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De L'Esclavage Des Nègres, Montasquieu

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xion chez le lecteur plutôt que de le convaincre en l’enfermant dans un raisonnement qui n’est pas le sien. Montesquieu choisit donc de donner à voir les arguments des esclavagistes qui servent à justifier cette pratique. Le thème de l’esclavage est un thème phare de la réflexion du dix-huitième siècle en tant qu’injustice criante, il trouve donc tout naturellement sa place chez Montesquieu comme plus tard chez Voltaire dans Candide et dans l’Encyclopédie, notamment dans l’article « traite des nègres » du chevalier Louis de Jaucourt.

Nous allons nous intéresser, dans une première partie, au choix de donner à entendre la voix de « l’autre » et à l’utilisation de l’ironie, avant de nous attacher au fait que Montesquieu fait le portrait d’un peuple barbare, celui même qui se prétend civilisé.

I. L’ironie : donner à entendre la voix de l’autre

Montesquieu fait le choix, plutôt que de dénoncer la barbarie des esclavagistes et la pensée qui la sous-tend, de laisser la parole à l’autre pour mieux montrer l’ineptie de son raisonnement. Le texte est ainsi dominé par l’ironie qui invite à une lecture à rebours de l’argumentaire proposé.

A. L’introduction d’un double discours

Si, Montesquieu choisit l’ironie, il indique néanmoins dès le début du texte sa stratégie en utilisant une proposition hypothétique introduite par si ainsi que le conditionnel : « si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais ». Il souligne alors immédiatement le fait qu’il invite le lecteur à un renversement de perspective.

Par ce choix, il évite tout mauvaise compréhension du lecteur, qui est le danger majeur de l’ironie.

De plus, le choix du pronom personnel « on » est également significatif à plus d’un titre. Il désigne, en premier lieu, les esclavagistes mais du fait d’une désignation floue, il invite à considérer qu’il attaque aussi ceux qui cautionnent, ou même qui ferment les yeux sur cette pratique inhumaine. L’utilisation de ce pronom permet d’attaquer le plus grand nombre possible de façon anodine.

Nous voyons donc que dès la première phrase du texte, Montesquieu fait preuve d’une certaine virulence implicite puisqu’il remet en cause l’esclavage et ceux qui la pratiquent ou la tolèrent sans attaque directe.

Cette première impression est ensuite confirmée tout au long du texte par le ton faussement désinvolte et léger qu’il emploie pour parler de pratiques extrêmement violentes et sérieuses.

B. Une argumentation absurde

Nous allons voir point par point que Montesquieu nous donne à voir une suite d’arguments plus fallacieux les uns que les autres, mais avant même d’en venir aux arguments eux-mêmes, il est évident que la construction et l’agencement du texte n’est qu’une juxtaposition d’arguments sans cohérence les uns vis-à-vis des autres.

De plus, nombre d’entre eux sont absurdes, l’argumentation apparaissant alors comme une forme vide. En effet, si les arguments sont en apparence logique, ils ne les sont qu’en apparence : « et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre », le lien de causalité ici suggéré par la forme met en relation deux éléments sans lien aucun. De la même façon, dans « On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux », le non sens est amplifié, par l’apparence d’argument par analogie que revêt cette phrase. Il utilise ensuite l’exemple des Egyptiens, justifiant de cette façon leur barbarie par celle d’autres peuples. De plus, la comparaison est d’une complète incohérence puisqu’il s’agit de « juger de la couleur de peau par celle des cheveux ».

C. Une argumentation qui tourne à l’auto-justification

Nous avons vu que l’argumentaire développé par Montesquieu n’en avait souvent que l’apparence, cela est visible également par l’emploi de tournures catégoriques qui ne justifient en rien la thèse défendue mais soulignent la certitude du narrateur quant à ce qu’il énonce. On trouve ainsi : « ils ont dû », « il est presque impossible », « on ne peut se mettre dans l’esprit », « Il est si naturel de penser que », « on peut juger de », « une preuve que (…) c’est », « il est impossible que ».

Enfin, l’avant-dernier argument est non seulement absurde mais il n’a aucune valeur argumentative, il s’agit d’une pétition de principe qui prend comme présupposé ce qui est à démontrer. En effet, le raisonnement en deux temps contient un troisième terme implicite qui est considéré comme une évidence qui n’est pas à démontrer. Dans la phrase « [i]l est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens » est sous-entendu : or nous sommes des chrétiens. Quant au dernier argument, contenu dans la dernière phrase « [d]e petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié », la justification ultime serait de s’en remettre au jugement des autres, il n’y a donc pas d’injustice puisque les princes ne le considèrent pas qu’il y en ait une.

II. Un peuple barbare

Notre première partie nous a amené à souligner en quoi l’argumentation défendant la thèse esclavagiste est défectueuse et ne s’appuie que sur une apparente logique et sur des préjugés, nous allons voir maintenant qu’en plus d’être globalement inefficace, elle révèle la barbarie et la cruauté des esclavagistes, remettant ainsi en question l’idée que les Africains seraient des « sauvages » et les Européens des êtres « civilisés ».

A. Une argumentation basée sur des préjugés

Tout d’abord, une grande partie des arguments avancés sont étayés par des préjugés et des remarques superficielles concernant le physique. Cela est mis en valeur par l’importance du lexique du corps, très représenté dans le texte puisque l’on trouve : « pieds », « tête », « nez si écrasé », « corps tout noir », « couleur de peau », « celle des cheveux ». Le corps est ainsi évoqué de la tête aux pieds, on trouve même une allusion à l’organe sexuel : « les peuples d’Asie (…) privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée ». Nous voyons donc que la plupart des arguments sont basés sur des préjugés racistes qui n’ont comme seule justification la différence physique. On trouve en effet les arguments suivants, « Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre », la violence avec laquelle ils sont traités se justifierait donc par leur couleur de peau et la forme de leurs nez ! Quant au recours à l’instance de Dieu dans la phrase : « On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps noir », il s’agit de faire passer pour un argument d’autorité, ce qui n’est qu’un préjugé prêté à Dieu ! L’utilisation de l’épanorthose (autocorrection par adjonction d’un syntagme) « surtout bonne » qui restitue le dynamisme de la pensée et cherche à lui donner une plus grande véracité, met en valeur la perversité de la pensée esclavagiste et la perversité qu’il y a de l’attribuer à Dieu.

B. Une motivation toute économique

Finalement, les seules raisons réelles sont toutes économiques, qu’elles prennent l’allure d’un argument historique, comme le premier, « [l]es peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique » qui présente le peuple dit civilisé comme un peuple sanguinaire et violent (ce que met en relief le choix du verbe « exterminé » qui suppose non un combat égalitaire mais un massacre). Les Européens apparaissent donc comme un peuple pour lequel les

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