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Référendum d'entreprise et représentativité syndicale

Dissertation : Référendum d'entreprise et représentativité syndicale. Rechercher de 53 000+ Dissertation Gratuites et Mémoires

Par   •  17 Février 2018  •  Dissertation  •  2 226 Mots (9 Pages)  •  1 130 Vues

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Laura GUILLOTON

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A04

DROIT DU TRAVAIL

« Quelles réflexions vous inspire les possibilités ouvertes par l’ordonnance relative au renforcement de la négociation collective de conclure des accords collectifs d’entreprise par voie de référendum ? »


« Le referendum, c'est la mort du fait syndical ». Devant la tribune de l’Assemblée nationale le 10 juin 1982, Jean Auroux, alors ministre du Travail affiche sans détour sa ferme opposition au référendum d’entreprise. En effet, selon lui, tout mécanisme qui mettrait en lien direct l’employeur et les salariés et dont le fonctionnement serait laissé à la seule initiative d’une des parties, conduirait à la disparition des syndicats.  

Loin d’être une problématique nouvelle, le référendum d’entreprise est le dispositif qui permet de consulter directement les salariés, sous forme de question, sur la mise en place d’un accord d’entreprise qui modifierait les conditions de travail des employés. Les syndicats représentatifs n’y joue ici aucun rôle donc, et pourtant, c’est initialement à eux que revient la fonction d’interlocuteur avec l’employeur. En effet, les syndicats représentatifs sont ceux qui remplissent les conditions prévues par l’article L2121-1 du Code du Travail et qui dès lors exercent des fonctions qui leur sont propres et qui les distinguent des syndicats non représentatifs. Parmi ces fonctions se trouve celle de négocier des conventions et accords collectifs et de les signer. Ainsi, au niveau de l’entreprise, lorsque l’employeur engage des négociations en vue de signer un accord d’entreprise qui fixera les règles relatives aux conditions de travail, à l’emploi ou aux garanties sociales des salariés, les syndicats représentatifs permettent de défendre les intérêts du personnel et éviter que l’employeur ne s’autorise à fixer des règles qui  seraient défavorables aux salariés.

Désireux de réformer le droit du travail et de dynamiser le marché de l’emploi la question du référendum d’entreprise a de nouveau fait débat ces dernières années. En effet, en vertu de la loi du 8 aout 2016, il est désormais possible pour des syndicats signataires minoritaires d’un accord d’entreprise de déclencher un référendum. Dans le même sens, les ordonnances du 27 septembre 2017 ont permis la négociation collective d’entreprise dans les très petites entreprises au moyen d’une consultation directe du personnel. L’objectif affiché de ces réformes serait de favoriser la « démocratie sociale » et de donner plus de poids à la négociation entre employeur et salariés.

De fait, si le référendum d’entreprise tend à accorder plus de poids à la volonté des salariés en leur « donnant la parole » au travers de leur vote, cela conduit nécessairement à s’interroger sur ce qu’il restera dès lors de la fonction des syndicats représentatifs.  Il convient  alors de se demander si une consultation par voie de référendum ne conduirait pas à un affaiblissement, voire un effacement, du rôle des syndicats représentatifs dans le cadre de la négociation collective.

        Il s’agira dans un premier temps d’aborder le référendum d’entreprise comme un réel outil mis à disposition de l’employeur au détriment des syndicats, ce qui nous amènera ensuite à nous interroger sur sa comptabilité avec la liberté syndicale et le droit à la négociation collective au regard du droit interne comme du droit international.  

  1. Le référendum d’entreprise, un outil mis à disposition de l’employeur au détriment des syndicats représentatifs.

  1. La consultation directe des salariés de petites entreprises par leurs employeurs

En vertu de l’article L2312-2 ancien de Code du travail, la mise en place de délégués du personnel n’est obligatoire que dans les entreprises d’au moins 11 salariés. En l’absence de représentants du personnel la mise en place de négociation collective au niveau de l’entreprise ne peut se faire, ce qui implique alors que les employeurs et ses salariés soient soumis aux conventions de branches. Ainsi, contrairement, aux plus grandes entreprises qui ont la possibilité de négocier des accords d’entreprises applicables en leur sein, les très petites entreprises, sont « mise de côté »

L’un des principaux objectifs de la réforme du droit du travail avec les ordonnances du 22 septembre 2017 est justement de permettre à ces entreprises de conclure leurs accords d’entreprises. Pour palier à l’impossibilité de mettre en place des négociations collectives au sein des petites entreprises, on aurait pu penser à la possibilité pour le législateur d’étendre l’obligation d’élire des représentants du personnel aux entreprises de moins de 11 salariés.  En réalité, la réforme va tout simplement permettre la négociation collective en consultant directement les salariés. En effet, en vertu de l’article 2232-21 nouveau du Code du Travail, il est désormais possible pour les entreprises de moins de 11 salariés dépourvues de délégué syndical de proposer un projet d’accord aux salariés. Un choix qui peut sembler d’une part plus égalitaire puisque les employeurs de petites entreprises peuvent, au même titre que leurs concurrents plus imposants, élaborer des accords d’entreprises. Du point de vue de la relation entre les employeurs et les salariés, ce choix peut sembler aussi démocratique : en effet, les salariés s’expriment directement et manifestent leurs choix sans passer par un quelconque intermédiaire.

Néanmoins, dans le cadre des relations de travail caractérisées par une subordination de l’employé à l’employeur, difficile d’imaginer cet outil sans danger. En effet, le rôle des syndicats représentatifs n’est pas des moindre puisqu’il est l’acteur essentiel pour permettre aux employés d’exercer leurs droits dans l’entreprise, les représenter en cas de négociation d’accord et éviter que ce déséquilibre qui s’opère de nature dans les relations de travail ne vienne désavantager les salariés.

Ce qui peut sembler plus démocratique peut cacher en réalité des aspects plus dangereux :   Bernard  Gauriau déclarera à ce sujet que « La prudence invite pourtant à faire la part du regain démocratique et d'une forme nouvelle de populisme »[1].

En outre, il faut noter qu’en vertu de l’article 2411-1 du Code du Travail, les délégués du personnel, jouissent  d’un statut protecteur face à tout licenciement. Statut protecteur qui ne bénéficie pas au simple salarié. Certes, l’employé devient, dès lors,  acteur direct de la négociation de ses conditions de travail, mais sans protection, il pourrait facilement se retrouver en porte à faux et soumis à une certaine pression de son employeur.[2]

  1. Le référendum d’entreprise comme possible alternative à la négociation collective

La loi du 8 aout 2016 mettait en œuvre la possibilité de recourir à un référendum d’entreprise lors de négociations collectives. En effet, alors qu’il était nécessaire pour qu’une convention collective soit valide qu’elle soit signée par des syndicats regroupant au moins 30% des suffrages lors des dernières élections professionnelles, ce taux est sensiblement augmenté puisqu’il doit désormais atteindre plus de 50%. Mais à cette règle le législateur a prévu un « filet de secours » qui permettra aux syndicats signataires minoritaires de voir tout de même s’appliquer l’accord collectif.  En effet, si les syndicats signataires minoritaires recueillent au moins 30% des suffrages, il peuvent demander que soit organisé un référendum d’entreprise. Ainsi, si plus de 50% des salariés approuvent l’accord collectif, ce dernier s’applique alors même que la majorité des syndicats s’y était opposé.

L’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective pousse le mécanisme encore plus loin puisqu’il dispose en son article 10 qu’ « au troisième alinéa, après les mots  ‘à compter de cette demande’ sont insérés les mots ‘ou de l’initiative de l’employeur’ ». Cet ajout n’est pas anodin puisqu’il ne réserve plus seulement l’invocation du référendum d’entreprise aux syndicats minoritaires  mais aussi à l’employeur. On peut voir ici une manière d’écarter  les syndicats qui ne jouent, dès l’invocation du référendum d’entreprise par l’employeur, plus aucun rôle. En effet dès lors que ce référendum est validé par la majorité des salariés, l’accord collectif d’entreprise initialement rejeté par la majorité des syndicats représentatifs se verraient malgré tout appliqués. Il faut noter que le taux de 50%, nécessaire désormais pour valider un accord d’entreprise est assez élevé et pourrait difficilement être atteint dans les faits. En effet, Franck Petit affirme à ce sujet que « ce seuil est si élevé qu'on doute qu'il servira souvent » [3]. Dès lors, il est facile d’imaginer que le recours au référendum d’entreprise devienne la règle, plus que l’exception et se substituerait à la négociation collective entre employeur et syndicats représentatifs.

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