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Politique

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sifs. Elle tient son nom d’un Russe aux talents et activités multiples, mais méconnu […], Nicolas Evreinov. Sa thèse, exprimée à partir d’illustrations fort variées, donne une assise théâtrale à toutes les manifestations de l’existence sociale. Et notamment à celles qui mettent en œuvre le pouvoir : les acteurs politiques doivent « payer leur tribut quotidien à la théâtralité » […]

Le pouvoir établi sur la seule force, ou sur la violence non domestiquée, aurait une existence constamment menacée ; le pouvoir exposé sous le seul éclairage de la raison aurait peu de crédibilité. Il ne parvient à se maintenir ni par la domination brutale, ni par la seule justification rationnelle. Il ne se fait et ne se conserve que par la transposition, par la production d’images, par la manipulation de symboles et leur organisation dans un cadre cérémoniel. Ces opérations s’effectuent selon des modes variables, combinables, de présentation de la société et de légitimation des positions gouvernantes. Tantôt la dramaturgie politique traduit la formulation religieuse, elle fait de la scène du pouvoir une réplique ou une manifestation de l’autre monde. La hiérarchie est sacrée – comme le dit l’étymologie- et le souverain relève de l’ordre divin, y appartenant ou en tenant son mandat. Tantôt le passé collectif, élaboré en une tradition, en une coutume, devient la source de la légitimation. Il est une réserve d’images, de symboles, de modèles d’action, il permet d’employer une histoire idéalisée, construite et reconstruite selon les nécessités, au service du pouvoir présent. Ce dernier gère, et assure ses privilèges, par la mise en scène d’un héritage.

Georges Balandier, Le Pouvoir sur scènes, Fayard, nouvelle édition 2006.

II. La « spectacularisation » de l’action politique.

Grégory Derville constate que les médias et les sondages qui prennent de plus en plus de place depuis quelques décennies, ont eu pour effet d’accroître la mise en scène de l’action politique.

La première conséquence de la double pression exercée par les médias et les sondages sur les acteurs politiques est la spectacularisation de l’action politique, et tout spécialement de l’action publique. Les acteurs politiques peuvent moins que jamais se contenter de travailler, ils doivent s’efforcer en permanence de montrer de façon ostensible qu’ils travaillent, de montrer les fruits de leur travail (mesures, réformes, déclarations). Plus exactement, l’activité de communication des acteurs politiques, le temps qu’ils passent à montrer qu’ils travaillent, comment ils travaillent et ce que leur travail produit de concret, ce temps-là fait de plus en plus partie intégrante du travail de l’acteur politique. Faire de la politique, et en particulier gouverner, ce n’est pas seulement « faire », mais c’est aussi « faire savoir » que l’on fait et « faire croire » que l’on fait bien. C’est pourquoi les acteurs politiques tentent souvent de rendre leur action aussi spectaculaire que possible, afin qu’elle soit susceptible d’intéresser les journalistes, qu’elle soit répercutée par eux, et qu’elle soit alors visible pour un maximum de citoyens. Le champ politique est ainsi traversé par la tentation du coup d’éclat permanent, en référence au titre du célèbre ouvrage de François Mitterrand.

Bien sûr, le fait que les gouvernants aient le souci de rendre leur action visible n’est pas en soi un phénomène nouveau. Le politique a toujours été un lieu privilégié de spectacle : l’histoire et l’anthropologie nous apprennent que le pouvoir politique fonde toujours une grande part de sa légitimité sur la mise en scène de sa nécessité, de son efficacité, de sa rationalité ou de sa puissance. Mais, avec les médias modernes, la tendance s’accentue, parce que le public à séduire est bien plus vaste et hétérogène et parce que la technique offre des possibilités immenses. L’un des principes de base des acteurs politiques est alors : il ne sert à rien d’agir si personne au sein de l’électorat n’en sait rien. Tous essayent à longueur d’année, par leurs déclarations comme par leurs décisions, d’occuper l’espace médiatique. Comme le dit un conseiller en marketing politique au sujet des campagnes électorales (mais ce propos peut être élargi à la vie politique au long cours), « il faut réagir vite, être le premier à parler d’un événement pour être repris par les médias. Réussir une campagne présidentielle, c’est d’abord utiliser les bonnes fenêtres médiatiques » (Georges Dardel, cité in Télérama, 27/03/2002). Avant d’agir, les acteurs politiques se posent donc ce genre de questions : « Cette mesure que j’envisage de rendre publique, cette visite que je compte effectuer sur le terrain, cette conférence de presse que je veux organiser, comment m’y prendre pour qu’elles attirent l’attention des journalistes, pour qu’elles suscitent des reportages et des analyses, pour qu’elles soient visibles dans les médias, pour qu’elles fassent parler de moi ? » Tout se passe comme s’ils étaient de plus en plus convaincus que dans la vie politique actuelle, ce ne sont pas seulement les absents qui ont tort, mais ce sont aussi les silencieux.

Comment un acteur politique peut-il s’y prendre concrètement pour occuper l’espace médiatique ? Une solution peut être de choisir le bon moment pour rendre publique une déclaration ou une décision, par exemple à une date symbolique : il ne se passe guère une fête de la musique sans que le ministre de la Culture, voire même le Premier ministre, n’annoncent une baisse de la TVA sur les disques ; de même, c’est le 25 novembre 2004, journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes, que la ministre de la Parité Nicole Ameline annonce un nouveau plan de lutte contre les violences conjugales…

Une autre solution consiste à mettre en avant, parmi tout ce que l’on fait, les actions qui semblent a priori les mieux à même d’éveiller l’intérêt des médias. Par exemple, un ministre peut être tenté de communiquer sur l’entrée en service de nouveaux canadairs rutilants, plutôt que sur une mesure destinée à aider les communes à débroussailler les forêts pour empêcher les incendies (mesure sans doute plus efficace sur le long terme, mais bien moins susceptible de générer de beaux reportages dans des médias locaux).

Particulièrement soucieux des retombées médiatiques de leur activité, certains acteurs politiques peuvent être tentés par une troisième solution, plus radicale, qui consiste à focaliser leur attention et leur activité sur les seuls domaines à haut « potentiel médiatique » (comme l’insécurité…), aux dépens de problèmes plus techniques, pour lesquels les solutions sont plus complexes et moins immédiatement traduisibles en images ou en reportages chocs à la une de la presse ou en titres du JT de 20 heures ( la réforme de l’Etat…)[…]

Le souci des acteurs politiques de visibiliser et de spectaculariser leur travail leur prend énormément de temps. A partir de son expérience de ministre de l’Agriculture, Michel Rocard évaluait à 70% le temps qu’un ministre en fonction consacre à des activités de communication, de « faire-savoir ». Il faut aussi beaucoup de temps pour mettre au point des coups médiatiques destinés à faire parler de soi, et plus encore pour préparer des interventions dans les médias [...] L’activité de communication, qui autrefois était marginale ou « buissonnière » (Albouy, 1994, p.323), concentrée dans les campagnes électorales, « mange » désormais de plus en plus de temps.

Cette évolution entraîne une autre conséquence importante, qui est l’accentuation du processus de rationalisation et de division du travail politique. Comme le souligne Michel Rocard, un responsable politique passe désormais tellement de temps à des activités de communication que « la définition des projets, le contenu de la volonté politique, au lieu d’être l’élément le plus personnel du responsable en situation de compétition, sa vision propre, devient la charge d’assistants et de collaborateurs divers qui seuls ont la disponibilité nécessaire » (1988, p.170). L’acteur politique court ainsi le risque du moins pour les enjeux qui lui semblent un peu secondaires, de perdre la maîtrise de son discours et de se transformer en un acteur au sens théâtral du terme, c’est-à-dire en quelqu’un qui prête sa voix à un argumentaire élaboré par d’autres[1].

Grégory Derville, Le pouvoir des médias, mythes et réalités, P.U.G., 2005.

III. Récit du sacre de Napoléon par Jacques-Barthélémy Salgues.

La marche était ouverte par huit escadrons de cuirassiers, huit de carabiniers, et par les escadrons de chasseurs de la garde, entremêlés de pelotons de mameluks. A la tête de ces troupes marchait le gouverneur de Paris avec son état-major ; à la suite venaient le roi et les hérauts d’armes à cheval, puis les maîtres et aides de cérémonie dans une voiture ; douze voitures conduisaient les grands-officiers militaires de l’empire, les ministres, le

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