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pèce de maure,

Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,

Et vise au front mon père en criant: “Caramba! ”

Le coup passa si près que le chapeau tomba

Et que le cheval fit un écart en arrière.

“Donne-lui tout de même à boire”, dit mon père.

Victor Hugo

Bal des pendus

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins.

Messire Belzébuth tire par la cravate

Ses petits pantins noirs grimaçant sur le ciel,

Et, leur claquant au front un revers de savate,

Les fait danser, danser aux sons d’un vieux Noël !

Et les pantins choqués enlacent leurs bras grêles

Comme des orgues noirs, les poitrines à jour

Que serraient autrefois les gentes damoiselles

Se heurtent longuement dans un hideux amour.

Hurrah ! les gais danseurs, qui n’avez plus de panse !

On peut cabrioler, les tréteaux sont si longs !

Hop ! qu’on ne sache plus si c’est bataille ou danse !

Belzébuth enragé racle ses violons !

Ô durs talons, jamais on n’use sa sandale !

Presque tous ont quitté la chemise de peau ;

Le reste est peu gênant et se voit sans scandale.

Sur les crânes, la neige applique un blanc chapeau :

Le corbeau fait panache à ces têtes fêlées,

Un morceau de chair tremble à leur maigre menton :

On dirait, tournoyant dans les sombres mêlées,

Des preux, raides, heurtant armures de carton.

Hurrah ! la bise siffle au grand bal des squelettes !

Le gibet noir mugit comme un orgue de fer !

Les loups vont répondant des forêts violettes :

A l’horizon, le ciel est d’un rouge d’enfer…

Holà, secouez-moi ces capitans funèbres

Qui défilent, sournois, de leurs gros doigts cassés

Un chapelet d’amour sur leurs pâles vertèbres :

Ce n’est pas un moustier ici, les trépassés !

Oh ! voilà qu’au milieu de la danse macabre

Bondit dans le ciel rouge un grand squelette fou

Emporté par l’élan, comme un cheval se cabre :

Et, se sentant encor la corde raide au cou,

Crispe ses petits doigts sur son fémur qui craque

Avec des cris pareils à des ricanements,

Et, comme un baladin rentre dans la baraque,

Rebondit dans le bal au chant des ossements.

Au gibet noir, manchot aimable,

Dansent, dansent les paladins,

Les maigres paladins du diable,

Les squelettes de Saladins.

Arthur Rimbaud, Poésies

L’homme et la mer

Homme libre, toujours tu chériras la mer !

La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme

Dans le déroulement infini de sa lame,

Et ton esprit n’est pas un gouffre moins amer.

Tu te plais à plonger au sein de ton image ;

Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton coeur

Se distrait quelquefois de sa propre rumeur

Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.

Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets :

Homme, nul n’a sondé le fond de tes abîmes ;

Ô mer, nul ne connaît tes richesses intimes,

Tant vous êtes jaloux de garder vos secrets !

Et cependant voilà des siècles innombrables

Que vous vous combattez sans pitié ni remord,

Tellement vous aimez le carnage et la mort,

Ô lutteurs éternels, ô frères implacables !

Charles Baudelaire

Le dormeur du val

C’est un trou de verdure où chante une rivière,

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur Rimbaud

Oui, mais ainsi qu’on voit en la guerre civile

Oui, mais ainsi qu’on voit en la guerre civile

Les débats des plus grands, du faible et du vainqueur

De leur douteux combat laisser tout le malheur

Au corps mort du pays, aux cendres d’une ville,

Je suis le champ sanglant où la fureur hostile

Vomit le meurtre rouge, et la scythique horreur

Qui saccage le sang, richesse de mon coeur,

Et en se débattant font leur terre stérile.

Amour, fortune, hélas ! apaisez tant de traits,

Et touchez dans la main d’une amiable paix :

Je suis celui pour qui vous faites tant la guerre.

Assiste, amour, toujours à mon cruel tourment !

Fortune, apaise-toi d’un heureux changement,

Ou vous n’aurez bientôt ni dispute, ni terre.

Théodore Agrippa d’Aubigné

Paris

Où fait-il bon même au coeur de l’orage

Où fait-il clair même au coeur de la nuit

L’air est alcool et le malheur courage

Carreaux cassés l’espoir encore y luit

Et les chansons montent des murs détruits

Jamais éteint renaissant de la braise

Perpétuel brûlot de la patrie

Du Point-du-Jour jusqu’au Père-Lachaise

Ce doux rosier au mois d’août refleuri

Gens de partout c’est le sang de Paris

Rien n’a l’éclat de Paris dans la poudre

Rien n’est si pur que son front d’insurgé

Rien n’est ni fort ni le feu ni la foudre

Que mon Paris défiant les dangers

Rien n’est si beau que ce Paris que j’ai

Rien ne m’a fait jamais battre le coeur

Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer

Comme ce cri de mon peuple vainqueur

Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré

Paris Paris soi-même libéré

Louis Aragon, 1944

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