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L'Ecole Des Femmes Molière

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Le mariage d’Horace et de la fille d’Enrique, qui promet un moment de rétablir le schéma marital dans sa légalité, s’avère en réalité un artifice auquel Molière a recours pour que triomphent l’amour et le plaisir. Il emprunte alors à la comédie à l’italienne le motif final de la reconnaissance. Comme dans la farce, le comique joue de lazzi - faux dialogues ou monologues imbriqués d’Arnolphe et du notaire - de bastonnades, de rebondissements, de retournements brusques de situation, de quiproquos. Ce schéma farcesque est compliqué par la situation de communication. Arnolphe possède dès le départ une double identité, qui fait de lui le réceptacle des confidences de l’un et l’autre des deux amants, mais également l’obstacle à leurs voeux. La communication est de ce fait toujours biaisée : Arnolphe, comme le spectateur, en sait toujours plus que son interlocuteur, dont il joue de la naïveté. Mais finalement, c’est lui qui est ridiculisé et qui voit déjouer tous ses stratagèmes pour couper Agnès du monde extérieur.

Loin de la scène et de ces rebondissements farcesques se déroule le roman d’Agnès et d’Horace, qui par son nom s’inscrit dans un univers livresque. On n’assiste jamais aux entretiens des deux amants : tout se passe hors scène dans un entre-deux qui permet la naissance de l’amour et que l’on prend plaisir à raconter. Dans les amours d’Horace et d’Agnès, il y a de la comédie d’intrigue : des rendez-vous secrets, des amants qui grimpent aux échelles et qui promettent d’enlever leur belle des griffes de tuteurs tyranniques,des lettres d’amour cachées sous des cailloux, des domestiques complaisants… La scène est donc le lieu de la déconfiture d’Arnolphe, qui découvre a posteriori que ses précautions ne servent à rien. L’essentiel de l’action se déroule en dehors, et se raconte sur la scène. Le rêve d’Arnolphe est en fait de supprimer ce hors-scène qui porte atteinte à son honneur et met en danger ses projets. Et pour ce faire, il projette d’isoler toujours plus une Agnès qu’il a fait élever loin du monde et de ses perversions. A plusieurs reprises, il la renvoie dans sa chambre qu’il fait garder de près. A l’acte V, il la menace même de l’envoyer dans un couvent. Arnolphe outrepasse ici les prérogatives du mari - qu’il n’est pas encore d’ailleurs - berné. Tel Pygmalion, il désire fabriquer un être à sa mesure. En scène pendant trente et une scènes (sur trente-deux), il mène son combat en multipliant les gestes propitiatoires. Son défi est celui d’un démiurge bourgeois, aspiré par le conservatisme et hanté par un rêve enfantin et destructeur. Il s’inscrit dans la « grande confrérie » des maris trompés, mais il y a quelque chose de morbide et d’asocial dans sa terreur d’y être lui-même enrôlé. Sa lutte pour protéger ce qu’il a mis tant de soins à créer, à partir d’une longue observation des lois de l’amour et du mariage, ne recule devant aucun abus de pouvoir. Son entreprise n’est autre qu’une séquestration, qui commence par celle de la culture et de l’esprit de sa créature, à laquelle il interdit tout développement, et qui finit par être celle du corps : il ne supporte pas l’idée que celui-ci puisse lui échapper et préfère le retirer définitivement de tout commerce en envoyant Agnès au couvent.Tous les moyens sont bons : ceux de la farce (bastonnades…), mais également arguments d’autorité ; Arnolphe se sert de la religion comme d’un épouvantail pour terroriser Agnès.

Comme dans chacune de ses grandes comédies, Molière use de types qu’il emprunte à une tradition comique ou farcesque et qu’il complexifie. Ingénue et innocente, Agnès sort petit à petit de sa naïveté pour s’opposer à son tuteur. Arnolphe, lui, est à la fois la cible du rire et celui qui ne parvient pas à se faire aimer : celui qui n’ayant réussi à empêcher la vie hors scène est obligé de la quitter et de laisser la jeunesse et l’amour triompher.

L’éducation des femmes et la morale en danger

La querelle de L’Ecole des femmes n’est pas uniquement une bataille littéraire. Molière s’attire les foudres de tous les ennemis du théâtre, ceux que n’avaient jamais désarmés ni Richelieu, ni Mazarin, ni Foucquet. Parmi les plus farouches adversaires du théâtre, on compte le prince de Conti, ancien protecteur de Molière à Pézenas. Mais surtout, il a contre lui tous ceux qui, déjà, bien avant Tartuffe et Dom Juan, l’accusent d’impiété. L’Ecole des maris est construite comme une rivalité entre deux frères, Ariste et Sganarelle, qui défendent deux conceptions contraires de l’amour, du mariage et de l’éducation des femmes. La comédie donne finalement raison à Ariste, qui fait le choix d’élever librement sa pupille et de l’ouvrir à l’école du monde, contre Sganarelle qui, comme Arnolphe, est convaincu que le seul moyen de se mettre à l’abri du cocuage est d’enfermer sa femme dans la sottise et l’ignorance. Dans L’Ecole des femmes, le personnage de Chrysalde n’est pas impliqué dans une intrigue parallèle à celle d’Arnolphe. La pièce ne se constitue pas en laboratoire où deux expériences se dérouleraient de front pour finalement invalider l’une ou l’autre des conceptions du bonheur exposées d’emblée. Chrysalde est là pour mettre en garde Arnolphe et proposer une autre morale, fondée non pas sur la contrainte, mais sur un libre usage des plaisirs. La pièce, si elle condamne Arnolphe à la solitude, à défaut du cocuage, ne lui donne pas raison pour autant. Son dénouement dit d’abord le triomphe de l’amour, qui met des vers dans la bouche des sottes, et d’un désir qu’aucune entrave ne peut contrarier. Légitimes, le désir et l’amour n’ont alors d’autre dessein que de devenir légaux. L’attaque contre les livres de morale largement répandus et appréciés à l’époque, notamment La Guide des pécheurs, a commencé insidieusement dans Le Cocu imaginaire. Molière y suggère que la morale et la religion traditionnelles s’accommodent mal des nouvelles formes de sociabilité mondaine. Avec L’Ecole des femmes, il va plus loin et montre qu’elles peuvent devenir le fondement de graves abus de pouvoir masculin. Molière devient alors l’ennemi des défenseurs du mariage chrétien et de la condition de la femme qu’il implique. L’immoralité de L’Ecole des femmes a été affirmée d’emblée par toute une part de l’opinion, mais n’a jamais été l’occasion d’un vrai débat de fond qui critiquerait la morale de plaisir qui sous-tend la pièce et le rapport subversif entre les sexes qui y est suggéré. On a réagi sur des détails et non sur le fond. Comme sur ce fameux « le » de la scène 5 de l’acte II5. L’obstacle le plus grave tient à la modification de la conception de la moralité. Pendant longtemps en effet, on a tenu le péché de chair pour une faiblesse regrettable mais inévitable dont on aime à entendre parler.

Arnolphe : Ne vous a-t-il point pris, Agnès, quelque autre chose ? Agnès : Hé, il m’a…pris…le…[…] Il m’a pris le ruban que vous m’aviez donné.

Après le concile de Trente, un rigorisme, qui allie foi et morale, condamne cette conception laxiste et suscite un conflit de générations. La pièce fait peur parce qu’elle s’inscrit en porte-à-faux avec un mouvement qui prend de l’ascendance. Et Molière est dangereux, qui caricature les préceptes de la morale bourgeoise en la mettant dans la bouche d’un

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