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Demain Des L Aube

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dresse à sa fille Léopoldine, disparue quatre ans plus tôt, et dont il commémore la mort dans un pèlerinage annuel entre Le Havre et Villequier, le village de Normandie où elle s’est noyée et où elle est enterrée.

La date réelle d’écriture est le 4 octobre 1847 : Victor Hugo l’a modifiée en « 3 septembre », veille de l’anniversaire de la mort de sa fille. Pauca meae est en effet une reconstruction artificielle qui commence par l’évocation de souvenirs attendris de l’enfance de Léopoldine, se poursuit par l’abattement devant la mort et se termine par une consolation religieuse avec les figures positives qui achèvent les derniers poèmes de la partie : Mors (« Tout était à ses pieds deuil, épouvante et nuit. / Derrière elle, le front baigné de douces flammes, / Un ange souriant portait la gerbe d’âmes ») et Charles Vaquerie (« Dans l’éternel baiser de deux âmes que Dieu / Tout à coup change en deux étoiles ! »).

PRÉSENTATION DU TEXTE

Dans les Contemplations, la mort de Léopoldine inspire à Hugo tantôt des réminiscences heureuses, tantôt de douloureux cris de désespoir. Le texte XIV de " Pauca meae ", très bref, et très simple, en apparence, n'est ni l'un ni l'autre. À la veille du quatrième anniversaire de l'accident, Hugo compose ces trois strophes d'une simplicité harmonieuse et d'un lyrisme touchant. Avec une détermination qui n'exclut ni l'émotion ni l'imagination, il décrit par avance le cheminement qui le conduira auprès de son enfant bien-aimée. Mais par la magie des images, des rythmes et par le charme du langage poétique, ce voyage vers le souvenir et vers la mort prend la forme d'un poème d'amour et d'une célébration. Léopoldine disparue revivra éternellement grâce à l'offrande de quelques fleurs. Car tel est le pouvoir de la poésie, d'immortaliser ce que la mort a fait disparaître.

I. LE VOYAGE

La structure du poème souligne une double progression dans le temps et dans l'espace, et un itinéraire mené avec détermination.

a. La progression dans le temps

Le poème débute par l'indication insistante du moment du départ (tout le vers 1 : trois notations de temps formant un groupe ternaire selon le rythme 2/2/8). Il se termine au crépuscule comme le souligne la métaphore du vers 9 (" l'or du soir qui tombe "). Le voyage occupe ainsi une journée entière sans interruption, à travers un paysage aux aspects variés.

b. La progression dans l'espace

Elle est exprimée par une série de compléments de lieu soulignant le passage, et la succession des paysages différents (anaphore de " j'irai par ", énumération des éléments de la nature " par la forêt ", " par la montagne "). On peut noter le caractère vague, sauvage et difficile de l'itinéraire suivi. Dans la strophe 3 le changement de paysage (il devient maritime et fluvial, ce que suggèrent " les voiles ", et le nom propre " Harfleur ") souligne indirectement la progression temporelle. Le mot " tombe " marque le point d'aboutissement, jusque-là inattendu.

c. L'itinéraire suivi avec détermination

| L'itinéraire est exprimé par l'emploi de verbes de mouvement (" je partirai ", " j'irai ", " je marcherai ", " j'arriverai "). Leur ordre marque le départ et l'arrivée, et une certaine façon de se déplacer, dont la détermination est soulignée par l'emploi répété du futur. La situation de ces verbes à l'intérieur du poème (" je partirai " occupe les premiers pieds du vers 2, " j'irai " ponctue le début de chaque hémistiche du vers 3) fait de chacun d'eux une étape importante et décisive de l'itinéraire. Ils ponctuent le texte en soulignant une volonté que rien ne saurait arrêter. C'est précisément cette détermination, et la manière de voyager, qui font apparaître ce voyage non comme un simple déplacement, mais comme un itinéraire sentimental. |

II. L'ITINÉRAIRE SENTIMENTAL

L'insistance à vouloir partir, que soulignent la répétition des compléments de temps du vers 1 et l'emploi constant du futur des verbes de mouvement, s'explique par le chagrin d'une séparation. L'indifférence à tout ce qui n'est pas la pensée de la bien-aimée met en relief la profondeur d'une relation sentimentale qui justifie un tel voyage.

a. Une relation affective profonde

Elle apparaît dans l'interpellation affectueuse qui termine le premier hémistiche du vers 2 (" vois-tu ") et dans le rapprochement " je "/" tu ", très affirmatif, (" je sais que tu m'attends ") ou négatif (" je ne puis demeurer... "). Le premier quatrain souligne par un jeu d'alternance entre " je " et " tu " (v. 2, v. 4) une double certitude : celle d'un " rendez-vous ", celle de l'incapacité d'accepter une situation douloureuse. Le rythme très régulier du vers 4 (3/3/3/3) sans aucune coupe forte, donne à cette fin de strophe la musicalité d'une incantation obsessionnelle.

b. L'indifférence au contexte du voyage

| Elle s'exprime par une certaine imprécision concernant le décor, par la négation des perceptions et par l'insistance sur des préoccupations personnelles. |

| L'imprécision de l'environnement . la nature du paysage environnant est simplement indiquée par des notions géographiques sans caractérisation (" la forêt ", " la montagne "). De même le paysage de la strophe 3 (" l'or du soir ", " les voiles ") semble indistinct, ce que suggère l'adverbe " au loin ". Le phénomène d'imprécision est d'ailleurs plus nettement souligné par les négations. |

| Les perceptions niées : la reprise de " sans " (" sans rien voir ", " sans entendre ") dans un vers lui-même très régulier, souligne une indifférence volontaire à toute perception auditive ou visuelle. Le refus des perceptions visuelles se retrouve aux vers 9 et 10 : tout intérêt éventuel pour un paysage esthétiquement émouvant est catégoriquement nié (négation du verbe " regarder "). De même, la confusion entre le jour et la nuit, qui s'exprime au vers 7 montre l'incapacité du voyageur à rester sensible à ce qui l'entoure. |

| Les préoccupations douloureuses : elles sont étroitement liées au refus de la solitude (v. 4) et à la nécessité d'un recueillement. Elles s'expriment à travers un vocabulaire de l'affectivité (" triste ", " seul ") et par la description d'un comportement soucieux : repli sur soi, poids des pensées. La méditation est toute intérieure et continue, comme le suggère le vers 5 et son rythme monotone, sans aucune rupture. Le poids du souci se traduit par l'énumération du vers 8, marquant une progression nette dans le rythme, et, peut-être, une démarche progressivement plus pesante (1/3/4/4). |

| L'itinéraire sentimental se révèle soucieux et douloureux. À mesure que se déroule le poème et le voyage, le poète, et le lecteur, se rapprochent de ce qui en fait la valeur affective et le drame. Le rendez-vous n'est pas celui de la vie, mais celui de la mort. Le choc du deuxième hémistiche du vers 11 conduit à une lecture rétrospective. Celle-ci est marquée par la présence obsédante de Léopoldine, que la poésie célèbre et fait, en quelque sorte, échapper à la mort. |

III. LE POUVOIR D'IMMORTALITÉ DE LA POÉSIE

La négation de la mort passe par plusieurs procédés propres au langage poétique, et mis en relief par les techniques de versification.

a. Le jeu poétique

Le dialogue " je "/" tu " fait apparaître une interlocutrice vivante et présente, aussi bien réellement que dans la pensée et dans le coeur du narrateur. L'emploi du présent d'actualité renforce cette idée ainsi évoquée, avec certitude, Léopoldine échappe à la disparition.

La négation de tout ce qui n'est pas la jeune fille traduit, implicitement, sa présence obsédante elle apparaît comme l'unique objet des pensées du poète. Le phénomène d'intériorisation, qui occupe une grande partie du texte (v. 4-10) est très habilement souligné par la structure de la strophe centrale, aux rimes embrassées. Cette strophe entièrement consacrée au narrateur (" je " omniprésent) semble faire abstraction de tout ce qui n'est pas lui-même. En réalité, le regard intérieur, détourné du contexte et du paysage, est entièrement tourné vers la pensée de Léopoldine. Cause de la tristesse du poète, elle est l'élément obsédant de son univers. Enfin le jeu d'alternance portant sur la négation et sur l'affirmation, souligne le refus qu'a Hugo de ce qui l'entoure et affirme la présence obsessionnelle de sa fille. Traverser des paysages en niant leur réalité sensible et affirmer en revanche une certitude qui relève de l'affectivité, permettent à Hugo

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