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La Monnaie

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ne suffit pas pour qui veut la vendre (M-A) ou l’acheter (A-M). Il lui faut également connaître le prix de la monnaie A en unité de compte. Dans la configuration usuelle, ce dernier prix valant 1 par convention, les transactions en sont grandement simplifiées. Cette conception instrumentale trouve dans l’idée de neutralité de la monnaie son expression la plus achevée : la monnaie est dite neutre lorsqu’elle se cantonne strictement à sa fonction d’intermédiaire des échanges sans influencer en rien les grandeurs économiques qu’elle fait circuler. Ni le niveau de production et d’emploi, ni les rapports d’échange des marchandises entre elles ne se trouvent modifiés par sa présence. Certes, lorsque son émission augmente, cela modifie les prix monétaires mais comme ils varient tous proportionnellement, cette variation laisse inchangée les grandeurs réelles (théorie quantitative). Supposons, par exemple, que la masse monétaire soit multipliée par deux. Dans ces conditions, le prix du bien A passe de 10 à 20, celui de B de 2 à 4, mais leur rapport demeure inchangé : un bien A vaut toujours cinq biens B. De même, la production réelle de biens reste constante. Tout se passe in fine comme si on avait opéré un simple changement conventionnel d’unité de compte. Dans cette perspective, la monnaie se donne à penser comme un voile ou comme un simple « lubrifiant » des échanges.

2 La pertinence d’une telle conception instrumentale de la monnaie repose tout entière sur l’hypothèse de valeur, c’est-à-dire sur l’idée que la commensurabilité des biens trouve sa pleine intelligibilité hors de la monnaie, dans l’existence d’un principe objectif indépendant des conventions monétaires, nommé « valeur ». L’exemple le plus caractéristique d’une telle approche se trouve chez Marx qui définit la valeur d’une marchandise comme la quantité de travail socialement nécessaire à sa production. Il est alors possible, à partir d’un explicitation des conditions objectives de la production, de déterminer la valeur intrinsèque de tous les biens et, ce faisant, leur rapport d’échange, sans qu’il soit nécessaire d’introduire la monnaie. Cette possibilité d’une description complète de l’économie marchande, indépendamment de toute proposition sur la monnaie, est ce qui caractérise toutes les approches en termes de valeur, quelle que soit la définition spécifique qui en est retenue. On la retrouve chez les économistes modernes pourtant partisans d’une notion de valeur construite à partir du concept d’utilité des biens. En conclusion, pour qui adhère à l’hypothèse de valeur, la monnaie ne peut être qu’inessentielle puisqu’elle ne s’introduit dans l’économie qu’après coup, après que toutes les questions essentielles, comme celles relatives au niveau de production ou aux rapports d’échange des marchandises, ont trouvé leur réponse. Son rôle se borne à faciliter des transactions dont la logique lui échappe totalement. Dans un monde dominé par la valeur, il ne saurait y avoir de différence essentielle entre une économie de troc et une économie monétaire (Patinkin). Telle est la signification de la neutralité monétaire. Il est clair que cette analyse ne saurait être poussée trop loin sans tomber dans le paradoxe : si la monnaie est vraiment neutre, à quoi bon la réguler et pourquoi craindre l’inflation ? Pour répondre à ces questions, les économistes concernés ont proposé de distinguer deux horizons temporels, le court terme et le long terme. Dans le long terme, la monnaie reste neutre : toute variation de l’émission monétaire se traduit par une variation proportionnelle des prix sans changement des grandeurs réelles. Mais, il n’en est plus nécessairement de même à court terme. Plusieurs raisons peuvent être invoquées. La première tient au fait que les acteurs économiques n’ont qu’une connaissance imparfaite de ce que fait la banque centrale et commettent des erreurs d’anticipation. Une deuxième est liée aux rigidités existant dans la formation des prix monétaires qui ne s’adaptent que lentement aux variations monétaires. Il s’ensuit une non-neutralité de la monnaie à court terme qui rend toute sa rôle et sa pertinence à la politique monétaire. Cependant, dans le long terme, anticipations et prix ayant le temps de s’adapter, la neutralité est rétablie. La seconde interprétation s’oppose fortement à cette première analyse. Loin de considérer que la monnaie est « insignifiante », elle voit en elle l’institution de base des économies marchandes, leur rapport fondateur (Aglietta et Orléan, 2002). Comme on l’a expliqué, cela suppose de rompre avec l’hypothèse de valeur. Au lieu de postuler que la valeur préexiste aux échanges monétaires, cette interprétation soutient que c’est par le biais de la monnaie que la valeur accède à l’existence et s’impose aux agents. Telle est la nature de la médiation monétaire, ce qui la rend essentielle : produire un espace commun d’évaluation et de règlement permettant les échanges et servant de guide aux productions privées. C’est l’adhésion unanime à cette médiation qui constitue la communauté marchande en une société stable. Explicitons-en la structure. Le premier élément en est le compte. Il s’agit de définir l’unité dans laquelle seront évaluées toutes les marchandises et toutes les dettes. Se trouve ainsi institué un langage commun, le langage des prix, par le biais duquel la valeur prend sens et s’impose à l’esprit de tous les acteurs. Comme Keynes (1930) l’a souligné : « La monnaie de compte est le concept premier de toute théorie monétaire ». Cependant le compte reste à lui seul insuffisant sans une

3 définition du règlement. Pour le comprendre, commençons par remarquer que, une fois l’unité de compte définie, l’activité marchande peut se développer sur la base du seul crédit. Les acteurs marchands vont émettre des dettes, libellées dans l’unité de compte, soit pour acheter des marchandises, soit pour régler les soldes déficitaires que provoque leur activité. Certaines dettes peuvent circuler largement parce qu’elles sont largement acceptées. Elles sont dites « liquides ». La liquidité est une propriété stratégique puisqu’elle implique pour celui qui la contrôle qu’il lui est possible de payer avec sa dette. Mais, dans une telle configuration, comment évaluer la qualité des dettes qui circulent ? Cela passe par la définition du moyen de règlement ultime. C’est le second élément de la médiation monétaire. Dans le système contemporain, ce rôle est tenu par la monnaie émise par la banque centrale, bien connue lorsqu’elle prend la forme des billets, encore appelés « monnaie fiduciaire ». Cette monnaie centrale représente la liquidité absolue parce qu’elle est acceptée unanimement pour toutes les dettes et pour toutes les obligations : payer avec la monnaie centrale constitue un règlement définitif. Il en va différemment pour les autres moyens de paiement dont la qualité dépend entièrement de leur aptitude à maintenir leur convertibilité avec la monnaie centrale. Par exemple, le transfert d’un chèque sur une banque X, encore appelée « monnaie scripturale », à un agent économique ayant un compte dans la banque Y induit un transfert de dettes entre les deux banques qu’il s’agira de régler, le moment venu, au moyen de la monnaie centrale. Si la banque concernée ne peut assurer ce règlement, elle risque la faillite. En résumé, dans cette approche, c’est l’acceptation collective du moyen de règlement ultime, à savoir la monnaie proprement dite, qui constitue le pivot de l’ordre marchand. Elle nous donne à voir la société marchande soudée dans une même vénération. Deux types d’interprétation sont proposés pour en rendre compte. Il s’agit d’abord de la thèse chartaliste inaugurée par Knapp (1905) selon laquelle « la monnaie est une création de la loi ». À ses yeux, l’État peut imposer n’importe quelle monnaie simplement en déclarant qu’elle sera admise aux caisses des percepteurs en paiement de l’impôt. En effet, s’il en est ainsi, chaque acteur économique acceptera cette monnaie dans l’échange puisqu’il sait pouvoir à son tour l’utiliser pour régler ses obligations fiscales. La seconde thèse met l’accent sur le rôle de la confiance. On la trouve chez Simmel qui parle de « foi socio-psychologique apparentée à la foi religieuse » ou chez Simiand qui soutient que « toute monnaie est fiduciaire » en ce qu’elle est le produit d’une « croyance et d’une foi sociale ». Dans les deux cas, c’est la nature holiste de la monnaie qui est reconnue, à savoir la monnaie en tant qu’expression de la totalité sociale et de sa hiérarchie de valeurs (Aglietta et Orléan, 1998). Notons

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