaire Littéraire

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oète de la Pléiade, s’efforce-t-il dans le sonnet XLIII du recueil Sonnets pour Hélène, publié en 1578, de persuader sa Belle, Hélène de Surgères, de répondre à ses avances et de lui offrir ses grâces. Il renouvelle pour ce faire le topos du carpe diem horatien. (Lecture)

Problématique :

Il s’agira de comprendre comment ce sonnet conjugue discours de séduction et de persuasion et éloge du poète et de la poésie.

Plan :

I – Un discours de séduction

II – une stratégie au service de la persuasion : la prolepse

III – L’éloge du poète et de la poésie

I – Une argumentation destinée à faire réagir l’interlocutrice

La situation d’énonciation particulière nous autorise à parler de discours.

a) – une situation de dialogue :

- présence des marques de la 1ère personne : v3 « mes vers »/ v12 « mon amour » v9 « je serai » v10 je prendrai mon repos, v13 si m’en croyez.

- Mais aussi de la 2nde personne, dès le 2nd mot du poème : « VOUS » : v1 Quand vous serez bien vieille / v 8 votre nom, v 12 votre fier dédain

Le lecteur assiste donc à une sorte de conversation amoureuse, un discours galant du poète à sa belle, Hélène de Surgères, qui reste manifestement indifférente à ses avances et à ses sentiments. Il s’agit souvent d’une convention poétique.

On retrouve ici le motif de la belle indifférente signifié par l’expression « votre fier dédain » au v 12. Ce motif est un topos : un lieu commun.

Ce discours vise donc à persuader : conduire quelqu’un à agir comme on le souhaite en faisant appel aux sentiments (contrairement au verbe convaincre qui suppose que l’on fasse appel à la raison). Cette tentative de persuasion est notamment perceptible dans le 2nd tercet :

- phrases injonctives et verbes à l’impératif (ordre/ défense) : v13 et 14 : « Vivez » « n’attendez » et « cueillez »

Cette situation de dialogue se trouve dynamisée par la dramatisation de cette mise en scène : particulièrement au v 4 lorsque le poète feint de donner la parole à Hélène en recourant au style direct (guillemets) pour rapporter ses paroles.

b) – Un discours de persuasion construit :

La structure du poème est au service de la persuasion parce qu’elle répond à une stratégie qui opère en deux temps :

- dans les deux quatrains et le 1er tercet le poète évoque un futur sombre, celui de la vieillesse à venir, pour l’inquiéter et ménager son ainsi son attention. Les 2 quatrains constituent une unité thématique renchérie par une unité sonore [an]. Le terme « Lors » à l’entame du 2nd quatrain assure ce lien. Le tercet met en parallèle la destinée du poète et celle d’Hélène : parallélisme v 9 et 11 « Je serai »/ « vous serez »

- dans le 2nd tercet il l’invite à profiter de la vie en lui accordant ses faveurs, espérant que le premier mouvement du poème, du discours aura fait céder ses résistances.

Le sonnet est construit autour d’un effet de chute v 13 et 14 : retournement soudain du thème ou de la situation

- cet effet de chute est traduit par l’opposition entre l’avenir « quand vous serez bien vieille » au v1 qui trouve un écho au v 13 dans l’adverbe « demain » et la locution adverbiale « dès aujourd’hui » au v14.

- Après la mort et la vieillesse vient l’évocation de la vie ainsi que le souligne le recours au polyptote « vivez/ vie » : figure qui consiste à répéter dans une même phrase des formes différentes du même mot ou de mots de la même famille.

- Cette chute dramatise le motif du carpe diem dans la métaphore finale « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie »

Le motif du carpe diem : c’est une locution latine extraite d’un poème d’Horace (auteur latin du 1er siècle avt JC) : « Carpe diem quam minimum credula postéro » : cueille le jour présent et sois le moins confiant possible en l’avenir. Cette phrase intervient alors que le poète cherche à persuader Leuconoé de profiter du moment présent. On retrouvait cette citation sur de nombreux cadrans solaires.

En poésie cette citation est devenue une maxime : formule argumentative très courte. Le motif du carpe diem est souvent associé à la fleur et plus particulièrement à la rose qui se fane si vite qu’il faut la cueillir dès sa floraison. La rose symbolise également souvent la beauté féminine.

On peut donc parler pour ce vers 14 de métaphore canonique, de topos de la brièveté de l’existence humaine dans la poésie du XVI°s.

Transition I et II : Mais cet effet de chute tire tout son poids d’une stratégie de persuasion fondée sur une prolepse saisissante.

II – Une stratégie au service de la persuasion : la prolepse :

1 – La prolepse :

Le poète appuie son entreprise de séduction sur une prolepse : projection dans le futur.

- verbes au futur : v 1 « Quand vous serez », v 5 « vous n’aurez », v 9 « je serai sous la terre » et v 11 « vous serez au foyer ».

Il s’agit pour lui d’amener Hélène à se projeter dans la vieillesse dont on rencontre d’ailleurs le champ lexical :

V 1 « bien vieille », v4 « du temps que » v 11 « une vieille accroupie »

Cette vieillesse est le temps où la beauté est fanée, ce que suggère l’allitération en [S] : elle traduit l’usure, l’amoindrissement, le flétrissement.

- le mot « vieille » est mis en relief par la coupe à l’hémistiche (sous l’accent) au v 1. Il est par ailleurs renchéri par l’adverbe intensif « bien ». On retrouve le terme employé comme nom au v 11 « une vieille accroupie », groupe nominal par lequel le poète accuse le trait (le grossit) : on constate un effet de crescendo par rapport au v1 , le substantif étant plus péjoratif que l’adjectif, et l’image plus crue. Le nom réduit la femme toute entière à cette déchéance. Ceci s’intègre dans un processus de démoralisation d’Hélène.

La vieillesse flirte avec la mort : celle du poète y est évoquée, mais celle d’Hélène est implicitement présentée comme imminente :

- le rythme irrégulier du v 1, et surtout du second hémistiche évoque la fragilité de l’existence humaine confrontée à la menace du temps (6 +2 + 4)

- l’adjectif « belle », mis en relief en fin de vers rencontre à la rime le mot « chandelle » : tout comme la chandelle s’amenuise, diminue avec le temps, la beauté se fane et s’éteint. Les verbes sont d’ailleurs à l’imparfait, un temps qui inscrit cette beauté dans l’ordre du révolu.

Le poète lui est alors présenté comme mort, il n’est plus présent qu’à la 3ème pers dans le v4, sous la forme de son patronyme « Ronsard » ce qui tend à instaurer une certaine distance entre elle et lui. La femme se sera donc plus entourée que de sa servante, vieillie elle aussi et défaillante « Déjà sous le labeur à demi sommeillant » v 6.

Le poète envisage sa mort mais il l’évoque sur le mode de l’euphémisme : figure d’atténuation qui consiste à adoucir la crudité ou la brutalité d’une idée ou d’un fait. L’allitération en [s] contribue également à en donner une image sereine.

Ex : champ lexical de la mort :

V9 « je serai sous la terre » / « fantôme sans os »/ « je prendrai mon repos » « « par les ombres myrteux » : renvoient aux Enfers de la mythologie grecque. Cette allusion évoque un lieu ombragé, agréable (la myrte : plante méditerranéenne symbole de la déesse de l’amour Vénus). La déchéance physique est occultée.

2 – Un effet de scène

Cette prolepse qui se présente comme un tableau, une scène de genre est dramatisée :

- le 1er quatrain dresse un décor : « au soir à la chandelle »v 1 + « assise auprès du feu » v2 qui trouve un écho v 11 « vous serez au foyer »

Ce cadre est en apparence paisible, activités correspondant à l’âge. On a le sentiment d’une intimité domestique sereine.

Ce tableau est presque vivant : verbes d’action au participe présent comme « dévidant et filant » qui actualisent les gestes + recours aux paroles rapportées au discours direct v 4

Mais ce tableau est nuancé, et l’on peut entrevoir une intimité aux connotations négatives. L’éclairage de la chandelle et de la lueur des flammes fait en effet de cette vision un tableau en clair-obscur qui suggère une fausse tranquillité. Il s’agit de montrer à Hélène la mélancolie qu’elle pourra alors ressentir, confrontée à ses regrets. Le moment choisi, « le soir », comporte également une dimension symbolique dans la mesure où il peut évoquer le soir de la vie, l’imminence

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