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La croissance économique est-elle durable

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Par   •  11 Janvier 2016  •  Dissertation  •  3 501 Mots (15 Pages)  •  1 115 Vues

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La croissance économique est-elle durable ?

Trop rapide ou trop lente, le rythme de la croissance économique n'est jamais acceptable aux yeux de nos contemporains. Trop rapide, elle est accusée de détruire l'environnement et de fragiliser la cohésion sociale, trop lente, elle ne permet pas de créer assez d'emplois et de réduire suffisamment la pauvreté. L'augmentation de la production, à court terme comme à long terme, n'a jamais le rythme qu'il faut.

Pourtant, comme processus de transformation de l'activité productive élevant son efficacité et la quantité produite, la croissance économique est consubstantielle de nos sociétés modernes. Par définition non stationnaires, animées par ce que le philosophe de l'art Harold Rosenberg appelle, s'agissant de l'art moderne et contemporain, «la tradition du nouveau» (1988), nos sociétés ont l'économie de leurs structures : la croissance n'est qu'une manifestation de leur modernité.

Pour autant, la croissance est-elle forcément durable ?

La croissance butte sur les capacités de production à court terme et sur les rendements décroissants à long terme, mais l'investissement et le progrès technique permettent d'y faire face depuis deux siècles (I). Pourtant, les hommes peuvent-ils encore préserver la croissance malgré les crises récurrentes et les dégradations toujours plus vives de l'environnement (II) ?

  1. L'extinction programmée de la croissance économique a pour l'instant été retardée.

  1. La menace de l'état stationnaire pèse sur la croissance économique...

Augmenter la production se heurte aux capacités de production limitées à court terme. La microéconomie standard défend l'idée qu'à court terme le stock de capital fixe est fixe et qu'en conséquence la production dépend de la quantité de travail mobilisée, mais la productivité marginale du travail étant décroissante, à mesure que la quantité de travail utilisée augmente, la hausse de la production diminue rapidement. La demande de travail est décroissante en fonction du prix sur le marché du travail puisque la productivité marginale du travail est décroissante. L'offre de l'entreprise, comme l'offre globale d'un produit, est une fonction croissante du prix parce qu'il faut bien que le consommateur accepte de payer plus cher afin que le producteur puisse amener au marché l'unité supplémentaire dont le coût de production est plus élevé que la précédente (coût marginal croissant). Lorsque Paul Samuelson et Robert Solow intègrent la courbe de Phillips (1958) au modèle à prix-fixes IS/LM (John Hicks, 1937) pour forger le modèle demande globale/offre globale (AD/AS) en 1960, ils traduisent cette contrainte à court terme sur la production potentielle, par un effet prix : lorsque la demande s'élève au-dessus de l'offre potentielle, la croissance économique n'est qu'une croissance en valeur et non en volume. L'inflation traduit l'excès de la demande globale sur l'offre globale. De plus, les modèles Ricardo-Malthus et de Solow annoncent l'état stationnaire à long terme. Dans ses Principes d'économie politique et de l'impôt, 1817, Ricardo affirme que la loi de Malthus et la fertilité décroissante des terres, au fur et à mesure de leur mise en culture, impliquent la hausse du coût de production des produits agricoles. En conséquence, le salaire naturel et la rente foncière augmentent et pèsent sur les profits, c'est-à-dire sur l'accumulation du capital. La croissance finit ainsi par s'éteindre. En 1956, Solow développe dans un article l'idée que la croissance démographique borne la croissance de la production une fois l'état stationnaire atteint. L'accumulation du capital par tête cesse en effet du fait des rendements décroissants du capital dans un contexte où la population est un facteur quasi fixe : les pays développés ayant connu la transition démographique, la croissance démographique est en effet très lente. Lorsque l'épargne ne permet plus de financer que les seuls investissements de renouvellement et d'équipement, des nouveaux travailleurs se présentant sur le marché du travail à l'égal des travailleurs déjà présents, la croissance du PIB devient égale à celle de la population, autrement dit un état stationnaire est atteint en termes de PIB/hab. Du milieu des années 1960 au milieu des années 1980, l'économie américaine se rapproche de cet état stationnaire. La croissance économique y est lente, de l'ordre de 2,5 % par an au sens du PIB.

  1. Pourtant, il a été jusqu'à présent repoussé.

La division du travail (Smith) et l'investissement (Solow) élèvent la productivité du travail. Selon Smith (Richesse des nations, 1776, chap. 1 et 3), l'extension des marchés permet d'approfondir la division du travail et par conséquent d'obtenir des gains de productivité qui entretiennent la croissance. Dans l'industrie, les organisations taylorienne puis fordienne du travail ont considérablement approfondi la division du travail et permis des gains de productivité colossaux au XXe siècle. Selon Solow, l'accumulation du capital élève d'abord fortement la productivité du travail, puis de moins en moins à mesure que le stock de capital par tête atteint un niveau plus élevé. Un taux d'épargne plus élevé permet néanmoins un plus fort investissement dans cette économie : il élève à la fois la croissance économique et le PIB/habitant à l'état stationnaire, même en l'absence de progrès technique. Le « miracle asiatique » (Alwyn Young, 1992; Paul Krugman, 1994) n'a rien de miraculeux pour ces auteurs, qui y voient une illustration de la pertinence du modèle de Solow : 70 % de la croissance économique de Singapour des années 1960 aux années 1990 est le fait d'un investissement colossal. La population est certes mise au travail, mais un important effort d'équipement de celle-ci en biens de production durables a surtout lieu. Pendant toute cette phase d'accumulation du capital, la productivité du travail augmente et le PIB/habitant progresse de 8 % par an. C'est une croissance par « transpiration ». De plus, les innovations permettent la poursuite de la croissance. Dans l'agriculture, la révolution chimique des engrais due à la deuxième révolution industrielle a permis d'augmenter les rendements des terres agricoles et de contrer la loi ricardienne de la baisse de la fertilité des terres nouvellement mises en culture à mesure que la croissance démographique (n) appelle une hausse de la production agricole. Depuis la révolution industrielle, la fonction de production se déplace vers le haut à mesure que la productivité globale des facteurs augmente, mesurant par là (x) le progrès technique : la croissance économique (g) au sens du PIB est ainsi supérieure à celle de la population et telle que g = n + x. La destruction créatrice initiée par l'innovation est à la source d'un progrès technique selon Schumpeter : les innovations apparaissent par grappes et impulsent pour un temps - une cinquantaine d'années selon les cycles longs Kondratiev - la croissance économique. Philippe Aghion a développé depuis le début des années 1990 un programme de recherche néo schumpétérien sur l'endogénéisation du progrès technique. Les efforts en R&D des acteurs économiques, les entreprises au premier chef, débouchent sur des innovations qui déclassent et évincent les produits installés sur le marché, ce qui favorise la croissance. A bien des égards, les efforts de R&D des entreprises dans les NTIC sont ainsi à la source de l'accélération de la croissance économique américaine depuis le milieu des années 1990, mettant fin au paradoxe de Solow qu'il énonce en 1987: «Les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques de la productivité». La réorganisation des processus de production de l'ensemble des entreprises ou presque (Philippe Askénazy, 2001) autour des produits des branches des NTIC permet de réels gains de productivité et tire la croissance économique qui passe de 2,4% par an dans la première moitié des années 1990 à 3,3% par an dans la seconde moitié des années 1990 - aux deux tiers, cette croissance s'explique par la hausse de la productivité globale des facteurs (PGF).

Les externalités positives entretiennent la croissance. Enfin, l'analyse économique des relations hors marché entre les acteurs économiques a longtemps été laissée de côté par les économistes. Or certaines externalités positives seraient au cœur de la pérennité de la croissance. Endogénéisant par-là la croissance, Paul Romer (1986) met en avant les externalités de savoirs et savoir-faire qui accompagnent l'accumulation du capital des entreprises. L'agglomération d'entreprises utilisant des hautes technologies de laboratoires universitaires, de centres de recherche publics et privés favoriserait, à l'instar de la Silicon Valley, le développement économique de ces entreprises au point de lever la contrainte des rendements décroissants. En conséquence, le gouvernement français a par exemple décidé en 2004 l'instauration de tels clusters, baptisés «pôles de compétitivité», au nombre de 71 aujourd'hui. De manière générale, la croissance économique se poursuit, car des externalités par exemple liées au développement de certaines infrastructures publiques (Robert Barro, 1990) et à l'accumulation de capital humain (Robert Lucas, 1988) l'entretiennent. La PGF s'accroît d'autant plus que dans certaines économies apparaissent ces externalités. L'importance des externalités de capital humain serait ainsi au cœur des inégalités de PIB/habitant dans le monde : la progression du nombre d'années de scolarisation a en effet été plus rapide au xxe siècle dans les pays développés que dans les pays en développement, de sorte qu'elle rend statistiquement compte à elle-seule de l'absence de rattrapage des seconds sur les premiers (Daniel Cohen et Marcelo Soto, 2004).

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