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Eclectisme

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méthodologie unique est impossible, et la variation méthodologique indispensable. 2) L’évolution des idées − avec en particulier la crise des idéologies, l’émergence de la notion de complexité, l’attention aux phénomènes environnementaux, la critique des structuralismes et le retour du sujet − amenait à remettre en cause, dans les Sciences humaines, toute cohérence globale, forte, permanente et universelle : or toutes les méthodologies constituées, approche communicative incluse, avaient jusqu’alors relevé de ce modèle unique de cohérence. 3) À l’impression personnelle, dans mes visites de classe en tant que formateur et dans mes conversations avec les collègues enseignants, d’une très grande diversité réelle des pratiques d’enseignement sur le terrain, venait s’ajouter l’analyse de l’évolution des manuels − en particulier de français langue étrangère −, qui faisait apparaître à partir des années 80 un abandon des formes exclusives de mise en œuvre de l’approche communicative au profit d’un éclectisme méthodologique d’ailleurs explicitement revendiqué par certains auteurs. Cet Essai sur l’éclectisme a été généralement bien reçu par les enseignants, qu’il déculpabilisait non seulement en expliquant mais en justifiant l’impossibilité où ils se trouvaient de respecter strictement toute orthodoxie méthodologique, quelle qu’elle soit : toute cohérence méthodologique globale, en effet, ne peut se construire puis se maintenir qu’en réduisant fortement la complexité réelle des pratiques d’enseignementapprentissage, particulièrement en éliminant la question de la gestion pourtant nécessaire des contraires (cf. infra). Cet ouvrage m’a valu par contre les critiques plus ou moins voilées d’une certain nombre de collègues didacticiens. Je reprends ci-dessous les deux principales : 1) J’aurais, en tant que chantre de l’éclectisme, légitimé dans l’esprit des enseignants qu’ils étaient désormais autorisés à faire « n’importe quoi » (qui inclurait le « n’importe comment », « n’importe quand », avec « n’importe qui », etc.), donc les pires régressions « traditionalistes », alors qu’un enseignant doit avoir des principes et des règles, et que les apprenants eux-mêmes ont besoin de cadrages et de régularités. Mais dès l’introduction de mon ouvrage, j’annonçais comme l’une des quatre « propositions » constituant ma thèse, en me référant au constat que je tirais de l’analyse des pratiques effectives et des manuels : « Cet éclectisme présente des aspects très positifs, mais peut aussi avoir des effets extrêmement pervers. » (p. 8)

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Dans les années suivant la publication de cet Essai sur l’éclectisme, j’ai dit ou écrit à plusieurs reprises que la langue française présentait cet avantage indéniable qu’on pouvait y faire la différence − très précieuse, en l’occurrence − entre « faire n’importe quoi » (et un enseignant de langue, effectivement, peut être amené à faire une chose et son contraire : faire parler ou faire taire, suivre les interventions imprévues de ses élèves ou les ramener autoritairement à sa programmation, susciter l’intervention des plus forts ou celle des plus faibles, etc. : la gestion de la complexité, c’est en particulier la gestion des contraires)… et faire « du n’importe quoi ». 2) J’aurais rendu un mauvais service à la formation des enseignants, en critiquant l’approche communicative (au titre qu’elle constituerait une cohérence limitative aussi insuffisante que les autres) alors même qu’elle n’était pas encore passée dans les pratiques de la plupart des enseignants. Mes trois réponses à cette seconde critique − digne assurément d’être prise au sérieux − sont les suivantes : a) Si nos prédécesseurs avaient considéré cet argument, nous en serions toujours restés à la méthodologie directe du début des années 1900, parce que ses grands principes − sollicitation permanente de l’activité personnelle de l’élève, recours exclusif à la langue étrangère en classe et approche globale des documents, par exemple − sont encore de nos jours loin d’être appliqués systématiquement dans les classes de langue ; à juste titre d’ailleurs, parce que la seule méthode dont on peut être sûre qu’elle est mauvaise a priori, c’est la méthode unique… b) Je ne peux pas admettre que l’on culpabilise les enseignants, quelle que soit la raison invoquée, comme celle qu’il faudrait « durcir le discours » pour qu’au moins une petite partie du message passe dans leurs pratiques. C’est la fameuse stratégie de la « contre-courbure » : pour redresser un bâton tordu, il faut le tordre dans le sens opposé. Je considère pour ma part que les enseignants, en tant que professionnels responsables (en formation continue) ou pour qu’ils le deviennent (en formation initiale), ont droit à un « discours de vérité », où les innovations sont présentées honnêtement, avec leurs avantages, mais aussi leurs limites et leurs possibles effets pervers. C’est le principe que je m’applique à moi-même, actuellement, dans mes interventions sur la « perspective actionnelle » du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL). L’éclectisme est la réponse empirique que les enseignants conscients et sérieux ont toujours apportée dans le passé − au prix élevé, souvent, d’une certaine culpabilisation ou d’un doute sur leur propre compétence professionnelle − à la complexité à laquelle ils sont constamment et directement confrontés. Leur proposer de remplacer une cohérence limitative par une autre, c’est de la part des formateurs un signe : d’inconscience d’incompétence d’irresponsabilité de perversité (Cocher obligatoirement l’une des quatre cases ci-dessus.) c) Depuis la publication du CECRL et l’interprétation que je fais de l’ébauche de la « perspective actionnelle » présentée par ses auteurs, je dispose d’un troisième argument, qui est que l’approche communicative correspond à un objectif social de référence actuellement dépassé, du moins dans l’enseignement scolaire européen. Il ne s’agit plus désormais, en effet, de préparer seulement nos élèves à un « parler avec » dans le cadre de rencontres initiales et ponctuelles avec des étrangers, mais aussi et surtout à un « vivre ensemble » dans une société multilingue et multiculturelle, ainsi qu’à un « travailler ensemble » dans un espace universitaire et professionnel en voie d’intégration au niveau européen. Mon Essai sur l’éclectisme n’en est pas moins daté, dans la mesure où la perception de l’éclectisme ne peut se produire que sur un fond d’attente qui est celui du type de cohérence que j’ai décrit plus haut, à savoir une cohérence globale, forte, permanente et universelle. Dans le champ de perception qui est le nôtre aujourd’hui, ce fond d’attente a disparu, et la notion elle-même d’ « éclectisme » n’a donc plus de sens : nous nous retrouvons « simplement » (si on peut dire !…), enseignants, auteurs de manuels, formateurs et didacticiens, face à une complexité qu’il nous faut désormais penser et gérer en tant que telle et en accord avec les idées de notre temps. Nous en avons les moyens, si nous savons les chercher et les mobiliser, le « paradigme de complexité » étant désormais pris en compte dans toutes les Sciences humaines. Mon prochain ouvrage n’est pas encore terminé, mais son titre est déjà arrêté, Introduction à la didactique complexe des langues-cultures. Ce titre n’est pas si modeste qu’il peut paraître, parce qu’il fait allusion aux ouvrages de deux de mes principales références épistémologiques :

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− Edgar Morin. 1900. Introduction à la pensée complexe. Paris : ESF éditeur, 160 p. − Richard Rorty. 1995. L'espoir au lieu du savoir. Introduction au pragmatisme. Trad. fr. Paris, Albin Michel (coll. « Bibliothèque internationale de philosophie »), 158 p. Je pense que la lecture de cet Essai sur l’éclectisme peut être utile aux enseignants et aux formateurs, parce que la nouvelle épistémologie qu’il promeut permet d’envisager le dépassement de cet éclectisme empirique au profit d’une conception de notre discipline plus adaptée aux enjeux et difficultés réels auxquels sont confrontés les enseignants et les formateurs, celle d’une « didactique complexe des langues-cultures ».

Christian PUREN Castillon-en-Couserans, 30 octobre 2008

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