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Liberté

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ne sont-ils pas tout simplement faux, et ne convient-il pas alors de parler à leur propos de liberté illusoire ? Le discours sur la liberté en termes de degrés est-il donc sensé ? La liberté ne serait-elle pas par définition ce qui échappe à tout degré ? N’est-elle pas un absolu ?

I- Au premier abord, il paraît nécessaire d’accorder que la liberté comporte des degrés.

Il apparaît en effet que si la liberté était seulement ce qui se situe au niveau extrême, supérieur, de cette hypothétique échelle de la liberté que nous avons commencé à tracer dans notre introduction, alors, il serait tout simplement impossible que nous soyons dits, en tant que nous sommes des êtres non raisonnables, mais seulement rationnels (doués de raison), " libres ". En effet, comme on peut le voir chez Leibniz, dans le chapitre XXVI du livre II des Nouveaux Essais, qui trace ici une telle échelle, c’est Dieu qui se situe au niveau extrême, et donc supérieur, de l’échelle. Par conséquent, on voit bien que si l’on ne traçait pas une telle échelle, sur laquelle viendraient s’échelonner des degrés de liberté, seul Dieu pourrait être dit libre ; à ce compte, même le sage ne serait pas libre, car, en tant qu’il a à prendre en compte les passions qui existent en tout homme, il n’a pas la liberté parfaite qui peut appartenir à Dieu seul.

On voit aussi Descartes recourir à une considération de la liberté en termes de degrés, afin de rendre compte de la possibilité, pour l’homme, d’être dit libre. Ainsi est-il amené, en raison de sa théorie de la création des vérités éternelles par Dieu, exposée dans les lettres à Mersenne de 1630, et qui a pour conséquence de poser que Dieu est le modèle même de ce qu’est un être libre, à savoir, que la véritable liberté consisterait à créer et à vouloir en même temps ce qu’on connaît, i.e., à ne pas " adhérer " ou assentir à quelque chose d’extérieur, à dire, dans sa QuatrièmeMéditation Métaphysique, que " le plus bas degré de la liberté " est la liberté d’indifférence ". La liberté entendue comme pouvoir de faire ou de ne pas faire, sans être " déterminée " par aucun motif, n’est pas une vraie liberté, ou n’est pas une liberté parfaite.

Il revient à Aristote d’avoir montré à quel point il était nécessaire que la liberté comporte des degrés. En effet, dans le livre III de l’Ethique à Nicomaque, Aristote dresse une liste des différents degrés de la liberté, afin de contrecarrer la théorie socratique selon laquelle nous faisons le mal involontairement. Selon Aristote, en effet, la théorie socratique de la vertu-science a une conséquence fortement néfaste pour la morale, puisqu’elle conduit à dire que nos vices ne nous sont pas imputables. Il s’agit donc de répondre à Socrate en affirmant que nos vices nous sont bien imputables, et pour ce faire, Aristote établit une sorte d’échelle des degrés de la liberté. On nous dira ici qu’Aristote ne parle pas de liberté à proprement parler, que nous projetons un terme " moderne " sur une théorie " ancienne ". Mais si certes, la théorie d’Aristote est, plus proprement qu’une théorie de la liberté, une théorie du " volontaire " et de l’ "involontaire ", et même si le volontaire n’est qu’un " vouloir " (la " Willkür ", que Kant oppose à la volonté pratique, la " Wille "), il a quand même posé les bases d’une théorie de l’imputation. Aristote pose, dans les chapitres 1 à 3, que le volontaire (nous dirons la liberté) est identique au non-contraint : il s’agit par exemple de ne pas être emporté quelque part contre son gré ou par une force extérieure. A ce titre, tout, dans la nature, est libre, car la liberté consiste à avoir en soi-même le principe de ses actes (on sait que dans Physique II, Aristote spécifiait les êtres naturels par rapport aux artefacts, en leur attribuant la capacité de pouvoir se mouvoir par eux-mêmes). Une fois posée cette définition large de la liberté, ou du volontaire, Aristote s’interroge sur les diverses modalités du volontaire. Pour lui, le volontaire ne s’oppose pas de façon stricte et brutale à l’involontaire : en effet, entre ces deux grandes modalités de l’action, s’échelonnent des niveaux intermédiaires entre les deux –Aristote parle d’actes " mixtes ". Que doit-on entendre par là ? Que, en plus des actes à proprement parler involontaires, qui se reconnaissent à ce qu’ils sont accompagnés de repentir, et qui ne nous sont donc pas imputables, il y a des actes accomplis non volontairement. Ces actes sont un mélange de volontaire et d’involontaire, et ne sont pas accompagnés de repentir : ils nous sont donc, selon Aristote, imputables. Il va ainsi pouvoir dire que celui qui a cédé à la passion, celui qui, par ivrognerie, a commis un acte répréhensible, est responsable de ses actes, même si ces deux personnes ne sont pas " entièrement " libres. Il y a une différence, en effet, nous dit-il encore, entre agir par ignorance, et agir dans l’ignorance. Quand on agit par ignorance, c’est que l’ignorance est la cause principale, ou première, de nos actions : alors, l’agent n’agissant pas en (pleine) connaissance de cause, il agit involontairement, il n’est pas libre. Par contre, quand on agit dans l’ignorance, l’ignorance n’est pas la cause principale, mais prochaine, de l’action. Ainsi, l’ivrogne agit certes dans l’ignorance mais non par ignorance : c’est son ivrognerie qui est en effet la cause de l’ignorance. Comme le dit bien Aristote, le caractère étant acquis par la répétition des mêmes actes, nous en sommes responsables : c’est de sa faute que l’ivrogne est ivrogne, et a commis un acte répréhensible. L’ivrogne est donc à la fois libre et non libre, il agit à la fois volontairement et involontairement. Il existe donc bien des niveaux intermédiaires de liberté : même si la liberté de l’ivrogne n’est pas " parfaite ", elle est bien une liberté, mais " moindre ", " inférieure ". Le fait qu’il existe des degrés entre le volontaire et l’involontaire permet donc bien à Aristote d’éviter l’écueil socratique : la liberté n’est pas seulement dans les actes bons ; cela serait trop facile, et trop dangereux. Affirmer l’existence de degrés de la liberté permet de dire que les enfants, les êtres qui obéissent à leurs actions, etc., sont libres, agissent de leur propre décision.

Dans la suite de son texte (dans les chapitres 4 à 6) Aristote établit que le plus haut niveau de la liberté, la liberté " accomplie ", se situe au niveau du choix réfléchi, rationnel, délibéré. Tout le volontaire, dit-il dans le chapitre 4, n’est pas identique au choix. La liberté " maximale " appartient à l’homme, capable de réflexion et de décision rationnelle. La liberté parfaite consiste donc à agir en pleine connaissance de cause, à " calculer " les éléments capables de nous faire effectuer un projet.

On peut considérer que ce que dit Aristote rejoint la thèse leibnizienne. En effet, si le plus haut degré de la liberté se trouve dans la capacité à délibérer, à agir en connaissance de cause, à réfléchir, c’est bien que la liberté appartient " plus " aux esprits, aux êtres rationnels, qu’à des êtres qui en sont dépourvus. Aristote comme Leibniz fondent en quelque sorte leur théorie des degrés de la liberté sur une théorie des degrés d’être. Ainsi, selon la théorie leibnizienne des monades, telle qu’elle est bien résumée dans les Principes de la nature et de la grâce, il apparaît que tout, dans la nature, est libre, mais à des niveaux différents, parce que les êtres existants (les monades) ont différents modes d’être, qui s’échelonnent sur une échelle allant de la moins parfaite sorte de monade (il s’agit des monades en sommeil, qui sont les éléments, analogues à des âmes, de toutes choses) à la plus parfaite, qui est Dieu (entièrement spirituel). Si les monades inférieures sont dites libres, c’est en tant que, comme chez Aristote, elles agissent " spontanément ". Et si les monades spirituelles sont dotées d’une liberté plus parfaite, c’est en tant qu’elles sont capables de réflexion, et donc, comme chez Aristote, de délibération rationnelle, et aussi, qu’elles sont des personnes, douées de mémoire et porteuses de droits, et par conséquent capables d’être responsables de leurs actions. Ici, donc, ce qui fait que la liberté se pense en termes de degrés, ou plutôt, qu’elle comporte des degrés, c’est que tous les êtres constituent une même échelle : il serait donc erroné de les séparer trop rigoureusement en disant, par exemple, comme le fait Descartes, que les bêtes ne sont pas libres. Et, par conséquent, il est bien nécessaire que la liberté comporte des degrés, cela est, pour ainsi dire, " bien fondé dans la nature des choses ".

Le problème qui se pose pourtant ici est qu’il nous paraît difficile de dire que la liberté comporte des degrés. En effet, n’apparaît-il pas qu’en fait, seul le niveau supérieur soit à proprement parler la liberté ?

II- Rien ne nous assure donc, en fait, que la liberté puisse faire l’objet d’une évaluation en termes de degrés. La liberté ne serait-elle pas au-delà de tout degré ? Dire que la liberté comporte des degrés, n’est-ce pas rater sa nature même ?

Ainsi, si l’on cherche, à un niveau

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