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t plus grave pour l'homme que de se faire une fausse idée des questions dont nous parlons en ce moment. Donc, si toi, tu m'assures que tu es comme moi, discutons ensemble ; sinon, laissons tomber cette discussion, et brisons-là."

Platon, Gorgias (457d-458a)

Le devoir du philosophe est de s'étonner de tout, de ne rien tenir pour acquis et donc de remettre en question les choses souvent arbitrairement "établies". Ainsi, pour René Descartes, "'il est besoin, une fois dans sa vie, de mettre toute chose en cause, autant qu'il se peut ".

C'est précisément le point soulevé par Platon dans l'extrait du Gorgias qui nous est soumis, dans lequel Socrate fait à celui-ci l'apologie de l'acceptation de la réfutation par toute personne soucieuse de progresser dans le savoir.

Nous nous efforcerons d'étudier sa pensée, exposée ici, afin d'en saisir toute la dimension philosophique et, par là, de comprendre que la sagesse passe par la remise en cause de nos convictions premières.

La pratique abordée par Platon est celle de la dialectique en tant qu'elle conduit celui qui s'y livre à pratiquer et à accepter la réfutation.

La question est de savoir si la réfutation n'est pas un mal (pour l'ego du réfuté) nécessaire pour acquérir une sagesse toujours plus grande, en évitant les erreurs de la pensée unique. Il s'agit ainsi au fond de se demander si le "savoir" de chacun n'a pas beaucoup, voir tout à gagner de sa remise en cause au contact critique de celui des autres.

Socrate est, en tout cas, assurément de l'avis qu'un tel contact critique est vital pour la pensée, puisqu'il estime que "aucun mal n'est plus grave pour l'homme que de se faire une fausse idée ", et donc que la remettre en question est un bienfait, puisque cela permet de l'en délivrer.

Pour faire admettre à Gorgias qu'il a tout intérêt de discuter avec lui en acceptant d'être réfuté, Socrate commence par lui exposer, en donnant des contre-exemples de dialogues avortés, les exigences d'un dialogue fructueux, dont les interlocuteurs puissent sortir enrichis au lieu de s'entredéchirer (lignes 1 à 11). Il peut alors appliquer ce qu'il vient de dire à leur propre échange, qui risquait de tourner court (lignes 11 à 17) avant de rassurer Gorgias sur ses intentions, constructives, à son égard, tout en lui laissant le choix de poursuivre ou non leur entretien (l. 17 à 26).

Le texte commence par un renvoi de Gorgias à sa propre expérience : "J'imagine, Gorgias, dit-il, que tu as eu, comme moi, l'expérience d'un grand nombre d'entretiens." Et il lui suggère ce que cette expérience aurait du lui faire découvrir : " Au cours de ces entretiens, sans doute auras-tu remarqué la chose suivante : les interlocuteurs ont du mal à définir les sujets dont ils ont commencé de discuter et à conclure leur discussion après s'être l'un et l'autre mutuellement instruits. Au contraire, s'il arrive qu'ils soient en désaccord sur quelque chose, si l'un déclare que l'autre se trompe ou parle d'une façon confuse, ils s'irritent l'un contre l'autre, et chacun d'eux estime que son interlocuteur s'exprime avec mauvaise foi, pour avoir le dernier mot, sans chercher à savoir ce qui est au fond de la discussion. Il arrive même parfois qu'on se sépare de façon lamentable : on s'injurie, on lance les mêmes insultes que l'on reçoit, tant et si bien que les auditeurs s'en veulent d'être venus écouter pareils individus." Le point de départ de la réflexion à laquelle Socrate va soumettre Gorgias, pour l'amener à accepter d'être lui-même bientôt réfuté, est l'évocation de deux cas de figure de dialogues qui tournent mal et ont, ainsi, valeur de contre exemples. Premier cas de figure: celui d'un dialogue qui n'aboutit pas: " les interlocuteurs ont du mal à définir les sujets dont ils ont commencé de discuter et à conclure leur discussion après s'être l'un et l'autre mutuellement instruits".

Deuxième cas de figure, celui d'un dialogue qui tourne mal : " Au contraire, s'il arrive qu'ils soient en désaccord sur quelque chose, si l'un déclare que l'autre se trompe ou parle d'une façon confuse, ils s'irritent l'un contre l'autre, et chacun d'eux estime que son interlocuteur s'exprime avec mauvaise foi, pour avoir le dernier mot, sans chercher à savoir ce qui est au fond de la discussion. Il arrive même parfois qu'on se sépare de façon lamentable : on s'injurie, on lance les mêmes insultes que l'on reçoit, tant et si bien que les auditeurs s'en veulent d'être venus écouter pareils individus." Revenons sur chacun de ces dialogues ratés. Quelle est la raison de l'échec du premier, échec patent, puisque les interlocuteurs en ressortent sans rien avoir appris l'un de l'autre ? Il tient, dit Socrate, au fait que les interlocuteurs ont mal défini leur sujet. Nous pouvons évoquer ici un dialogue de Platon de la même époque que le Gorgias, le Lachès. Le dialogue commence par la demande de deux pères de famille qui viennent interroger Lachès et Nicias, qui est un autre stratège athénien, mais lui beaucoup plus jeune, et qui est en même temps un personnage politique, ce que n'est pas du tout Lachès. Les deux pères de famille viennent interroger ces deux spécialistes pour savoir s'il faut faire donner des leçons d'art militaire et d'escrime à leurs enfants. Et ils ont demandé à Socrate de bien vouloir se joindre à cette assemblée pour tenter de répondre à cette question. Les deux spécialistes, Lachès et Nicias, interviennent, Lachès disant que c'est complètement inutile de faire donner de faire donner des leçons de cet ordre et que l'art militaire s'apprend sur le terrain, Nicias disant au contraire que c'est tout à fait utile et que lui s'est trouvé très bien des leçons qu'il a reçues. Comme il y a une voix pour, une voix contre, et que ces pères de famille sont habitués à la démocratie, ils se tournent vers le troisième larron, qui est Socrate, en disant "bon, et bien tu vas départager, tu vas dire pour qui tu votes, et nous saurons s'il faut ou non donner des leçons aux enfants". Socrate dit: "ah non, je suis désolé, je ne procède pas comme cela. Je ne peux pas répondre à la question qui vient d'être posée, aussi directement, car je ne ferais que donner mon avis. Or mon avis, en tant que subjectivité, ça n'a aucune espèce d'importance. Non, je voudrais essayer de comprendre ce qu'on dit Lachès et Nicias". Et ils leur demande la permission de les interroger : pourquoi as-tu dit ceci, pourquoi as-tu pris tel exemple, pourquoi à ce moment-là as-tu changé de ton?" Il commence une enquête très subtile et il apparaît au bout d'un certain temps, pour tous les interlocuteurs, et par conséquent pour nous lecteurs, qui sommes en quelque sorte un interlocuteur supérieur, que Lachès et Nicias se savaient pas ce qu'ils disaient, qu'il parlaient par pur mécanisme, qu'ils avaient une idée préconçue et qu'à partir de-là ils ont fabriqué leur argumentation, mais que cette argumentation n'est absolument pas probante. Alors les deux pères de famille se retournent vers Socrate et demandent comment alors il faut faire. Il dit: " Voilà, se poser la question "faut-il faire donner des leçons d'art militaire à des enfants?", ce n'est pas une bonne question. Il faut d'abord savoir à quoi ça sert de faire donner les leçons à des enfants, et des leçons d'art militaire en particulier. Qu'est-ce que l'on veut cultiver?" Et voilà seulement enfin bien engagé le dialogue sur le sujet ! Et s'il l'est bien c'est qu'il passe par une définition claire de ce qui est en jeu, en quoi consiste, notons-le au passage, le travail philosophique. Venons-en à présent à notre second cas de figure, celui d'un dialogue qui finit en foire d'empoigne. Pourquoi au lieu de chercher ici encore " ce qui est au fond de la discussion " en vient-on aux injures et aux insultes ? Parce que, étant au départ en désaccord sur le sujet abordé, "on veut avoir le dernier mot" et l'on accuse l'autre de se tromper ou de parler confusément ! Qu'aurait-on du faire ici qui eût évité que les choses ne s'enveniment ? Il eût fallu accepter d'être soi-même réfuté pour le cas où l'on se serait trompé ou de réfuter l'autre s'il était lui-même dans l'erreur ou la confusion !

Accepter d'être réfuté: voilà bien ce que Socrate attend de Gorgias et à quoi il voulait le conduire, ce que Gorgias peut ne pas avoir compris. Aussi lui met-il, pour ainsi dire, les points sur les "i": conscient que Gorgias ne saisit pas sa motivation, Socrate interroge celui-ci afin de savoir s'il se demande "pourquoi il lui parle de cela". Socrate annonce ainsi la raison de son détour par les écueils du dialogue. Ce détour avait en effet pour

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